Ventes aux enchères

Perzel, un marché stable depuis presque cent ans

Par Alexia Lanta Maestrati · L'ŒIL

Le 21 novembre 2018 - 1003 mots

PARIS

À Paris dans les théâtres, en levant les yeux à La Coupole, dans le spa du Ritz, à la Société des nations de Genève, dans les yachts les plus luxueux et bientôt dans des avions privés, les luminaires Perzel sont une institution.

Collectionner -  Perzel, c’est d’abord une histoire de famille. Bavarois d’origine, Jean Perzel (1892-1986) est naturalisé français après la Première Guerre mondiale, il fonde son entreprise en 1923, puis transmet son savoir-faire à son neveu François Raidt, qui lui-même l’enseigne à son fils Olivier Raidt, actuel directeur. De style Art déco, les luminaires ont des lignes modernes, ce travail d’orfèvrerie n’en est pas moins utilitaire et fonctionnel, doté d’un éclairage « efficace qui peut remplacer la lumière naturelle », se félicite l’enseigne. Installés depuis sa première année aux abords du parc Montsouris, dans un immeuble signé Michel Roux-Spitz, l’atelier et le show-room de Jean Perzel sont les premiers lieux d’achats. L’Atelier Perzel ne vend que ce qui sort de l’atelier et il est difficile de parler d’évolution du marché, car l’atelier crée avec une dizaine de compagnons des objets uniques (entre 60 et 300 heures de travail par pièce), la production est donc limitée.

Évidemment, il y a un circuit parallèle, celui du second marché. Il faudra donc chiner aux puces les lundis et les week-ends à Saint-Ouen, chez de nombreux antiquaires – bien qu’aucun ne soit spécialisé en Perzel beaucoup en proposent –, ou version 2.0 sur 1stdibs par exemple. En maisons de ventes, le marché est en bonne santé. Le couple Christie’s/Sotheby’s ne vend généralement pas de réédition, « donc il n’y a pas vraiment de marché qui se crée, nous passons à l’encan des modèles anciens, surtout des années 1930, car une lampe Perzel de cette époque, même re-éditée ne sera pas la même, par exemple le verre sera différent », explique Florent Jeanniard, directeur du département Design chez Sotheby’s.

Questions à... Olivier Raidt, directeur de la maison Perzel


Vous lancez la gamme Perzel Contemporain, mais la couleur chez Perzel, est-ce vraiment nouveau ?
La couleur et les laques ont toujours existé. Certains modèles des années 1950 avaient un peu de couleur, du pastel, nous avons également incorporé du blanc cassé, couleur ivoire ou coquille d’œuf. Mais des couleurs comme celles de la nouvelle collection, qui sont très prononcées, c’est une première. Il s’agit de moderniser par les couleurs la gamme Perzel, ce qui permet de garder ses lignes indémodables dans des teintes modernes.

Quels sont les modèles qui se vendent le mieux, et qui sont vos principaux clients ?
Nous n’avons pas de best-sellers, car les Ateliers Perzel proposent plus de 7 000 modèles, outre les couleurs, un luminaire peut se décliner dans 50 ou 100 patines au choix. Beaucoup de nos clients sont de grands architectes ou de grands décorateurs, parmi les plus célèbres citons des historiques comme Jules Leleu, Jacques-Émile Ruhlmann ou Le Corbusier et des contemporains comme Jacques Grange ou Jacques Garcia. Parfois, ils nous envoient un échantillon ou une couleur de patine, mais nous ne réalisons jamais de dessin d’un tiers, car nous sommes des créateurs. Parmi nos clients, nous avons également des particuliers, même assez jeunes, qui pourraient être attirés par des entrées de prix comme des paires d’appliques aux alentours de 600 euros.

50 000 €
1_Lampadaire N53 (créé pour la Société des nations à Genève, 1937).

Signé Jperzel sur le pourtour de la base, la maison Christie’s ne passe à l’encan que des modèles qui ne sont pas réédités. Créé en 1937 pour la Société des nations à Genève, il s’agit d’un record pour un lampadaire Perzel, car le modèle est rare, il en existe seulement dix exemplaires. Les prix les plus importants reviennent aux lots d’exception, comme en témoigne la mappemonde commissionnée en 1937 par Henry Ford, passée à l’encan chez Sotheby’s New York en 2005 et adjugée pour 20 400 dollars (17 860 euros).
Vendu chez Christie’s 50 000 euros (estimée entre 8 000 et 12 000 euros) le 22 mai 2018.

Entre 1 050 et 6 220 €
2_Le plafonnier 2075 S

Ce plafonnier de style minimaliste s’adapte à différents lieux. Car tout est sur mesure chez Perzel, qui « fait du conseil » avant de vendre. Des versions monumentales ont été réalisées pour le Musée de Saint-Omer (Hauts-de-France). En boutique, les luminaires ont des prix s’étalant de 600 à 30 000 euros, voire plus. Tous les modèles peuvent être créés version Perzel Contemporain, avec ses couleurs vives.
En boutique

1 820 €
3_Modèle 1151 (Paire d’appliques de forme carrée)

À l’instar d’autres enseignes prestigieuses, comme Puiforcat ou Christofle, chez Perzel tous les modèles sont quasi encore disponibles. La maison de ventes le reconnaît, il est donc parfois difficile de justifier les prix, surtout quand ces derniers dépassent ceux en magasin et pour des pièces qui ne sont pas toujours d’époque. À titre indicatif, cette paire d’appliques adjugées 1 820 euros chez Millon se vend entre 850 et 1 250 euros à l’unité en boutique. En maison de ventes, les lots sont parfois abîmés ou usés, la maison Perzel est la seule à les restaurer avec « les mêmes matériaux, car la qualité n’a pas changé d’un pouce depuis un siècle ».
Vendu aux enchères 1 820 € (estimé entre 400 et 600 euros), le 11 octobre 2018 chez Millon. En boutique entre 850 et 1 250 euros par applique.

À partir de 5 090 €
4_Lampe de bureau 162

Sur le bureau années 1930 de Michel Roux-Spitz se trouve un modèle de cette lampe de bureau iconique créé au début de la carrière de Jean Perzel, en 1927-1928. Historique, elle fut utilisée par les plus grands comme Michel Roux-Spitz, Jacques-Émile Ruhlmann, Jules Émile Leleu ou encore Le Corbusier. De nombreux musées ont fait l’acquisition de luminaires Perzel, à l’instar du MAD (Musée des arts décoratifs), du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, du Musée des années 30 de Boulogne, de l’Écomusée de Saint-Nazaire ou encore du Musée Guimet.
Au MAD. Achat par préemption en vente publique, grâce au mécénat de Michel et Hélène David-Weill, 2010.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Perzel, un marché stable depuis presque cent ans

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