Victor Hugo est à l’honneur

L'ŒIL

Le 1 septembre 2002 - 657 mots

170 000 euros
Victor Hugo est à l’honneur : un vase de Gallé, Flambée d’eau, portant une citation du poète inscrite au stylet, « Toute terre doit devenir Eden. Et tout ciel Paradis », a atteint, à Angers, lors de la vente Courtois-Chauviré du 21 juin 2002, le prix record de 170 000 euros, payé par un collectionneur japonais. Il est notable qu’au cœur du Maine l’objet fasse le vrai prix du marché international. Ce succès est le résultat d’une collaboration entre études de province. Il faut dire que le vase, portant la marque de l’Exposition Universelle de 1900, relève d’une technique de fabrication aléatoire et compliquée. Gallé n’était pas seulement le « poète du verre » mais aussi un chercheur. Ses verres colorés – il ne faut pas parler de pâte de verre puisque toute sa production est soufflée à l’air libre – jouent sur une gamme de couleurs variées. Le procédé dit de « marqueterie » (brevet déposé en 1898) suppose que le verrier dépose à chaud des applications successives reprises à la meule. Plus le verre est coloré, plus il contient d’oxydes métalliques, plus le coefficient de dilatation se modifie. L’adhérence se fait au refroidissement. Chaque adjonction menace de faire éclater l’ensemble. D’inspiration naturaliste mais chargé de symboles dans le goût de l’époque, ce vase, porteur d’un beau thème, aux nuances subtiles et de tonalité douce, est une prouesse expérimentale autant qu’un objet d’art parlant à la sensibilité.

950 000 £
A la vente Christie’s de l’entière collection du château de Longleat, à Londres, le 13 juin, une céramique de Meissen représentant un renard prodigieusement expressif, daté de 1732, atteignit 950 000 livres. Meissen, en Saxe, était le seul centre en Europe à connaître le secret de la porcelaine dure au début du XVIIIe siècle : Böttger, alchimiste en quête de la pierre philosophale pour l’Electeur de Saxe Auguste Le Fort, avait découvert le précieux kaolin vers 1709. Dans un désir évident de rivaliser avec la céramique de Chine et du Japon, Auguste Le Fort s’attacha d’extraordinaires sculpteurs animaliers, Kirchner et Kändler, pour contribuer à remplir son palais japonais de Dresde, construit pour les abriter, d’une collection de près de 36 000 pièces de porcelaine. On reconnaît le style particulier de Kirchner au regard humain qu’il donne à ses animaux, par ailleurs d’une vivacité naturaliste on ne peut plus exacte.

49 406 650 £
Une peinture de Rubens, exceptionnelle à plus d’un titre (datée de 1609-11) réapparaissant sur un marché qui n’avait rien vu de pareil depuis vingt ans, a été vendue près de 50 millions de livres – à un particulier semble-t-il – à la vente Sotheby’s de Londres, le 10 juillet. L’estimation de 4 à 6 millions de livres a été pulvérisée. Elle est de provenance extrêmement sûre, l’ancienne collection Andreas Liechtenstein. Quand Rubens peint Le Massacre des Innocents, il revient de Rome. Cela se sent à sa réinterprétation des maîtres maniéristes anversois de la fin du XVIe siècle, dans une composition complexe et ambitieuse qui préfigure le baroque italien. Les deux seules autres toiles de Rubens qu’on peut rapprocher, et qui seraient contemporaines, sont L’Erection de la Croix  de la cathédrale d’Anvers et le Samson et Dalila de la National Gallery de Londres. Il faut saluer ici le magnifique travail de recherche effectué par George Gordon et son équipe pour l’authentification de l’œuvre, longtemps inventoriée de façon erronée.

17 000 euros
La séduction de cette photographie d’Edward Weston de 1925, Juguetes Mexicanos, (Poupée de chiffon et chapeau), tient à son thème et à un arrangement de type nature morte très élaboré, qui joue sur la rayure et le cercle. Sa mystérieuse signification se prolonge quand on l’étudie avec les yeux d’un peintre. Il n’est pas indifférent d’apprendre qu’elle appartenait à la collection Mark Rothko. Ce tirage argentique d’époque, monté sur carton, signé, situé et daté, n’a pas atteint l’estimation basse (20 000 euros).

- Etude Courtois-Chauviré, Angers, 21 juin. - Christie’s Londres, 13 juin.

- Sotheby’s Londres, 10 juillet. - Etude Libert & Castor, Paris, 31 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°539 du 1 septembre 2002, avec le titre suivant : Victor Hugo est à l’honneur

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