Disparition

Colin Cyvoct, artiste et critique d’art

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 28 août 2019 - 489 mots

Il avait du cœur, trop sans doute : celui-ci a fini par lâcher vendredi 28 juin 2019. Colin Cyvoct, artiste et collaborateur de L’Œil, père de trois enfants, est décédé d’un arrêt cardiaque à Argelès où il passait ses vacances avec son épouse Véronique. 

Né en 1947 en Algérie, Colin Cyvoct a passé son enfance dans différentes régions, suivant les mutations de son père militaire, notamment en Allemagne et en Touraine, où il repose aujourd’hui. La présence du peintre Poilleux Saint-Ange dans la généalogie maternelle facilite la vocation d’artiste du jeune homme, qui est admis aux Beaux-Arts de Paris quelques mois avant Mai 68. Dès le début des événements, l’étudiant participe à la création de l’Atelier populaire des beaux-arts, épisode qu’il avait raconté aux lecteurs de L’Œil en mai 2018. Là, il rencontre Pierre Buraglio, Gérard Fromanger et Julio Le Parc, et se forge des convictions politiques qui ne le quitteront plus. À la suite des Beaux-Arts, Colin Cyvoct intègre l’université de Vincennes pour suivre des études littéraires. En 1978, l’artiste installe son atelier sous les toits de l’hôpital Charles-Foix, où il va travailler et animer des ateliers avec les patients du service de gériatrie pendant trente-quatre ans. Cette expérience, à la fois humaine et plastique, modifie profondément l’homme et le peintre. « Colin était un être à part, avec un regard hors norme sur la vie, capable de voir chez les gens des qualités que personne d’autre ne voyait », raconte son épouse. Ce regard, il l’a d’ailleurs posé sur les créations de l’Art brut, dont il était un fin amateur et un grand connaisseur. S’il appartenait à la famille des abstraits, l’artiste partait néanmoins toujours de la réalité et de photographies qu’il découpait dans les magazines [voir ses œuvres reproduites ci-dessus]. Ces derniers mois, il faisait travailler son pinceau sur la transparence, thème apparu lors d’un de ces bains de mer tant aimés à Marseille. 

Lui qui caressait l’idée d’écrire un jour sur Soutine est cependant venu tardivement à la critique d’art. En 2005, Colin Cyvoct se risque en effet au genre en écrivant un premier compte rendu d’expositions sur Rebeyrolle, dont il aimait profondément la peinture. Sa collaboration avec L’Œil ne cesse dès lors plus. Entre 2005 et 2019, il enchaîne les critiques d’expositions d’art moderne et contemporain sans jamais céder à la facilité, s’obligeant à la plus grande justesse et à la plus grande sincérité pour rendre compte du travail de ses confrères. Soutine, Picasso et Dubuffet faisaient partie de son panthéon, Maurice Matieu, Hazel Karr et Jean Isnard (à propos duquel il a rédigé son dernier texte), de ses artistes favoris, mais il ne s’interdisait jamais de découvrir et d’aimer le travail d’autres créateurs, à l’instar de Marine Joatton, Ceija Stojka, André Robillard, etc. Quiconque a un jour croisé la profondeur de son regard bleu lagon sait avec quelle acuité Colin Cyvoct regardait le monde et ses contemporains. Son regard et sa profonde humanité vont nous manquer. 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : Colin Cyvoct, artiste et critique d’art

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