Sérieuses difficultés pour la Spadem

La justice statue le 19 janvier sur la cessation de ses paiements

Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1996 - 784 mots

La Spadem (Société de la propriété artistique des dessins et modèles) est secouée depuis l’été par une grave crise, autant morale que financière, qui s’est soldée début décembre par un dépôt de bilan. Précipitée, en partie, par le très mauvais état du marché de l’art moderne et contemporain, cette crise serait également due, selon les thèses des uns ou des autres, à la gestion défectueuse de sa présidente, Martine Dauvergne, à des coûts de fonctionnement exorbitants liés à des emplois en surnombre, voire à l’attitude hostile de Philippe Douste-Blazy, son ministre de tutelle.

PARIS - La Spadem survivra-t-elle? Les associés de la société, en cessation de paiement depuis début décembre, attendent le jugement, le 19 janvier, du Tribunal de grande instance de Paris, qui devra ouvrir une procédure de redressement, ou – ce qui semble moins probable –, mettre tout simplement en liquidation le plus ancien organisme de perception, de gestion et de répartition des droits d’auteurs des arts visuels.

De virulentes attaques personnelles
Cette crise complexe, caractérisée par de virulentes attaques personnelles contre Martine Dauvergne – qui, selon ses détracteurs, se serait faite réélire en 1994 sans faire appel à d’autres candidatures –, a été provoquée par l’annulation par celle-ci de l’assemblée générale annuelle prévue pour le 8 juin l’année dernière. Il s’agit du deuxième conflit grave qui secoue la Spadem en dix ans : en 1987, déjà en cessation de paiements, la société n’avait dû son salut qu’à la vente, pour 37 millions de francs, de son immeuble de la rue Henner.

Saisi par les associés de la Spadem, le Tribunal de grande instance a désigné un expert, Michel Deville­Bichot, pour rédiger un rapport sur les comptes de la société. Ce rapport a été déposé le 30 novembre, date à laquelle quelque 5,7 millions de francs de droits auraient dû être versés aux associés de la Spadem, mais vingt-quatre heures seulement après que Martine Dauvergne ait fait, auprès du même tribunal, une déclaration de cessation de paiements. Le 8 décembre, le tribunal a demandé un supplément d’information, qui devrait être déposé à son tour avant le 8 janvier, et qui permettrait de juger si les conditions de cessation de paiements sont authentiquement réunies ...

Entre-temps, la succession Picasso – qui représente à elle seule quelque 30 % des revenus de la Spadem – a décidé, sous la responsabilité du fils de l’artiste, Claude Ruiz-Picasso, de quitter purement et simplement la Spadem. Depuis le 26 octobre, les héritiers, réunis dans une Picasso Administration gèrent leurs affaires tous seuls – un coup dans le dos, selon Me Bernard Jouanneau, l’avocat de la Spadem.

Un rapprochement avec l’Adagp
Quel que soit le jugement du 19 janvier, le rapporteur Michel Devillebichot a déjà conclu qu’il fallait procéder à une restructuration en profondeur de la Spadem. Il a également constaté que l’autre organisme de perception de droits d’auteurs en France, l’Adagp (Association des arts graphiques et plastiques) pourrait bientôt connaître des difficultés similaires. Or, certains considèrent que le salut de la Spadem réside dans un rapprochement avec l’Adagp, destiné à réduire, entre autres, des frais de fonctionnement importants.

Les critiques très virulentes formulées contre Martine Dauvergne par les associés de la Spadem, accusent la présidente de méthodes autoritaires, notamment envers son personnel, d’une mauvaise gestion, et de toucher un salaire de 46 000 francs par mois. Me Bernard Jouanneau considère pour sa part que la situation de la société est compromise parce que le marché est compromis.

L’Adagp attend la mort de la Spadem
Nous cherchons une solution depuis plusieurs mois, mais la situation sociale au sein de la Spadem empêche la mise en œuvre du plan de redressement nécessaire depuis plus d’un an, nous a-t-il confié. Rien ne permet de dire que la gestion est malhonnête. Elle est empêtrée dans la crise sociale représentée par la préservation d’emplois en surnombre.

Me Bernard Jouanneau souhaiterait que le ministère de la Culture accepte de payer des droits lors des expositions, et que la Spadem puisse percevoir un droit de suite, actuellement applicable uniquement en ventes publiques, lors des ventes en galeries.

L’avocat voudrait également voir la société toucher des droits de reproduction pour les œuvres publiées dans des catalogues de vente. Or, le ministre de la Justice, Jacques Toubon, et Philippe Douste-Blazy ont fait approuver la suppression de ces droits par le conseil des ministres du 14 novembre, ceci en dépit du jugement rendu par la cour de cassation, il y a deux ans, en faveur de Jean Fabris, détenteur du droit moral d’Utrillo, L’Adagp ne veut pas fusionner avec la Spadem. Elle attend sa mort, afin de récupérer son répertoire. Le ministère de la Culture, pour sa part, aimerait une société plus docile, nous a confié Monsieur Bernard Jouanneau.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°21 du 1 janvier 1996, avec le titre suivant : Sérieuses difficultés pour la Spadem

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