Urbanité

Initiations architecturales, suite

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 27 juillet 2007 - 565 mots

Plusieurs ouvrages se penchent sur les divers aspects de la ville, tant d’un point de vue photographique que théorique ou symbolique.

Ils sont tous là. D’abord ceux que les gens intéressent au premier chef et qui considèrent que la ville est un acteur vivant, tous les Stieglitz, Kertész, René-Jacques, Bovis, Burri, Shore, Pacquement… Ensuite ceux qui, dans la foulée des Becher figent la ville dans un constat qui la dépasse, tous les Basilico, Gursky, Ruff, Struth, Couturier, Parr… Enfin, ceux qui ne s’en servent que comme d’un tremplin à bien d’autres choses, tous les Boudinet, Barbier, Bublex, Bustamante, diCorcia… Dominique Baqué (à laquelle on doit déjà chez le même éditeur, un passionnant La photographie plasticienne : un art paradoxal) les a réunis au sein de son ouvrage Identification d’une ville dans une classification – lignes, surfaces, volumes ; des hommes dans la ville ; friches et chantiers ; « panoramas » ; post-city age – qui a pour mérite essentiel celui de, justement, transgresser les genres, de mêler les regards plutôt que de classifier. Au total un très stimulant outil de réflexion et de méditation.
Toute autre a été la démarche de Gerrit Engel qui, avec Manhattan New York, livre d’architecte plus encore que de photographe (malgré la qualité évidente de ses grandes photos pleine page), recense 176 bâtiments emblématiques de cette pointe de terre qui, étirée entre Hudson River et East River, attire les regards du monde entier.

Architectures initiatiques
À ceux qui veulent en savoir plus sur les exigences souvent contradictoires entre forme, fonction, engagement social, modernité et tradition en matière d’architecture, on ne saurait trop conseiller le compact et concis L’architecture moderne d’Alan Colquhoun. Savant sans pour autant être ardu, il brosse, depuis l’Art nouveau (1890-1910) jusqu’à la période qu’il est convenu d’appeler la Pax Americana (1945-1965 aux États-Unis) un très juste portrait de l’architecture moderne en Occident, voguant des utopies des avant-gardes à la culture capitaliste, passant de la dialectique de la modernité centrée sur l’objet de l’architecture aux visions urbaines les plus dirigistes. Avec Colquhoun, l’architecture ne se limite pas à sa propre production. Elle est, certes, un objet né de la création et de la technologie, mais au sein duquel le politique, l’économique, le social et l’idéologique occupent une place – et un poids – non négligeables.
Il en va de même du délicieux Architectures maçonniques publié sous la direction de Maurice Culot, mais qui nous entraîne sur des voies où le symbolique occupe la toute première place. Une symbolique toujours la même d’un pays l’autre (Belgique, États-Unis, France, Grande-Bretagne), et que pourtant l’architecture exprime de façon très diverse, assumant des influences sinon contradictoires, du moins étonnamment multiples : assyrienne, égyptienne, médiévale, néoclassique, baroque, moderniste…
C’est à un voyage passionnant que nous convie ici Maurice Culot, avec son universalisme et son humour habituels. Avec, également, ses partis pris qui le rangent, à l’évidence, dans le camp de ceux qui, avec Jim Harrison, pensent qu’« il n’y a pas de vérité, il n’y a que des histoires ».

- Identification d’une ville, Dominique Baqué, éditions du Regard, 196 p., 49 euros, ISBN 2-84105-198-6. - Manhattan New York, Gerrit Engel, éditions Actes Sud, 324 p., 75 euros, ISBN 2-7427-6442-9. - L’architecture moderne, Alan Colquhoun, éditions Infolio, 224 p., 30 euros, ISBN 2-88474-522-1. - Architectures maçonniques, sous la direction de Maurice Culot, éditions Archives d’Architecture Moderne, 208 p., 39 euros, ISBN 2-87143-168-8.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°252 du 2 février 2007, avec le titre suivant : Initiations architecturales, suite

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