Une Foire des antiquaires plus belge qu’internationale...

Le Journal des Arts

Le 8 février 2002 - 886 mots

Sur le thème du “Royaume des antiquaires�?, la 47e édition de la Foire des antiquaires de Belgique a réuni, du 25 janvier au 3 février, au Palais des beaux-arts de Bruxelles, une cinquantaine d’exposants essentiellement belges.

BRUXELLES - N’en déplaise à certains, la Foire des antiquaires de Bruxelles avait cette année un fort accent belge. D’une part, les marchands du pays dominaient ; d’autre part, peu d’œuvres et, essentiellement dans le domaine des arts plastiques, étaient de calibre véritablement international. Il faut dire que l’on devait déplorer les désertions de marchands importants. Ainsi, la galerie parisienne De Jonckheere, fidèle habituée de la foire, était absente cette année. Le grand antiquaire et décorateur flamand Axel Vervoordt préférait pour sa part se réserver pour la foire de Palm Beach (ouvrant ses portes la semaine suivante) et troquer cette année son stand bruxellois contre une somptueuse réception en son château de ‘s-Gravenwezel, le soir même du vernissage. Enfin, pour la seconde année consécutive, Bruxelles n’a pas eu le plaisir de recevoir l’un des plus importants marchands internationaux de tableaux, à savoir le Hollandais Robert Noortman. Cela dit, la plupart des marchands belges de renom (et, à la tête de ceux-ci Ronny Van de Velde, Patrick Derom, Bernard De Leye, Bernard de Grunne et Zen Gallery...) étaient fidèles au rendez-vous. La foire, qui reste l’événement majeur dans ce domaine en Belgique, a su maintenir pour cette nouvelle édition un niveau qualitatif très satisfaisant. Parmi les quelques marchands étrangers à s’être déplacés, citons notamment le Parisien Jacques Leegenhoek venu avec un Abraham Govaerts, un rare Pieter Schoubroeck signé et daté 1601, ainsi qu’un beau portrait de jeune garçon par Cornelis Devos.

Jouet malinois en forme de hibou datant de 1576
Dès le début du parcours, une huile sur toile de James Ensor, vendue le soir du vernissage, attirait les regards sur le stand de l’Anversois Ronny Van de Velde. Bien que datée de 1927, La Mort et les masques est une illustration allégorique du passage de la peinture XIXe d’Ensor à celle plus expressionniste du XXe siècle. Le même stand regorgeait d’ailleurs d’œuvres de belle qualité comme une gouache de Chagall ainsi que de nombreux dessins et photographies. Dans le même domaine des tableaux modernes, le Bruxellois Patrick Derom montrait une grande huile de Lanskoy, à côté d’une petite Nature morte au compotier, une très belle aquarelle de Léger, datée de 1925. L’on pouvait également voir sur son stand un Alechinsky de 1972, ainsi qu’un minuscule Khnopff, tout comme une alcôve exclusivement consacrée à d’intimistes dessins de Xavier Mellery, pour la plupart vendus dès les premières heures. Quant aux Allemands du Kunstsalon Franke, ils avaient accroché un grand Max Pechstein, plusieurs œuvres de Max Liebermann, ainsi qu’un petit paysage de Renoir.

Grand spécialiste de l’argenterie, Bernard De Leye avait profité du salon pour emmener des pièces d’exception. Ainsi, cet imposant plat en vermeil d’origine flamande d’influence espagnole de l’époque de Charles Quint, un chef d’œuvre de la ciselure provenant de l’ancienne collection Rothschild. Sur son stand figurait également une très rare paire de coupes en argent d’époque romaine (Ier siècle de notre ère). Mais, la plus exceptionnelle pièce exposée, vendue immédiatement, était ce jouet pour enfant malinois en forme de hibou de 1576. Six autres de ces jouets d’une finesse inouïe sont encore répertoriés aujourd’hui, celui de Bernard De Leye étant le dernier à être encore en mains privées. Chez le bijoutier Patrick Descamps, l’on pouvait remarquer une très belle sculpture en marbre et or, datée de 1900, par l’orfèvre belge Philippe Wolfers, ainsi que de splendides colliers et broches Art déco.

Dans le domaine des arts non-européens, trois stands émergeaient. Bernard de Grunne avait emmené, entre autres, un très bel appuie-nuque Luba (Congo), ainsi qu’une statuette féminine Songye. Wayne Heathcote, marchand australien installé depuis un an à Bruxelles, participait pour la première fois au salon. On admirait chez lui un très rare masque blanc de Nouvelle-Irlande, un type dont on ne répertorie que dix exemplaires, et dont deux seulement sont encore en mains privées aujourd’hui. Le même marchand montrait une immense carapace de tortue gravée à l’effigie du dieu Maori Tiki (Nouvelle-Zélande), un délicat masque Barak au long nez pointu (Nouvelle-Guinée), ainsi qu’une spatule très finement sculptée en provenance des îles Salomon (Mélanésie), ayant appartenu autrefois à l’important collectionneur d’art océanien, James Hooper. La Zen Gallery était pour sa part très fière de son torse pré-khmer du premier quart du VIIe siècle, un type de pièce très difficile à trouver sur le marché, tout comme de son torse chinois de la dynastie Tang portant un drapé d’influence gréco-romaine, un apport de la civilisation afghane Gandhara.

Parmi les stands remarqués cette année figure celui du jeune Patrick Mestdagh, spécialisé dans les objets de curiosité non-européens et qui fêtait les dix ans de sa galerie. Harold ‘t Kint montrait, outre deux belles œuvres du peintre belge Anne-Pierre De Kat, une vue de Londres par Émile Claus, vendue sans difficulté, un petit Maurice Denis, une aquarelle cubiste de Zadkine de 1919, ainsi qu’une Nature morte aux fleurs de Vlaminck. Notons pour terminer qu’un certain nombre d’œuvres de Rik Wouters étaient accrochées, dont un beau portrait à l’aquarelle de la femme de l’artiste sur le stand de Campo Vlaamse Kaai, et une série d’huiles, encres de Chine et aquarelles chez le marchand bruxellois Patrick Lancz.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°142 du 8 février 2002, avec le titre suivant : Une Foire des antiquaires plus belge qu’internationale...

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