Design

Le modernisme à visage humain

Le Journal des Arts

Le 7 novembre 2003 - 490 mots

Une somme consacrée au design du Finlandais Alvar Aalto (1898-1976), figure
majeure de l’architecture moderne, paraît aux éditions Gallimard.

À ses débuts, Alvar Aalto n’échappe pas au classicisme éclectique qui domine le design des pays du Nord des années 1920. Mais déjà point à travers des candélabres d’églises ou du « mobilier pour petites maisons » (lire « ouvrières »), la démarche d’Alvar et d’Aino, sa première femme et associée : créer un « design du quotidien » simple et pratique, accessible à tous – les temps sont au socialisme – par opposition aux objets de curiosité ou de luxe ostentatoire. La beauté est dans la ligne, le luxe dans l’exécution. En 1929, Aalto participe à Francfort au Congrès international de l’architecture moderne, où il rencontre Gropius et Le Corbusier. Un tournant : il est emporté dans la mouvance du modernisme.
Comme nombre de ses collègues, il ambitionne alors un « design global », des murs aux poignées de porte en passant par la vaisselle et les tissus. Les arts décoratifs sont pour lui « les branches d’un même arbre, dont le tronc est l’architecture ». Rédigé par des historiens de l’art scandinaves, richement illustré d’images d’archives, croquis de travail, plaquettes publicitaires et photos, le livre montre l’essentiel de sa production : meubles, luminaires, verrerie. C’est en 1932 que naissent la chaise Paimio – deux cadres courbes en bouleau enserrant une assise de bois peint –, et le fauteuil en porte-à-faux dont les pieds se prolongent en accoudoirs. Le génie d’Aalto se révèle dans la relecture des œuvres de ses contemporains. Exit les formes angulaires d’un Rietveld, le chrome industriel d’un Marcel Breuer… place au bois naturel et à un vocabulaire sensuel. Dans le domaine de la verrerie, l’œuvre la plus célèbre, le vase Savoy ou Aalto (1936), est soufflé à partir d’une esquisse au titre insolite, Jambière de cuir de femme esquimaude. Son dessin sinueux reprenant les ondulations aquatiques des lacs du Nord marque une rupture avec le design symétrique. Plutôt que de dominer la matière, Aalto la caresse, donnant au fonctionnalisme un visage humain. Ici, deux séries de photos, consacrées l’une au « domptage » du contreplaqué, innovation cruciale pour la fabrication des meubles, l’autre à la production du verre, explicitent les prouesses techniques dont résultent des objets solides et faciles à reproduire en série, promis à un immense succès international.
L’un des mérites de cette publication, justement, est de fournir un catalogue quasi raisonné de ces deux arts. Manque en revanche un catalogue des luminaires. Malgré ce détail, Alvar Aalto designer offre un panorama rigoureux et exhaustif de créations qui restent, comme le vantait déjà dans les années 1930 le slogan de leur distributeur anglais : « Furniture of the future for the home of today » (le mobilier du futur pour la maison d’aujourd’hui).

Alvar Aalto designer, éd. Gallimard, 240 p., 400 ill. dont 240 en couleur, 69 euros jusqu’au 31 décembre, 79 euros ensuite. ISBN 2-07-011753-7.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°180 du 7 novembre 2003, avec le titre suivant : Le modernisme à visage humain

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