Peinture

Pia Fries annonce la couleur

La Galerie Nelson-Freeman accueille les explorations sur le temps et le mouvement de Pia Fries

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 3 mai 2013 - 517 mots

PARIS - La galerie parisienne Nelson-Freeman est connue pour sa ligne conceptuelle très assumée. Si Pia Fries, qui s’inscrit dans la tradition de la grande peinture contemporaine, tranche donc, en termes de médium de prédilection, le talent dont elle fait preuve occupe plus qu’avantageusement le créneau que lui consacre en grande partie sa galerie française.

Dans toutes les œuvres de Pia Fries, le rôle du fond est déterminant. Si Pia Fries est une artiste de la peinture, dont elle mobilise tant les effets de couleurs que de matières, la surface initiale apparaît toujours dans toute sa blancheur, mais aussi dans les quelques premiers motifs sérigraphiés sur le support qui sont ensuite en partie recouverts de pigments. À l’étage, les œuvres, d’une série qui s’étend de 2008 à 2012, apparaissent de construction moins libre, la gestuelle est moins souple. La dimension figurative des motifs imprimés de poutres de bois dans des tons d’un beige grisâtre ressort davantage et l’audace des coloris est moindre : les verts kaki, les roses, les jaunes orangés et gris bleutés qui tirent vers le lavande l’emportent. Pia Fries conserve pourtant l’audace des empâtements partiels sur le fond des panneaux enduits ou même, en couches de moindre épaisseur, sur le papier

Expression de la matérialité de la peinture

Les œuvres du rez-de-chaussée, datant toutes de 2012, sont les plus belles jamais produites par Pia Fries qui fait preuve d’une audace et d’une maîtrise stupéfiantes. Les effets de matière se caractérisent par une grande variété d’épaisseur de la couche picturale qui devient parfois voluptueuse (et peut dépasser un centimètre !) tout en produisant un effet de grande légèreté ; les fondus sont saisissants, les fonds blancs légèrement imprimés de drapés sont partiellement recouverts de motifs audacieux. La dynamique des compositions est parfaitement atteinte, évoquant des volutes, des vagues, des rafales de vent. Pia Fries ose des rubans de matière colorée qui s’enroulent sur eux-mêmes, les aplats de peinture aux rayures alternativement blanches et colorées évoquent des berlingots ! La grande liberté du mouvement répond à l’audace totale des couleurs.
Il s’agit là de peinture parfaitement maîtrisée, malgré la grande liberté de la touche et de la gestuelle. Par endroits, certains raclages et grattages des pigments ne manqueront pas d’évoquer Gerhard Richter, dont Pia Fries fut l’élève et auprès duquel elle a appris – la nouvelle série en témoigne mieux que jamais – une peinture magnifique. Il y a incontestablement du métier chez cette excellente peintre dont la fulgurante liberté de trait peut aussi évoquer Joan Mitchell.

L’accrochage aurait gagné à être un peu plus dense, puisque la galerie, pourtant vaste, ne présente que huit œuvres sur panneau de bois et trois sur papier, de formats moyens. Quand une exposition atteint ce niveau, on aimerait voir davantage d’œuvres.
Les prix s’élèvent à 8 500 euros pour les œuvres sur papier, 13 500 à 30 000 euros pour les peintures sur panneau de bois. Pour une artiste allemande, au parcours solide tant par sa formation que par ses expositions passées, ils restent très raisonnables. D’autant plus que son travail le plus récent apparaît comme le plus réussi.

Pia Fries, Wetter. Fahnen. Fächer (Temps. Drapeau. Eventail)

Jusqu’au 25 mai, galerie Nelson Freeman, 59 rue Quincampoix, 75004 Paris 2013, tél. 01 42 71 74 56, www.galerienelsonfreeman.com, mardi-samedi, 11h-13h et 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Pia Fries annonce la couleur

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