Fernando Marias, Greco, Biographie d’un peintre extravagant

Et encore faut-il, lorsque l’on sait, faire la part des choses entre le mythe et la réalité, la légende et les faits, le fantasme et l’étude des sources. Fernando Marías se situe indiscutablement du côté des faits. Grand spécialiste du Greco, l’historien et académicien a entrepris de laver le peintre des affabulations extravagantes – dont le Greco, en raison de son originalité et de son orgueil, est sans doute le premier fautif – qui font de Domínikos Theotokópoulos (1541-1614), selon les époques et les commentateurs, un Crétois, un Espagnol ou un Italien, tantôt chrétien, tantôt juif, tantôt orthodoxe, un faiseur d’icônes byzantines passé on ne sait pourquoi de Candie à Venise, puis à Rome, pour incarner la modernité à Tolède. La biographie de Marías publiée pour la première fois en 1995 et 1997 à Paris et à Madrid, ressort aujourd’hui à l’occasion de la commémoration du quatrième centenaire de la mort du Greco (dont l’auteur est le coordinateur scientifique), enrichie des dernières découvertes. « Nous sommes réduits à des conjectures », écrit l’historien qui s’attache notamment à reconstruire la période crétoise de l’artiste à partir de « simples hypothèses » – en réalité une connaissance approfondie de l’époque –, de cinq documents notariés et d’un peu « d’imagination ». Si le récit est sans conteste spécialiste, la fluidité de la traduction et l’absence de lourds renvois universitaires font de cette biographie un ouvrage passionnant.