Rappel chronologique

À la recherche du temps perdu

Par Julie Portier · Le Journal des Arts

Le 1 octobre 2008 - 534 mots

Flammarion publie un manuel sur la photographie teinté de nostalgie.

Enchérissant sur une actualité éditoriale, marquée, entre autres, par la publication aux éditions Citadelles & Mazenod de l’imposant L’Art de la photographie des origines à nos jours sous la direction de Michel Poivert et d’André Gunthert en 2007 (lire le JdA n°271, 14 décembre 2007), les éditions Flammarion publient cet automne L’Art de la photographie en France des origines à nos jours par Claude Nori. L’ouvrage survole en vingt-six chapitres toute l’histoire du médium dans le contexte français. Jalonné par les principaux mouvements ou les avancées techniques, et traversé par quelques thématiques, ce parcours chronologique est majoritairement composé de petites biographies de photographes, qui en font un manuel pour un usage « grand public » plutôt qu’un ouvrage de référence ou un essai historique. Cependant, sa lecture – ou peut-être son « feuilletage » – est agrémentée d’une quantité réjouissante d’illustrations et même de petites anecdotes qui offrent quelques moments récréatifs, comme lorsque l’auteur relate, dans un style narratif, les premières expériences de Niépce ou de Daguerre dans le chapitre « Les inventeurs ». Mais la nature non-scientifique de cet ouvrage est due à la personnalité de son auteur qui souhaite ici, comme indiqué dans l’avant-propos, raconter une histoire qui lui tient à cœur. Claude Nori, fondateur de la galerie et des éditions Contrejour, à qui l’on doit la création de la revue Cahiers de la photographie (en 1981), est avant tout photographe, amoureux de la technique, pour ne pas dire du « beau métier ». Ainsi, le livre est-il plutôt inégal, quand on compare, par exemple, son traitement de la photographie des années 1930, et le peu d’enthousiasme qui transparaît dans l’évocation des périodes contemporaines d’où ne ressortent que quelques noms déjà sanctifiés (Sophie Calle, Philippe Ramette ou Valérie Belin). Aussi, la subjectivité de l’auteur s’exprime-t-elle parfois dans des tentatives de regroupements thématiques intéressants (auxquels correspondent les chapitres « Photobiographie » ou « 2001, à la recherche du visible »). Laissant de côté la lourde succession des biographies pour un style qui traduit une réflexion personnelle, l’auteur énonce, dans la deuxième partie du livre, des points de vue plutôt pertinents. Son histoire de l’intellectualisation de la photographie dans les années 1980 est recevable, ainsi que son idée de déplacement de l’image après le 11 Septembre et les tortures de Guantanamo, quand elle recouvre une valeur de témoignage. Mais la faiblesse de la partie consacrée à la photographie contemporaine, dans ce livre qui connut une première édition dans les années 1980 chez Contrejour, est de plus teintée d’une position ambiguë quant à la photographie numérique. En effet, le puriste répète en conclusion son regret de « la bimbeloterie d’une aventure dont la magie (les cuves, les spires, […] les nuits blanches sous les ampoules rouges, les tirages toujours gondolés) procurait des épreuves et des preuves de vérité ». Sa méfiance envers ce qu’il nomme « les images mutantes » traduit un traditionalisme qui ne pouvait qu’éluder tout un pan de la création contemporaine, ainsi que la conviction datée que la photographie doit rimer avec vérité.

Claude Nori, La photographie en France, des origines à nos jours, éd. Flammarion, 320 p., 45 euros, ISBN 978-2-0812-1467-5.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : À la recherche du temps perdu

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