Analyse

Pluie de records à New York

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 608 mots

L’art contemporain a encore atteint des sommets lors des ventes de mai à New York. Dans la hiérarchie des maisons de ventes publiques, Sotheby’s bénéficie d’un retour en grâce.

Après les sommets enregistrés pour l’art moderne entre les 4 et 6 mai, l’art contemporain n’est pas en reste à New York. Christie’s, qui a eu du mal à avaler la pilule de la vente Whitney chez Sotheby’s, a totalisé le 11 mai 102 millions de dollars, le double de sa vente du soir en art impressionniste et moderne. Elle a aussi enregistré au passage 9 records. Du jamais vu pour une evening sale ! Les toiles du Museum of Modern Art se sont vendues, mais à nouveau dans la fourchette d’estimations, voire à la lisière de l’estimation basse. De l’avis général, le Jackson Pollock était dans un si piètre état que personne ne s’était ému de sa mise en vente. Le lendemain soir, la vente de Sotheby’s a totalisé un sans-faute avec 65,6 millions de dollars et 13 records, notamment 2 millions de dollars pour la Ballade de Trotsky de Maurizio Cattelan. Un achat que les rumeurs prêtent au milliardaire Bernard Arnault. Le vendeur de cette pièce pouvait s’estimer heureux, puisqu’il l’avait acquise chez Christie’s pour 560 000 livres sterling (plus de 780 000 dollars hors frais) en 2001. Plus modeste, Phillips a affiché le 13 mai un produit de 17,7 millions de dollars nanti de 10 records. New York est décidément une planète à part, où une simple édition de Jeff Koons peut atteindre 5,4 millions de dollars, et où une peinture d’un goût très particulier comme The Optimist de John Currin prétend à 433 600 dollars ! Deux leçons se dégagent de ces ventes-fleuves. Primo, le marché est en train de se déplacer sensiblement vers la seconde moitié du XXe siècle : l’art contemporain peut être aussi rémunérateur, sinon plus, que l’impressionnisme et l’art moderne. Secundo, Sotheby’s, que l’on avait trop vite enterrée, reprend du poil de la bête. Poursuivant sa quête de collections françaises, elle a annoncé la vente de la collection Marcellin et Madeleine Castaing le 22 septembre à Paris. On s’étonne en revanche qu’elle désosse cet ensemble en vendant le noyau de sept œuvres de Chaïm Soutine à Londres les 21 et 22 juin. La collection Cesari, qu’elle dispersera à Paris le 29 juin, n’a pourtant pas été démembrée de ses impressionnistes...  Sotheby’s commence aussi à décliner les thématiques porteuses, comme celle des provenances royales au mois de novembre. Pour le moment, Christie’s n’annonce pour l’automne aucune grande vente ou collection, que ce soit en France ou aux États-Unis. Sur le bûcher des vanités qu’est le marché de l’art, les retours de balancier sont fréquents. La hiérarchie des maisons de ventes sera peut-être bousculée en fin d’année.
Les regards des antiquaires convergent eux vers Moscou, où se déroulera le premier salon international d’antiquaires (The Moscow World Fine Art Fair). Face à la déperdition de la traditionnelle manne américaine, les professionnels cherchent à rebondir. Plus qu’un miroir aux alouettes, la Russie offrira peut-être un exutoire aux spécialités malmenées comme le mobilier du XVIIIe siècle. Finalement, comme le dit l’antienne populaire, les Français, s’ils n’ont pas toujours de l’argent, ont au moins des idées. Profiter de la francophilie atavique des Russes ou refaire de Paris le creuset des peintres latino-américains, comme Christie’s s’y efforcera le 10 juin, c’est à chaque fois souligner la primauté française. Un tel retour aux sources est plutôt mal vu par les antennes londoniennes des maisons de ventes anglo-saxonnes. Si le chemin pour un Paris « capitale des arts » est bien engagé, il reste encore long et semé de réticences.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Pluie de records à New York

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