Antiquaire

Un Parcours des mondes qui tient la route

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2020 - 906 mots

PARIS

Alors que, dans le contexte de la crise sanitaire, les marchands s’attendaient au pire, ils ont été agréablement surpris : malgré l’absence des collectionneurs étrangers, ils ont vu beaucoup de monde et conclu de nombreuses ventes.

Paris.« Les marchands ont eu raison de maintenir le Parcours des mondes. Bravo à eux car ils ont tous fait des efforts. Ce n’était pas un Parcours au rabais ! », s’est exclamé un connaisseur du marché, lors de la manifestation consacrée aux arts premiers, asiatiques et à l’archéologie, qui s’est tenue à Paris du 8 au 13 septembre. « Cette édition a été un succès. Tous les marchands ont bien vendu, certains même jusqu’à 90 % de leurs objets. Ils avaient vraiment fait de gros efforts sur leurs pièces et sur les prix – plus raisonnables que les autres années », a commenté Pierre Moos, aux commandes de la manifestation.

Les exposants étaient assurément moins nombreux en raison de la crise sanitaire, 43 contre une soixantaine d’ordinaire ; deux ont même été contraints d’annuler leur venue au dernier moment (Dalton Somaré [Milan], et Patrik Fröhlich, [Zürich]). Des galeries étrangères étaient néanmoins présentes, notamment belges et espagnoles, et une finlandaise.

Côté fréquentation, ce fut la surprise. « Le jour du vernissage, et même la veille, il y avait beaucoup de monde. Je ne m’y attendais pas ! Je pensais que ça allait être la catastrophe », s’est étonné Charles-Wesley Hourdé. Lucas Ratton, qui vient d’échanger son espace de la rue de Seine contre celui de son père, situé rue Bonaparte – bénéficiant désormais d’une surface de 200 m2 contre 65 auparavant –, a même reçu la visite de Brigitte Macron, qui découvrait l’événement. « J’ai vendu une dizaine de pièces en deux jours (entre 10 000 et 60 000 €) dont une massue océanienne provenant de la collection Rockefeller », a ajouté le jeune marchand.

Des collectionneurs « hypermotivés »

Comme on pouvait s’y attendre, cette 19e édition est restée très franco-française, les visiteurs étrangers étant peu nombreux. Les exposants ont reçu cependant la visite de quelques Belges, Suisses, Néerlandais, Allemands, mais de très peu d’Espagnols et d’Italiens et, bien sûr, aucun Américain ou Asiatique n’avait fait le déplacement. « Plusieurs de nos clients étrangers nous ont prévenus qu’ils ne viendraient pas, Paris étant en zone rouge », a rapporté Véronique du Lac (galerie Alain Bovis), qui présentait notamment un masque buffle Bamoun (Cameroun) recouvert de perles de verre, XIXe siècle, réputé pour être l’un des plus anciens connus. Même constat chez Laurent Dodier (accueilli par Berthet-Aittouarès) qui a vendu plus d’une dizaine de poulies de Côte d’Ivoire sur les 44 exposées (entre 1 000 et 8 000 €) : « Beaucoup de mes clients ne sont pas venus, craignant de ne pas pouvoir rentrer chez eux ensuite. C’est donc moi qui irai les voir pour leur présenter les objets. »

« Les gens étaient assez acheteurs et tous les marchands ont vendu», a confirmé Charles-Wesley Hourdé qui a cédé, à l’occasion de son exposition « Dan », des pièces à un prix entre 30 000 et 50 000 euros. Certains participants, sous couvert d’anonymat, ont même confié avoir vendu davantage que l’année dernière « car les collectionneurs qui sont venus étaient hypermotivés ». Nicolas Rolland, lui, à peine le Parcours ouvert, s’est séparé de plusieurs objets, dont un ensemble de trois pièces Kanak, Nouvelle-Calédonie, vendues à des Français (entre 15 000 et 50 000 €) parmi lesquelles figurait une applique de porte de case Jövö, XIXe siècle. « J’aurais pu la vendre cinq fois !», a-t-il révélé.

Abla et Alain Lecomte, qui organisaient une exposition thématique sur les fétiches, étaient aussi très satisfaits : « Nous avons vendu nos pièces les plus importantes, principalement à des Français. » Chez Vallois, l’exposition « Akan » a fait mouche et de nombreuses ventes ont été conclues. Apportée par Bernard de Grunne (Bruxelles), une imposante statue cariatide Tiki Katina, des îles Marquises, en noyer d’Océanie, ayant appartenu à Charles Ratton, trônait à l’entrée de la galerie Patrice Trigano. « Il en existe moins de cinq dans le monde », a précisé le marchand. Proposée autour de 1 million d’euros, la pièce – l’une des plus chères de l’édition – a suscité beaucoup d’intérêt. Christophe Hioco, spécialisé dans les arts d’Asie, a cédé rapidement un linga Ekamukhalinga, en grès rouge, Inde du Nord, Ve siècle, période Gupta (autour de 30 000 €) tandis qu’une Tête de Bouddha en calcaire, Thaïlande, VIIe-VIIIe (prix à 6 chiffres) intéressait plusieurs clients américains en ligne. Remarquable de qualité, un ensemble de cinq objets Chokwé (Angola) dont une pipe royale et un sceptre-tabatière issu de l’ancienne collection Henri Matisse était à découvrir à la Galerie Monbrison.

Nouvelles contraintes, nouvelles opportunités

Si les mesures de sécurité sanitaire ont été respectées, nombre d’exposants ont cependant souligné la difficulté de parler de leurs œuvres avec un masque, « une expérience éprouvante». Ils ont aussi déploré une restriction sur les catalogues papier à offrir à leurs clients – les organisateurs ayant privilégié la version numérique en raison du Covid-19, « alors que les frais de participation s’élevaient à 7 000 euros », s’est plaint un marchand.

La crise n’aura donc pas réduit à néant tous les salons. Certains marchands, à l’instar d’Anthony Meyer, y voient même l’occasion d’un retour aux sources : « En éliminant certains salons, nous revenons à des événements davantage à taille humaine et plus accessibles. J’ai vu beaucoup d’acheteurs que je ne voyais plus (car trop de salons, trop de marchands, trop d’œuvres sur le marché) refaire surface », a commenté le marchand parisien spécialisé en art océanien et Eskimo.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°551 du 18 septembre 2020, avec le titre suivant : Un Parcours des mondes qui tient la route

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