Curiosités bien placées

Par Pierre Morio · L'ŒIL

Le 21 décembre 2011 - 417 mots

BEAUX LIVRES. Cet hiver, la mode du cabinet de curiosités a sévi chez les éditeurs. Car cet ancêtre des musées européens, que Samuel Quiccheberg, médecin anversois d’origine allemande, définissait dans les années 1560 comme « un théâtre très étendu, renfermant les matériaux propres et les reproductions exactes de la totalité de l’univers », fait des émules chez les décorateurs et quelques collectionneurs. PAR PIERRE MORIO

Deux livres parus sur le sujet retiennent l’attention. Celui de Patrick Mauriès, édité chez Gallimard, est riche d’une belle iconographie de gravures, dessins et peintures. Il permet de comprendre l’évolution du cabinet de curiosités durant le XVIe siècle, de la Wunderkammer des riches cours européennes de l’Est au cabinet portatif des grands bourgeois et de la noblesse modeste, en passant par le studiolo des princes italiens. François Ier de Médicis avait ainsi confié la réalisation de son cabinet à Vasari. Cette passion pour les sciences s’éteindra avec la création des muséums d’histoire naturelle, confiés aux premiers scientifiques.

Le relais est pris par l’opus des Éditions de La Martinière. Revenant sur la genèse du cabinet, Christine Davenne s’attache à décrypter les nouveaux cabinets de curiosités par une approche thématique du sujet. Appuyée par les photos de Christine Fleurent, qui a eu accès à plusieurs collections européennes, la démonstration est faite que de tels lieux ont encore leur place dans la société actuelle. Plusieurs encadrés présentent quelques-uns des acteurs du renouveau du cabinet de curiosités, de Malplaquet House à l’artiste espagnol Joan Fontcuberta, en passant par le décorateur Jacques Garcia, qui a fait de son château du Champ-de-Bataille un modèle de présentation de ces accumulations d’animaux et autres bizarreries naturelles. Les lieux photographiés ont aussi leur glossaire en fin de livre, pour que les curieux puissent prolonger la lecture par la visite ou la composition de leur propre cabinet de curiosités.

Car, avant toute chose, ces deux livres donnent à voir la permanence d’une utopie née dans les courants humanistes du XVIe siècle, à laquelle les puissants de l’époque se sont adonnés, et que résume fort justement Patrick Mauriès : « Quelle autre justification, une fois tombés les alibis de la science et du savoir, pour le cabinet de curiosités, que celle de rêver le monde, à partir de textures, de couleurs, de matières et de corps irréguliers ? »  

Christine Davenne (textes), Christine Fleurent (photographies), Les Cabinets de curiosités, la passion de la collection Éditions de la Martinière, 224 p., 39,90 €.

Patrick Mauriès, Cabinets de curiosités, Éditions Gallimard, 260 p., 39 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°642 du 1 janvier 2012, avec le titre suivant : Curiosités bien placées

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