XVIe

Un Titien en vente à Drouot

Un collectionneur privé italien s’est laissé convaincre de vendre son Titien à Paris

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2013 - 556 mots

Le 13 novembre, Europ Auction soumet aux enchères la troisième et dernière version du Denier de César encore en mains privées, peinte par Le Titien (1488-1576), vers 1568.

PARIS - La première version (1516) réalisée pour Alphonse Ier d’Este, duc de Ferrare, très différente, est conservée à la Gemäldegalerie (Dresde), la seconde, peinte 50 ans après pour Philippe II, roi d’Espagne, très proche mais plus sobre se trouve à la National Gallery (Londres). « Le tableau appartient à un grand collectionneur italien, proche de la famille Agnelli, qui sait qu’il l’aurait mieux vendu à Londres ou New York. Mais j’étais très lié à son père, alors par amitié, il a accepté de me le confier. Je n’ai jamais eu de tableau aussi important. C’est formidable d’avoir un Titien à vendre pour une étude française ! », confie Camille Bürgi, propriétaire de la maison de vente. Estimé 1,2 à 1,5 million d’euros, avec un prix de réserve fixé à 800 000 euros, l’estimation est raisonnable : « le vendeur veut jouer le jeu et souhaite vraiment le vendre, alors il faut tenter tout le monde », poursuit-il.

Dans son rapport d’authentification, corroboré par Nicholas Penny (directeur de la National Gallery), le spécialiste de l’artiste Andrea Donati affirme qu’il s’agit du tableau que Titien conserve pour lui. À sa mort, son fils l’aurait vendu au duc de l’Infantado avant de rejoindre des collections privées italiennes. Il réapparaît lors de la vente de Sébastien Erard en avril 1832, pour passer ensuite dans la collection des barons de Bully, puis dans celle de Charles Sedelmeyer. Il se retrouve ensuite dans une collection suisse jusqu’en 1997, date à laquelle il est acquis par l’actuel propriétaire.

La scène représentée est tirée de l’Évangile selon saint Matthieu, lorsqu’un pharisien demande à Jésus s’il est permis de payer le tribut à César et qu’il répond sa célèbre formule « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Selon François Baudequin, documentaliste de la SVV, « ce n’est pas un “joli” tableau mais une œuvre de réflexion. Titien s’interroge sur l’humanité même, le Christ au centre séparant saint Pierre et le pharisien ». Pour René Millet, l’expert qui l’a examiné, « le tableau a été beaucoup retouché. C’est un mélange de très belles parties, comme la main tombante du Christ la puissance du regard de saint Pierre, la synagogue ; avec des parties refaites et des détails moins heureux, tels le front et les cheveux du Christ, sa main pointant son doigt vers le ciel, la main gauche du pharisien. Mais ce qui est fascinant, c’est la matière écrasée. C’est le Titien de la maturité : il ne dessine plus, il n’y a plus que de la matière ! On est ébloui par sa technique, légère et puissante et par la tension dynamique des personnages ».

Les œuvres de Titien sont extrêmement rares sur le marché : la dernière en date, Portrait d’un ecclésiastique, s’est vendue en juillet dernier à Londres (765 000 euros prix marteau) mais le record mondial pour le peintre est La Conversation Sacrée, adjugée 11,1 millions d’euros au marteau à New York en janvier 2011.

Europ auction, 13 novembre à 16h

Hôtel Drouot, salle 1, 9, rue Drouot, 75009 Paris ; exposition publique : le 12 novembre 11h-18h et le 13 novembre 11h-14h30.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°400 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Un Titien en vente à Drouot

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