Foire

Virage conservateur pour Frieze

La foire d’art contemporain a misé sur les valeurs sûres et « plaisantes »

Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2011 - 563 mots

LONDRES - Pour sa 9e édition, qui s’est tenue du 12 au 17 octobre, Frieze s’est ouvert (une nouvelle fois) dans un climat d’incertitude économique.

Considérée comme le premier test de santé du marché de la saison, la foire a été cette année celle de la retenue. Bien que les galeristes soient dans l’ensemble satisfaits du volume des ventes, tous s’accordent à dire qu’il n’y a eu ni prise de risque, ni œuvre renversante. « Je n’ai jamais vu une Frieze plus conservatrice et plus plaisante pour le collectionneur », indique Bruce Haines, directeur de Ancient and Modern (Londres).

La peinture a fait cette année un retour remarqué. Javier Peres (Berlin), en se concentrant sur les tableaux, avait tout vendu en trois jours, dont une toile d’Eddie Martinez (Untitled, 2011) à Charles Saatchi pour 30 000 euros. Rares ont été les galeries à proposer des œuvres contestataires ou à connotation érotique – « la foire est étonnamment polie et dissociée du monde dans lequel nous vivons », note Paul Kasmin (New York). À leur place, des pièces colorées et faciles à vivre, comme pour cajoler les acheteurs. Le stand de Victoria Miro était, par exemple, dominé par les œuvres multicolores de Yayoi Kusama, parmi lesquelles Tulip with All My Love 3-1 (2011, 325 000 euros) et Fruits EPSOB (2011, 195 000 euros). Cette prudence n’était pas vaine : les visiteurs étrangers n’ont pas afflué, à l’instar des acheteurs américains, paralysés par un dollar en berne.

Le choix des musées
Le virage vers les valeurs sûres était frappant. « C’est l’inverse [des années précédentes], » remarque Glenn Scott Wright, de la galerie Victoria Miro (Londres). « Aujourd’hui nous avons du mal à vendre des œuvres moins chères par des jeunes artistes, car les gens ne veulent pas prendre de risques. » C’est en revanche dans la section « Frame », consacrée aux artistes émergents, que les œuvres, plus abordables, ont été vendues facilement, car elles intéressent notamment les institutionnels. « Les gens se sentent rassurés par les artistes qui sont exposés dans les musées », renchérit Neil Wenman, de Hauser & Wirth, qui a vendu des œuvres d’Anri Sala (actuellement à la Serpentine Gallery), de Wilhelm Sasnal (à la Whitechapel Gallery) et de Pipilotti Rist (à la Hayward Gallery). Idem pour Marian Goodman avec Gerhard Richter (actuellement à la Tate) et Strip (CR921-1) (2011), qui a été mis de côté pour un musée (1,7 million d’euros).

Si certains avaient vendu tout leur stock dès le premier jour (Pilar Corrias, Londres), le rythme des ventes ralentissait par moments, laissant entrevoir des acheteurs hésitants. « Les gens prennent plus de temps pour se décider. Nous avions beaucoup de réservations le premier jour, dont la moitié se sont concrétisées, et le reste est encore en discussion », confirme Glenn Scott Wright. Côté français, Emmanuel Perrotin a vécu la « meilleure Frieze qui soit » – il a cédé Bunbu-ku Carbon-Fiber (2010), de Takashi Murakami, pour 650 000 euros à un collectionneur européen – et Yvon Lambert a vu son retour conforté par la vente dès l’ouverture de trois sculptures de Nick van Woert (env. 25 000 euros).

L’année prochaine, Frieze verra double. Comme pour asseoir la tendance actuelle associant art ancien et art contemporain, « Frieze Masters » plantera sa tente dans Regent’s Park, parallèlement à sa grande sœur (11-14 octobre), histoire d’attirer les collectionneurs de chaque bord et encourager les plus réfractaires à s’aventurer dans des terres inconnues. Plus on est de fous, plus on dépense.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°355 du 21 octobre 2011, avec le titre suivant : Virage conservateur pour Frieze

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