Tailles cintrées et lèvres charnues, Domergue aime à croquer ses modèles

L'ŒIL

Le 1 juillet 2006 - 407 mots

Attiré très tôt par la mode et le stylisme, Jean-Gabriel Domergue commence sa carrière en réalisant les couvertures de catalogues des magasins du boulevard Haussmann.

Un art de la séduction
Avec Une élégante en 1919, l’intérêt du trait se porte davantage sur les volumes et la composition que sur l’expression du personnage. Le fond, rapidement brossé d’un lavis clair et le recours aux aplats d’encre noire, n’est pas sans rappeler l’influence de Toulouse-Lautrec et de Degas. L’allure altière du modèle préfigure déjà la fierté que Domergue insufflera à ses portraits à partir des années 1930.
À la fois décorateur, créateur de mode et peintre, Domergue se passionne pour le faste de la Sérénissime après un bref séjour vénitien. Il puise dans le carnaval de Venise l’inspiration pour une importante série de toiles. L’ondulation des corps, les costumes bigarrés et les masques multicolores offrent à l’artiste le prétexte d’une gamme chromatique très chaude, ainsi qu’une composition au cœur de laquelle la femme est exhibée, serpentine et lascive.
Au centre de Carnaval à Venise (1925), la poitrine offerte de la danseuse apporte la touche de sensualité – frivolité – si chère à Domergue. Jupons, masques, gants, fourreaux sont autant d’accessoires de séduction inhérents aux toiles du peintre mondain.

Le portrait sans artifice ?
Pourtant, la nudité se suffit parfois à elle-même, comme dans Le Parasol vert de 1931. L’exposition de cette toile au Salon de Paris fut un succès et donna une impulsion à sa carrière. Le public féminin veut ressembler à l’image de ce modèle longiligne, et qu’importe si elles ne s’y retrouvent pas. Domergue l’a bien compris : « Un portrait révèle chez une femme ce qu’elle ignorait ou méconnaissait en elle. C’est pourquoi les femmes se mettent progressivement à ressembler à leur portrait à défaut que le portrait ne leur ressemble. » Par cet exercice de nu, Domergue entendait prouver à ses détracteurs son habileté à représenter la femme sans artifice, et attester du souci de la composition, dont beaucoup le pensaient dépourvu ! Ses grandes scènes de genre, à l’image d’Après le derby à Hyde Park sont symptomatiques de toute l’œuvre du portraitiste. Les personnages du second plan se perdent dans un fond sciemment ébauché pour concentrer le regard sur le modèle féminin.
Lèvres incarnates et nez mutin, silhouette longiligne et posture aguichante sont autant d’artifices utilisés par Domergue pour satisfaire les précieuses qui se pressaient en ses ateliers, comme en ceux des studios Harcourt.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : Tailles cintrées et lèvres charnues, Domergue aime à croquer ses modèles

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