Ventes Dora Maar, chronique d’un succès annoncé

L'ŒIL

Le 1 décembre 1998 - 720 mots

Avec 99, 60 % de produit vendu, les ventes des Picasso de Dora Maar, réalisées par l’étude Piasa les 27 et 29 octobre derniers (L’Œil n°500), ont totalisé 193 MF au marteau.

Les dessins se sont littéralement envolés, certains multipliant jusqu’à vingt fois leur estimation, tout comme les menues sculptures en papier ou en capsules de bouteilles. Seules les toiles ont donné quelques déceptions, en restant aux prix plutôt bas annoncés par les experts. Après que la grande presse ait consacré de multiples articles à l’histoire de Picasso et Dora Maar, une foule impressionnante a défilé lors des expositions publiques, comme à la vente d’ouverture qui avait lieu en soirée à la Maison de la Chimie. Des collectionneurs et amateurs étaient venus de toute l’Europe et des États-Unis, les grands marchands s’étaient bien sûr déplacés.
Le tout premier lot, Autoportrait à la pipe, une aquarelle de 1904-1905 adjugée 950 000 F, est un des rares dessins qui n’ait pas pulvérisé son estimation de 500 000/600 000 F. Le Portrait de Dora à la couronne de fleurs partit ensuite à 4,7 MF (est. 1,5/1,8 MF), La Baigneuse à la corde à sauter à 4 MF (est. 400 000/500 000 F), et Dora aux cheveux défaits 5 MF (est. 600 000/800 000 F). Plusieurs œuvres très importantes ont été retirées de la vente après avoir été données en dation et choisies par les musées nationaux, et beaucoup se réjouissent à l’idée d’y retrouver le magistral Dora et le Minotaure, qui était sans doute l’une des plus belles pièces de l’ensemble. Ont également été retenus le Portrait de Max Jacob,  quatre clichés-verre et photogrammes, le manuscrit autographe de Sept poèmes d’Éluard, et le Buffon illustré de quarante-deux dessins réalisés en une après-midi, le 24 janvier 1943.
L’adjudication des toiles dans les fourchettes annoncées constitue une surprise, compte tenu de la provenance et de la dimension de cet ensemble qui raconte dans les détails les plus infimes les élans créatifs et l’évolution du peintre pendant plusieurs années. La plus haute enchère est allée comme prévu à une étude pour Guernica représentant Dora en Femme qui pleure, vendue 37 MF (est. 16/20 MF). Adjugé 23 MF (est. 20/30 MF), Dora Maar aux ongles verts, dont le visage et les mains déstructurés mettent en valeur son caractère, était peut-être trop sévère pour enthousiasmer les enchérisseurs. À l’inverse, Dora Maar sur la plage, un des portraits les plus réussis, la montre dans tout l’éclat de sa beauté, cheveux au vent, dans une pose pleine de grâce. Peut-être celui-ci était-il trop classique, pas assez marqué de la manière du maître ? Estimé 8 MF/12 MF, il a obtenu 11,5 MF. Les autres toiles, six en tout, sont restées dans leur estimation ou en-desssous. Le lendemain après-midi s’est déroulée la vente des petites sculptures, galets gravés ou papiers brûlés, ainsi qu’une quantité de dessins. Parmi les prix les plus fous, un ensemble de cinq études sur couvercles et fonds de boîtes d’allumettes dont on attendait 30 000/40 000 F est parti à 1,7 MF, trois Têtes de mort en papier déchiré à 32 000 F (est. 6 000/8 000 F), un Merle de 12 cm en bois et plâtre 2,1 MF (est. 50 000/70 000 F). Les galets gravés de têtes de faune, de poissons, de portraits (estimés entre 10 000 et 50 000 F) se sont vendus entre 40 000 F et 360 000 F. Beaucoup de ces objets ont été préemptés par les musées nationaux. La vacation suivante proposait des photographies prises entre 1906 et 1948. Un Autoportrait de Picasso en culotte de boxeur, a été préempté à 200 000 F, Picasso travaillant à Guernica dans l’atelier des Grands-Augustins, également préempté à 170 000 F. Les photographies, dont les estimations ont été largement dépassées, ont été adjugées entre 1 000 F et 320 000 F, avec là encore de nombreuses préemptions.
L’effet Dora Maar a joué aussi du côté des livres et autographes, qui se sont très bien vendus. Le prix record a été obtenu par un Poème-objet de Breton, écrit dans une boîte de carton où sont placés de petits objets (flacon, tesson de céramique, plaque de plastique...), enlevé pour 1,35 MF (est. 40 000 F). Là encore, les musées se sont rendus acquéreurs d’un certain nombre d’ouvrages, en particulier un ensemble de vingt-quatre feuillets d’écrits autographes de Picasso, datés 1936-1943. Dernière vente : Drouot-Richelieu, 7 décembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°502 du 1 décembre 1998, avec le titre suivant : Ventes Dora Maar, chronique d’un succès annoncé

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