Ventes aux enchères

Drouot

Une vente collégiale en demi-teinte

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2015 - 780 mots

Si les tableaux anciens se sont bien vendus, le buste de Colbert sculpté par Antoine Coysevox n’a pas trouvé preneur.

PARIS - Pour la première fois, l’hôtel des ventes Drouot organisait une vente collégiale de tableaux anciens avec la collaboration de douze études. Dans une salle comble, c’est Alexandre Giquello, président du conseil de surveillance, qui tenait le marteau. Douze opérateurs sur 75, soit 16 %, c’est peu. « Ce projet a été lancé tardivement, en septembre, alors il faut être indulgent », explique Alexandre Giquello. « De nombreux acheteurs étrangers venus pour Paris Tableau ont vu leur travail facilité. En unissant nos forces nous avons mis nos fichiers en commun et trouvé de nouveaux acheteurs, notre principal objectif », a commenté Cécile Bernard, directrice du développement de Drouot Patrimoine, à l’issue de la vacation.

La vente comprenait quarante-six lots, dont une dizaine de miniatures, sans doute incluses pour l’étoffer. « Se mettre à douze pour si peu d’œuvres, c’est qu’il n’y a plus rien à Drouot ! », ironisait un spécialiste du marché. Bien sûr, le marché de la peinture ancienne souffre, mais Artcurial et Christie’s ont pu totaliser plus de 3 millions d’euros chacune la même semaine. « On ne peut pas comparer avec Artcurial dont les ventes sont sur pied depuis dix ans », se justifiait Alexandre Giquello.
La dispersion était estimée de 3,6 à 4,3 millions d’euros (1). Mais le dernier lot, le buste de Colbert par Antoine Coysevox (est. 3 à 3,5 millions) présenté par l’OVV Leclere représentait 80 % de l’estimation et n’a pas été vendu, faute d’avoir atteint son prix de réserve fixé à 3 millions. Un prix très ambitieux, doublé d’un classement au titre des monuments historiques l’empêchant de sortir du territoire, donc le privant d’enchères internationales. Depuis, l’OVV est en pourparlers pour céder l’œuvre en vente privée. « Cela m’étonnerait que les musées français laissent passer une telle occasion », commentait Damien Leclere. La présence de ce buste à Drouot était un formidable coup de projecteur qui, s’il s’était vendu, aurait fait de cette vente un succès. Sans lui, elle a totalisé 870 232 euros avec 31 lots vendus (67,3 %), dépassant son estimation haute (800 000 euros). Parmi les belles enchères, une toile de Fragonard, Couple de bergers dans une étable (Binoche et Giquello), adjugée 310 000 euros (est. 250 000 à 350 000 euros) ; Le Christ au jardin des oliviers, par Charles Lebrun et collaborateurs (Daguerre) vendu 136 400 euros (est. 20 000 à 30 000 euros) ou encore une toile de Chaudet, Une petite fille voulant apprendre à lire à son chien (E. de Vregille et H. Cortot), cédée 68 200 euros (est. 40 000 à 60 000 euros).

12 opérateurs sur 75
Mais pourquoi douze OVV seulement, surtout les jeunes, ont participé à cette vente commune ? « Certains commissaires-priseurs n’avaient pas bien compris le concept et début septembre, ils n’étaient pas concentrés sur les projets », expliquait Cécile Bernard. « Nous avons fait avec les moyens du bord. Douze sur soixant-quinze OVV au total, ce n’est pas assez, mais certains n’avaient pas de tableaux tandis que d’autres préfèraient vendre sous leur nom propre », indiquait Alexandre Giquello. Il reste du chemin à parcourir pour cette profession très individualiste. Drouot venant chapeauter les organisations de chaque étude bouscule la manière traditionnelle de travailler des « anciens ». Mais à terme, cela pourrait venir compléter les services offerts par chaque étude.

Autre incompréhension, des œuvres de grande qualité, telle la nature morte de Chardin en vente chez Mathias le 14 décembre (est. 350 à 400 000), de provenance prestigieuse (Jacques Doucet), n’ont pas été programmées pour la vente collégiale. « Je n’ai pas pu l’inclure car je l’ai eue trop tard », répondait Jean-Jacques Mathias. Quant à se joindre à une prochaine édition, les non participants ne sont pas contre. « Si je suis plutôt un solitaire tout dépend de la manière dont la vente se fait. Dans notre métier, nous sommes victimes de l’environnement, mais s’il me convient, avec des objets de qualité, de provenance avérée et des prix normaux, pourquoi pas ? ».

L’opération doit être réitérée pendant le salon du dessin, en avril avec une sélection plus drastique de 50 à 100 dessins, mais également en juin avec les arts d’Asie. Cela laisse du temps pour solidifier le catalogue. « J’aimerais aussi une ouverture à la province et même aux étrangers », confiait Alexandre Giquello.

Note

(1) Tous les prix s’entendent frais compris sauf les estimations indiquées hors frais acheteurs.

Drouot, Vente collégiale, le jeudi 12 novembre

Estimation haute : 800 000 €
Total : 870 232 €
Nombre de lots vendus : 31

Légende photo

Antoine Coysevox, Autoportrait, Paris, musée du Louvre © Photo Roby - Licence CC BY-SA 2.5

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Une vente collégiale en demi-teinte

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