CD-Rom

Immemory

Par Christophe Domino · L'ŒIL

Le 1 mars 1999 - 353 mots

La sortie de Immemory, attendue depuis longtemps, est un événement. À cause de l’éditeur, le Centre Georges Pompidou, dont les initiatives sur de tels supports sont encore trop rares (à quand le Muntadas attendu ?) ; à cause de l’auteur, Chris Marker, figure marquante de l’image contemporaine, reconnu en particulier comme le cinéaste inspiré de La Jetée (1963).

Jean Louis Schefer décrivait le film comme « la construction d’une fiction autour de l’acte même de la mémoire » : les mots iraient très bien aussi au CD-Rom, conçu près de trente-cinq ans plus tard. Marker construit son monde comme un labyrinthe d’images qui s’enchaînent ou se superposent, et de mots, de références, de lieux, d’événements. La fiction est celle que permet de construire le CD-Rom dans son usage nécessairement interactif ici : le parcours avec ses choix multiples reconstitue un imaginaire différent à chaque session, laissant la structure des liens hypertextes et des autres mises en relation (avec les éléments sonores par exemple) offerts comme un champ de possibles au « lecteur ». Loin pourtant de l’économie et de la sobriété de l’image noir et blanc du film, l’interface de Marker est très marquée par la culture visuelle du jeu électronique et son impureté graphique, typographique, voire par les facilités que l’image de synthèse permet : superposition, transparence, inversion, solarisation et autres retraitements de l’image trouvée.  Mais c’est surtout ce tissu de relations entre éléments hétérogènes qui fait l’épaisseur d’imaginaire de cette plongée rétrospective. Huit territoires (tels voyage, musée, poésie, guerre, cinéma...) et des repères comme : Merle (l’oiseau), Metropolis (le film), Mexico (la ville) ; Henri Michaux et Mickey Mouse. Le rapport ? Autant que dans nos mémoires, des croisements, des chevauchements, des vues partielles, des images floues. Marker est né en 1921. Il a abordé le multimédia presque sans aide, comme un espace de travail autonome, léger et actuel, et propose aujourd’hui une démarche singulière, qui transforme le souvenir personnel en un matériau d’imaginaire interpersonnel. La liberté du travail trouve son image dans la figure du chat, fétiche de Marker et bon emblème de la liberté du promeneur. Distribution : Jériko.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°504 du 1 mars 1999, avec le titre suivant : Immemory

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