Art moderne

GALERIE

Sima et Michaux, deux solitaires réunis

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 28 novembre 2019 - 503 mots

La galerie Orbis Pictus a ouvert pendant la Fiac avec une exposition qui rapproche deux artistes discrets devenus, l’un comme l’autre, très recherchés.

Paris. À proximité du Musée Picasso et sur le chemin qui mène de la galerie Perrotin à celle de David Zwirner, la nouvelle venue Orbis Pictus, stratégiquement placée, profite du circuit des collectionneurs. D’autant qu’idéalement situé à l’angle de la rue, son espace épuré retient le regard.

Ses propriétaires, un groupement d’actionnaires tchèques, ont choisi une exposition inaugurale qui assure, par ailleurs, le passage de témoin avec l’enseigne précédente, la galerie Thessa Herold. Celle-ci avait, en effet, exposé successivement Henri Michaux (1899-1984) et Joseph Sima (1891-1971). Cependant, c’est la première fois que leurs œuvres sont réunies sur les mêmes cimaises, bien que ces deux artistes ne manquent pas de points communs. Ils ont frayé, à la marge, avec le surréalisme, se sont connus, se sont entre-regardés, ont même écrit chacun sur l’autre. Sima à propos de Michaux : « Il approche, dans son œuvre, du point de vide absolu qui donne la proportion de son espace intérieur. » Michaux à propos des tableaux de Sima : « indécis cotonneux territoires, issus du passé, refaisant l’avenir. » Dans les années 1960, leurs présentations alternaient régulièrement à la Galerie le Point cardinal.

Influencé par l’œuvre gravée du Hollandais Hercules Seghers, découverte au Louvre, Joseph Sima fut, en 1927, l’un des cofondateurs du Grand Jeu. En 1968, le Musée national d’art moderne de Paris lui consacra une rétrospective. L’exposition s’ouvre d’ailleurs sur une grande toile de 1958, Antée, présentée à l’époque au MNAM. La galerie reprend par ailleurs dans sa scénographie le bleu diaphane cher au peintre d’origine tchèque qui mit dans les années 1950 l’espace et la lumière au centre de ses recherches.

Rapprochement fructueux

A-t-il eu une influence sur Henri Michaux ? Ce n’est pas ce que cherche à établir cette mise en relation de leurs œuvres, dont émane une harmonie paisible, née, comme le souligne le texte du catalogue signé Yves Peyré, d’une « tension fructueuse ». On peut saisir parfois des parentés dans leurs dessins figuratifs, encre de Chine et aquarelle sur papier au trait tremblé comme cette Fille à la cigarette esquissée par Sima en 1925, même si Michaux reste toujours plus inquiétant. Pas de chocs ni de frictions cependant entre leurs paysages intérieurs, nimbés de brume chez Sima, signes précipités chez Michaux. L’accrochage ose des rapprochements que l’on aurait pu croire difficiles : une encre de Chine sur papier de Michaux, Sans titre, 1981, sorte de vortex en noir et blanc, tient à côté d’une toile de 1961 de Sima, L’impasse, dans laquelle semblent se conjuguer la conscience de la noirceur et l’échappatoire d’un indéfini. L’étonnement viendra plutôt de la découverte de toiles tardives sur carton de Michaux, petits formats dont la tonalité rose ou orangée tire vers une sensibilité presque pop.

Côté prix, sans surprise, les œuvres sur papier sont dans une moyenne de 10 000 à 20 000 euros. Les grandes huiles sur toile de Sima sont au-delà de 100 000 euros.

Lumière : autre terre, Joseph Sima, Henri Michaux,
jusqu’au 21 décembre, galerie Orbis Pictus, 7 rue de Thorigny, 75003 Paris, orbispictus.art

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°534 du 29 novembre 2019, avec le titre suivant : Sima et Michaux, deux solitaires réunis

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