House sale

Un morceau de Kenzo

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 10 juin 2009 - 775 mots

Le créateur de mode japonais Kenzo Takada cède le contenu de sa maison japonaise, demeure atypique nichée près de la Bastille à Paris. Les 16 et 17 juin, le commissaire-priseur Claude Aguttes tiendra le marteau de cette vente riche d’un millier d’objets de charme et de grande décoration, dont la valeur sentimentale et spirituelle l’emporte sur la valeur commerciale.

PARIS - Dissimulée derrière la façade d’un immeuble du quartier de la Bastille, la demeure parisienne du célèbre couturier japonais Kenzo n’est autre qu’une immense maison japonaise traditionnelle d’environ 1 200 mètres carrés, construite en 1989 par nostalgie du pays. Elle comprend un jardin japonais avec un cerisier, des bambous et un bassin aux carpes, importés du Japon. L’endroit charme n’importe quel visiteur, à commencer par Claude Aguttes. Lorsqu’il se rend chez le couturier en février dernier, le commissaire-priseur neuilléen, féru de monuments anciens et homme d’affaires hyperréactif, comprend tout de suite les attentes du couturier et décroche la vente. Kenzo, qui vient de céder sa maison à un producteur de cinéma, pour un appartement à Saint-Germain-des-Près, souhaite vendre son contenu aux enchères. « J’ai alors proposé à Kenzo de figer cet instant par un catalogue différent de ce qui se fait habituellement. Il présente l’homme, la maison et la collection, et permettra ainsi d’en conserver la mémoire », raconte Claude Aguttes dans une préface au coûteux catalogue de 343 pages, tiré à 7 000 exemplaires et vendu au prix fort de 80 euros. Dans cet ouvrage conçu comme un livre d’art et de décoration, les objets à vendre sont présentés dans leur contexte, avec un chapitre pour chaque pièce de la maison. Des visites in situ ont été organisées en mai pour toute personne ayant acheté un catalogue, limitant ainsi l’afflux du grand public.
Un peu plus de mille lots sont proposés aux enchères pour environ 1,5 million d’euros. Ce n’est pas vraiment une collection, mais plutôt un ensemble d’objets de charme et de grande décoration chinés par Kenzo partout dans le monde. Du reste, le couturier a déjà vendu ses pièces majeures (de l’archéologie gréco-romaine et de l’art khmer), notamment il y a deux ans, à Drouot, chez Pierre Bergé & Associés et chez Binoche. En harmonie avec sa maison et sa personne, l’univers personnel de Kenzo est très porté sur ses racines orientales et empreint d’une douce spiritualité. Le plus de cette vacation, qui s’annonce d’avance à succès, c’est l’esprit de Kenzo, de sa maison et sa philosophie de vie qui est à vendre, à travers n’importe quel objet.
Dans l’entrée de la maison japonaise, un bouddha birman de l’ancien royaume de Pagan, estimé 60 000 euros, succède à une suite de grandes jarres cambodgiennes du XVe siècle, estimée 800 euros pièce. Vient ensuite la Maison de thé de Kenzo, petite dépendance japonaise où l’on marche pieds nus sur des tatamis. Parmi des petits objets tels des tokkuri (flacon à saké) en grès de Bizen du Japon et netsuke en ivoire (est. 150 euros pièce), on y découvre des chawan (bols à thé du Japon) dont une exceptionnelle pièce réalisée par Jusetsu Miwa, estimé 30 000 euros. Le salon recèle nombre d’objets, tels deux chevaux funéraires chinois en terre cuite polychrome du VIe siècle et quatre figurines funéraires féminines d’époque Tang, estimés 15 000 euros chacun ; des sculptures de la céramiste japonaise contemporaine Shoko Koike, estimées 1 000 à 12 000 euros l’unité ; une collection de petits bouddhas en cristal de roche ou en quartz jaune, autour de 1 000 euros l’unité ; plusieurs pièces en laque Negoro du Japon dont une aiguière Yuto du XVIe siècle, estimée 15 000 euros ; ainsi qu’un paravent Lumière d’Asie, créé par Kenzo pour Baccarat, estimé 15 000 euros. De la vaisselle chinoise en grès émaillé céladon et des statuettes khmères, dans une fourchette de prix de 200 à 8 000 euros, ornent la salle à manger. Quelques pièces d’arts premiers et des estampes japonaises sont à saisir dans le grand bureau, tandis que la chambre offre notamment des porcelaines japonaises et des statuettes bouddhiques et hindouistes en or ou en bronze doré, à tous les prix. Parmi les tableaux, quelques toiles par Kenzo sont à saisir à partir de 4 000 euros. La vente s’achèvera par une série de kimonos personnels de Kenzo, à partir de 100 euros la tenue, et une maquette de sa maison, estimée 1 200 euros. Aux amateurs de juger quelle valeur sentimentale ils donneront à tout cela.

SVV AGGUTES

Experts : Jean-Luc Estournel (arts asiatiques), Marie-Catherine Daffos (arts premiers) et Dan Coissard (tableaux modernes et contemporains)
- Estimation : 1,5 million d’euros
- Nombre de lots : 1 043

KENZO TAKADA, LA COLLECTION D’UN CITOYEN DU MONDE

vente les 16 et 17 juin à Drouot Montaigne, 15, avenue Montaigne, 75008 Paris, SVV Aguttes, tél. 01 47 45 55 55, exposition publique : le 13 juin 14h-18h, les 14 et 15 juin 11h-18h, www.aguttes.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°305 du 12 juin 2009, avec le titre suivant : Un morceau de Kenzo

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