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L’épopée de Gilgamesh

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 15 décembre 2022 - 363 mots

Tous les colosses ont le pied d’argile. Toutes les éternités s’effritent et précipitent dans les flux du temps, avec les poussières et les sédiments d’autres moments, d’autres époques, au rythme du battement des vies et au gré des soulèvements géologiques.

« L’Épopée de Gilgamesh illustrée par l’art mésopotamien, » Diane de Sellier, 278 p., 250 €
« L’Épopée de Gilgamesh illustrée par l’art mésopotamien, » Diane de Sellier, 278 p., 250 €

La mémoire, faute de souvenirs, fuit dans l’archéologie. Elle se prolonge dans la roche aux racines de l’oubli. Seule, ou se sentant égoïstement fragile devant l’abîme, une composante vitale des hommes se cherche un élan, une survivance, une durée, qui transcenderait l’éclair fugace de leur existence. À l’origine de tout ce que nous faisons, de plus vaniteux ou de plus poétique, il est dans la nature humaine de s’opposer à son angoissante finitude par un acte délibéré de création ou de procréation. Ce mouvement nous lègue au travers des âges, des lignées et des fresques, des rois et des mythes. Parmi ces gestes, l’épopée de Gilgamesh, qu’on racontait déjà il y a plus de quatre mille ans, témoigne aujourd’hui encore de l’aventure héroïque qui anime chaque être conscient de soi dans la joute mortelle qu’il entretient avec le temps. Il nous offre aussi tous les trésors de sagesse à s’approprier en chemin. Pour en faire ressortir toute la profondeur, la traduction d’Abed Azrié est ici reprise aux sources de la tradition issue des tablettes babyloniennes, et recomposée, réenchantée. Pour lui rendre son souffle, le photographe Jean-Christophe Ballot joue des contrastes et des rugosités, des effets de netteté et de flou qui animent d’une vie propre et autonome la sculpture cunéiforme des textes, les statues et les bas-reliefs qui relatent l’histoire et le contexte. Cet ensemble aide à se plonger pleinement dans la réalité artistique et dans l’épaisseur historique de toute une civilisation traversée par le mythe, et qui participe de son envoûtement. De la boue meuble puis séchée de l’argile, qui se consolide dans le temps, sous la terre, dans la sécheresse et dans le feu, nous parvient l’écho de la parole des poètes. Comme pour les traces des pattes des dinosaures qu’on découvre encore imprimées sur le lit des anciennes rivières, Gilgamesh, dans sa vie, a disparu. L’empreinte de son mythe, son élan, à travers l’art, la poésie, la philosophie, nous transportent.

« L’Épopée de Gilgamesh illustrée par l’art mésopotamien, »
Diane de Sellier, 278 p., 250 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°760 du 1 décembre 2022, avec le titre suivant : L’épopée de Gilgamesh

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