Art déco - Ventes aux enchères

Quand Rateau signait le décor d’une salle de bains

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 17 novembre 2000 - 942 mots

Deux ventes de prestige font honneur aux deux plus grands créateurs d’Art déco : Armand Albert Rateau le 22 novembre à l’espace Tajan avec un ensemble décoratif de salle de bains estimé 3 millions de francs, et Émile-Jacques Ruhlmann le 5 décembre à l’hôtel d’Évreux de la place Vendôme.

PARIS - Le lot phare de la vente Tajan est une salle de bains exécutée vers 1928 par Armand Albert Rateau (1882-1938), soit un remarquable ensemble décoratif construit sur un plan octogonal avec un entourage de colonnes (4 x 4,8 m au sol et 3,6 m de hauteur totale) et surmonté d’un dôme doré à la feuille, traité à la manière “antique” selon un style personnalisé que le créateur développe de retour de son voyage en Italie. Issu de l’ancien hôtel particulier de la famille Dubonnet à Neuilly-sur-Seine, il se compose de neuf éléments : un sol en mosaïque de verre or et marbre noir, une suite de huit colonnes en stuc peint avec tête de chapiteau et base à décor gravé de flammes et rehaussé à la feuille d’or, une baignoire en pierre de Hauteville avec sa robinetterie d’origine à têtes en bronze en forme d’oiseaux les ailes ouvertes, une vasque lavabo, en même pierre, avec sa robinetterie assortie aux oiseaux penchés, une paire de tablettes porte-serviette en pierre marbrière, un miroir rectangulaire, une paire d’appliques en bronze en forme de fleur à quatre papillons, quatre portes à fond de miroir en bronze et entourage en cannelures de bronze patiné et une porte principale à trois panneaux pleins, à fond de miroirs et entourage de bronze et stuc. Le décor complet est estimé autour de 3 millions de francs. Une paire de bibliothèques de Rateau – en chêne, à motif de bandeau de feuilles et de fruits –, provenant de l’ancienne collection Jeanne Lanvin, estimée 600 à 800 000 francs, fera partie de la même vacation.

Des pièces importantes signées Ruhlmann seront proposées le 5 décembre (étude Le Mouel-cabinet Camard, hôtel d’Évreux, place Vendôme). Au programme, un précieux meuble à gaine à hauteur d’appui en ébène de Macassar massif et placage de même essence (est. 1,5 à 2 millions de francs), un rare canapé, modèle “Bloch”, en placage de bois de violette (est. 1,2 à 1,5 millions de francs), une table basse en chêne de Hongrie et placage d’ébène de Macassar (est. 800 000 à 1 million de francs), un lampadaire en loupe d’amboine plaqué d’ivoire (est. 600 à 800 000 francs) et une table de salle à manger en chêne de Hongrie plaqué d’ébène de Macassar (est. 600 à 800 000 francs) accompagnée de sa suite de huit chaises en ébène de Macassar massif (est. 600 à 800 000 francs).

Des meubles signés Pascaud, Printz, Dupré-Lafon,...
Toujours le 5 décembre, du mobilier signé Jean Pascaud (1903-1993) sera mis aux enchères – une vingtaine de lots remarquables, soit le contenu d’un appartement. Parmi cet ensemble, une spectaculaire enfilade à long coffre rectangulaire en bois verni noir aux portes laquées bronze à motifs incisés d’un maillage rehaussé d’or, reposant sur deux stèles en pierre blanche sculptée de baigneuses sur fond feuillagé, un travail signé Androusow, est une pièce unique estimée entre 400 et 600 000 francs. La vente Tajan offrira aux amateurs une commode haute signée Eugène Printz en placage de bois de palmier sur bâti de chêne (est. 600 à 800 000 francs), et, du même créateur, un bureau à plateau rectangulaire à placage de palmier (est. 600 à 700 000 francs) ; à noter également plusieurs créations de Paul Dupré-Lafon dont une belle table basse en chêne sablé et patiné à la céruse avec plateau carré gainé de cuir rouge, estimée 800 à 1 million de francs. La table de salle à manger personnelle de Michel Roux-Spitz à plateau en travertin romain d’une épaisseur exceptionnelle de 7 cm, estimée 100 à 120 000 francs et un bureau d’André Arbus en poirier teinté noir dont “les mouvements aux inflexions presque humaines”, selon Armand Pierhal (L’Art vivant, juillet 1931) lui valent une estimation de 300 à 350 000 francs, seront proposés dans la vente dirigée Me Aguttes les 30 novembre et 1er décembre à Neuilly-sur-Seine.

La vacation du 19 décembre de l’étude Million à Drouot-Montaigne offrira deux lots intéressants : un important meuble de rangement de Louis Majorelle, un modèle en noyer dit La Mer (est. 120 à 150 000 francs), surmonté d’un panneau plein à décor de paysage aquatique animé en marqueterie de bois précieux, et un élégant secrétaire à pente en noyer massif d’Émile Gallé, dit modèle Orchidées lorraines, au décor de sous-bois, paysages vallonnés et d’orchidées en marqueterie (est. 150 à 180 000 francs).

Le mobilier, certes plus porteur que les objets d’art, ne doit pas occulter la présence de belles pièces d’art décoratif : quatre sculptures de Georges Laurent Saupique, en marbre de couleur et bronze, représentant les anciennes colonies françaises, L’Afrique du Nord, Les Antilles, L’Afrique noire et L’Indochine, estimée 600 à 700 000 francs chacune, et deux sculptures chryséléphantines de Demètre Chiparus, en bronze et ivoire sur un socle en onyx, estimée 200 à 250 000 francs pièce, une série de tableaux de Paul Jouve dans une fourchette d’estimation comprise entre 40 000 et 120 000 francs feront partie de la vente de prestige de l’étude Tajan “composée de marchandises très saines”, selon l’expert Félix Marcilhac. Celle tout aussi prestigieuse de l’hôtel d’Évreux comporte environ 120 lots, soit d’après Jean-Marcel Camard, “une sélection de pièces de qualité”, comme une belle collection de vases Daum ou encore une lampe de table de Gallé en verre triple-couche à décor de branches de rhododendron, estimée 300 à 400 000 francs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°115 du 17 novembre 2000, avec le titre suivant : Quand Rateau signait le décor d’une salle de bains

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