Deux pionniers de l’ethnologie

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 1 septembre 2003 - 436 mots

Franz Boas (1858-1942) et Fernand Grébert (1886-1960) ont tous deux contribué à l’essor des études ethnologiques au début du XXe siècle.
Boas, universitaire américain d’origine allemande, s’est fait connaître après des études de terrain par sa vision généraliste exposée dans Primitive art, somme de quarante années de travail. C’était, dit C. Levi-Strauss, « un de ces titans du XIXe siècle comme on n’en verra plus ». S’opposant aux évolutionnistes de son temps, il soutient que les processus mentaux sont les mêmes chez tous les hommes, et que l’expérience esthétique est partagée par toute l’humanité, bien que de manières différentes qu’il attribue aux facteurs culturels. À l’aide d’exemples choisis dans tous les arts traditionnels, il s’efforce de mettre en évidence les fondements de la création artistique et du plaisir esthétique. Il pense que l’art procède d’une technique parfaitement maîtrisée tandis que l’esthétique est le fruit du rythme. Il analyse les notions de représentation, de rythme et de symbolisme avant de donner une étude détaillée des arts de la côte nord-ouest des États-Unis. Pour la littérature, la musique et les danses, il reprend en les transposant dans un registre différent les notions de rythme, symétrie et symbolisme. Accompagnant cette somme maintenant traduite en français, de très nombreux dessins d’objets ont été réalisés sous la direction de Boas.
C’est aussi par le dessin que Fernand Grébert nous séduit. Jeune pasteur protestant d’origine alsacienne, il était parti à vingt-sept ans pour la Société des missions évangéliques de Paris d’abord à Labaréné près du docteur Schweitzer puis dans l’île de Talagouga en amont de l’Ogooué.
Il devait passer vingt ans au Gabon. Très intéressé par la vie des Fang – les Pahouins, disait-t-on alors – il dessine ce qu’il voit et comprend que tout est voué à disparaître.
Par ses envois d’objets à des musées suisses, ses écrits et ses dessins, le pasteur Grébert a sauvé la culture fang d’un oubli inévitable.
Le magnifique volume maintenant publié comprend au total mille cinq cents dessins au crayon ou à la gouache, où le réalisme se teinte d’humour et d’une profonde humanité. Scènes de la vie quotidienne ou de cultes traditionnels, dessins d’objets, d’oiseaux et de fleurs, sont accompagnés d’une mention explicative. C’est dire, comme le souligne Louis Perrois, spécialiste réputé des arts du Gabon, le profit que les ethnologues en tirent pour l’étude des Fang. Et pour tous les non-spécialistes, c’est une magnifique occasion de découvrir les mystères  d’un Gabon disparu.

Boas Franz, L’Art primitif, Adam Biro, 2002, 416 p., 300 dessins, 45 euros. Grébert Fernand, Le Gabon, Musée ethnographique Genève / éditions D., 2003, 35 p., 1 500 dessins, 58 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Deux pionniers de l’ethnologie

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