Au Louvre : les arts face à face

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 1 décembre 2003 - 672 mots

Réaliser un nouvel ouvrage sur les collections d’un musée, surtout lorsque ce musée est le Louvre, un ouvrage qui ne soit ni un catalogue des œuvres, ni un guide de visite, ni un manuel d’histoire de l’art, procède de l’exploit. Adrien Goetz, auteur et chroniqueur régulier à L’Œil a remarquablement relevé le défi en publiant Au Louvre : les arts face à face. Son ouvrage est tout simplement intelligent : il rapproche des œuvres de discipline et d’époque différentes autour d’une succession de thèmes. En fait, il applique aux collections du Louvre un concept qu’il avait déjà utilisé avec succès dans La Grande Galerie des peintures, un itinéraire comparatif entre une sélection de tableaux du Louvre, d’Orsay et du Centre Pompidou. On note au passage que les deux livres ne sont pas édités par la RMN. Au Louvre s’est même totalement affranchi de l’éditeur « institutionnel » en publiant uniquement les nouvelles illustrations photographiques réalisées par Erich Lessing ; ce qui vaut au lecteur de (re)découvrir certaines sculptures ou objets décoratifs sous un autre angle.
Seul le Louvre par la diversité et l’ampleur de ses collections peut inspirer un tel ouvrage.
Ce qui pourrait sombrer dans un exercice de style pour initiés, devient sous la plume de l’auteur un ouvrage agréablement didactique. Le grand mérite de ce livre est qu’il fournit un outil aux profanes leur permettant de savoir comment regarder une œuvre. L’immense majorité des visiteurs de musées de beaux-arts ne sait en général pas comment apprécier les œuvres.
Et très vite l’accumulation des pièces engendre la lassitude.
Le face-à-face des œuvres apprend à les « lire ».  Ainsi, pour illustrer la représentation du couple à travers les époques et les arts, Adrien Goetz rapproche un groupe sculpté de l’Égypte antique, un sarcophage étrusque, des statuettes médiévales, un tableau de Chassériau et met en évidence ce qui distingue ou relie le traitement du sujet par des artistes pourtant très éloignés. Ce faisant
il éveille l’intérêt pour la lecture d’une œuvre et offre des repères pour la comprendre. Comme l’écrit Henri Loyrette dans la préface, le lecteur-visiteur est ainsi placé dans « une situation active ».
La valeur pédagogique des textes est d’autant plus élevée que ceux-ci épargnent aux lecteurs les trop nombreuses, et intimidantes, références à l’histoire de l’art, et les citations des « grands auteurs », si rébarbatives pour ceux qui ne sont pas diplômés de l’école du Louvre.
Après quelques pages introductives sur l’histoire du Louvre et de ses collections, l’ouvrage est décomposé en trois grandes parties : la condition humaine, le pouvoir et ce qui l’accompagne (la guerre, la richesse) et enfin la création artistique. L’ordonnancement et le choix des thèmes ne sont pas toujours aisés, notamment pour les arts décoratifs car le principe de l’ouvrage repose beaucoup sur l’iconographie. Mais dans l’ensemble cela fonctionne bien.
La troisième partie s’adresse aux lecteurs exercés, l’art n’est plus seulement un support mais devient aussi un objet d’étude.
Les influences entre les styles et les manières sont alors mises en lumière. Le rapport entre le texte
et les images est parfait pour une introduction. Pour autant, très vite on se prête au jeu, et l’on éprouve une certaine frustration quant à la longueur des textes ; on aimerait en savoir plus. Ainsi, Seuls au monde, un des thèmes les plus inspirés, met trop succinctement dans la même perspective angoissante, la solitude du Christ (le chef-d’œuvre d’Antonello de Messine) et l’enfermement solitaire de la monomane de Géricault.
La lecture séquentielle n’est pas obligatoire. Il est d’ailleurs vivement conseillé d’aborder l’ouvrage par tranches comme pour une visite au Louvre. La division en cent thèmes (il manque un sommaire détaillé !) se prête assez facilement à une approche dosée, indispensable si l’on veut tirer le meilleur parti de la lecture, voire méditer sur chaque rapprochement.
Car si Au Louvre entre dans la catégorie des « beaux livres » c’est aussi une forme d’essai sociologique.

Adrien Goetz, photographies d’Erich Lessing, Au Louvre : les arts face à face, Hazan/musée du Louvre, 2003, 283 p., 44 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°553 du 1 décembre 2003, avec le titre suivant : Au Louvre : les arts face à face

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