Laure Adler, Françoise

La femme, la culture, la presse et le pouvoir

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 14 mars 2011 - 400 mots

BIOGRAPHIE. Lorsque Françoise Giroud arrive au secrétariat d’État à la Culture en août 1976, elle va chercher conseil auprès d’André Malraux. Sous forme de boutade, mais en était-ce vraiment une ? L’ancien ministre lui dit : « Il faut que vous trouviez un truc.

Moi, j’avais fait blanchir les monuments de Paris. » Le « truc », elle ne le trouvera pas et fera un séjour éclair de six mois dans ce secrétariat sans grand budget, où elle pourra tout au plus faire adopter des textes préparés par ses prédécesseurs. Valéry Giscard d’Estaing la congédie après sa défaite aux municipales de Paris et la violente polémique sur la médaille de la Résistance qu’elle s’attribue à tort.
 
« Françoise Giroud a toujours eu des rapports compliqués avec la vérité », affirme Laure Adler dans la biographie qu’elle lui consacre et qui s’attarde sur les paradoxes d’une femme qui a longtemps refusé d’admettre ses origines juives, au point même d’avoir envoyé des lettres antisémites anonymes à son ex-compagnon d’alors, Jean-Jacques Servan-Schreiber. Elle dresse le portrait d’une femme autoritaire, parfois rude, mais aussi engagée, déterminée, organisatrice, féminine et féministe, amoureuse et sensuelle. Une femme marquée par le déclassement social après son exil de Turquie et traumatisée par l’absence du père.

Il y a en fait trois personnages principaux dans l’ouvrage : Françoise Giroud, JJSS et L’Express. Car si les petits accommodements de Françoise avec la vérité sont l’un des fils conducteurs de cette biographie, la relation tumultueuse et passionnée avec JJSS et plus encore l’histoire de L’Express sont tout aussi édifiantes. L’auteur rappelle les liens étroits entre L’Express et Pierre Mendès-France, des liaisons brouillées entre médias et politique qui seraient aujourd’hui moins acceptées. Se souvient-on que la rédaction de L’Express sélectionnait les candidats de Mendès France aux élections législatives de 1955 ?

Laure Adler livre une biographie qui n’est pas inintéressante en ce qu’elle n’oublie rien des zones d’ombre de l’objet de son étude. On aurait cependant aimé une forme plus rédigée, plus littéraire en lieu et place d’un ouvrage qui ressemble plus à une chronique. Pour en revenir à Françoise Giroud et la culture, retenons cette citation de Michèle Cotta : « Son bilan [celui de F. G. au secrétariat d’État à la Culture] est plutôt bon comparé à celui de Renaud Donnedieu de Vabres ou de Frédéric Mitterrand. » Les intéressés apprécieront.

Laure Adler, Françoise, Grasset, 490 p., 22 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°634 du 1 avril 2011, avec le titre suivant : Laure Adler, <em>Françoise</em>

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