Foire & Salon

Brésil

SP-Arte, une foire aux semelles de plomb

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 21 avril 2015 - 758 mots

La 11e édition de la manifestation, malgré la présence de galeries brésiliennes de qualité, manque toujours d’allant et de rigueur. Les grandes galeries internationales viennent beaucoup pour des raisons fiscales.

SÃO PAULO - Pour son édition 2015, la foire d’art moderne et contemporain de São Paulo, SP-Arte, accueillait 140 galeries (trop, certains stands sont évitables) venues de 16 pays d’Amérique latine – dont 83 galeries brésiliennes –, des États-Unis, d’Europe et d’Afrique (l’excellente galerie sud-africaine Goodman) réparties en quatre secteurs : Main (112 galeries) ; Showcase (artistes émergents) ; Solo (très belle section constituée de solo shows sous le commissariat de Rodrigo Moura et Maria Inès Rodriguez, dont émergeaient notamment les galeries Broadway 1602, avec Rosemarie Castoro et Cortex Athletico avec Sergio Verastegui) et Open Plan. Situé au dernier étage du bâtiment, ce secteur montrait des œuvres généralement de grandes dimensions selon un principe proche d’une biennale.

Toutes les principales galeries brésiliennes étaient présentes : côté São Paulo, les trois incontournables ténors Fortes Vilaça, Vermelho (très beau stand conceptuel) et Luisa Strina (excellent Caetano de Almeida), mais aussi les solides galeries Millan, Casa Triangulo, Leme, Mendes Wood, Nara Roesler (aussi installée désormais à Rio de Janeiro), Luciana Brito et Baro. Côté carioca, les très sérieuses galeries Marsiaj Tempo, Mercedes Viegas, Anita Schwartz, Silvia Cintra box 4, Raquel Arnaud, A Gentil Carioca (mais aussi la petite Inbox, à suivre). Car c’est la force du marché brésilien, outre d’importants collectionneurs « très sophistiqués » (l’expression est de la galeriste Natalie Serroussi qui participait à SP-Arte l’an dernier, mais pas en 2015), ainsi qu’une association de galeristes très efficace, l’ABACT, le Brésil se caractérise par de nombreuses galeries très professionnelles.

Choyer les collectionneurs brésiliens
Les poids lourds du marché international étaient bien présents également, avec de très beaux stands (qui ne suscitaient pourtant guère d’intérêt chez les visiteurs, qui se pressaient en revanche sur les stands brésiliens) : Gagosian, David Zwirner, Michael Werner, Marian Goodman, Lisson, White Cube, Blain Southern, Thaddaeus Ropac (qui ne cache pas que parmi ses vingt plus gros collectionneurs, trois sont brésiliens et présentait notamment un sublime Baselitz), Neugerriemschneider, Continua, Kurimanzutto, Franco Noero, Elvira Gonzalez. C’est pourtant un secret de polichinelle : les plus grandes galeries internationales utilisent les foires d’art de São Paulo et Rio pour importer – en bénéficiant alors d’un taux réduit de taxe à l’importation – des œuvres qu’elles ont en réalité déjà vendues le reste de l’année… Pour elles, il ne s’agit pas tant de toucher de nouveaux clients que de permettre l’importation des œuvres à moindre coût et de conserver le contact avec leur clientèle brésilienne.

Côté français, les participations étaient en net recul par rapport à 2014 : outre les galeries Thaddaeus Ropac, Gagosian et Marian Goodman, on ne comptait guère qu’Agnès Monplaisir (la galeriste parisienne, très intégrée au Brésil où elle vit la moitié de l’année, présentait un stand entièrement sud-américain avec Olga de Amaral et Jim Amaral), la galerie 1900-2000 et Cortex Athletico. Les artistes français ou vivant durablement en France étaient presque totalement absents. Seules exceptions : trois artistes déjà âgés, les deux Sud-Américains d’origine Carlos Cruz-Diez et Julio Le Parc, ainsi que Daniel Buren (dont le travail à la fois très coloré et géométrique correspond parfaitement à l’esthétique brésilienne), et Neil Beloufa. C’est extrêmement peu.

Le stand le plus réussi était celui de la galerie Luciana Brito, tout entier consacré à Marina Abramovic  (qui bénéficiait au même moment d’une vaste rétrospective au SESC Pompeia), avec notamment vingt photographies issues de ses deux performances célèbres Art Must be Beautiful, Artist Must be Beautiful et Rhythm 5 sur deux longs pans de murs, mais aussi une nouvelle performance de Nude with Skeleton, accompagnant la vidéo qui en fut extraite. Une jeune femme étendue nue, le corps habilement maquillé sous le squelette, laissait d’abord croire à une sculpture hyperréaliste jusqu’à ce qu’elle cligne des paupières.

Et les ventes ? En général assez molles et davantage encore pour les galeries étrangères. Dans un contexte économique et politique brésilien marqué par l’incertitude et guère favorable au marché, les organisateurs de SP-Arte n’avaient rien trouvé de mieux que de programmer l’événement en pleine Pâques juive, alors que les collectionneurs brésiliens issus de cette confession sont très importants. Car outre le cadre réglementaire peu favorable aux importations et à l’internationalisation du marché (si celui-ci s’est amélioré, c’est d’ailleurs grâce à la foire brésilienne concurrente Art Rio), SP-Arte pâtit d’une organisation régulièrement défaillante. Il lui faudrait faire montre de bien davantage de professionnalisme pour tirer véritablement parti de tous les atouts du marché brésilien.

SP-Arte, Sao Paulo International Art Fair

Du 8 au 12 avril 2015, Pavilhao da Bienal, Parque Ibirapuera, Portao 3, avenida Pedro Alvares Cabral, s/n, São Paulo, Brésil, www.sp-arte.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : SP-Arte, une foire aux semelles de plomb

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