Paris Photo, globalement satisfaisant

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 janvier 2004 - 1146 mots

Malgré le recul enregistré par certains pans de la photographie, l’année 2003 ne fut pas un mauvais cru. Certaines ventes y furent même scintillantes comme celle de la collection Seagram dispersée par Phillips et de la vente Breton à Drouot
en avril dernier ou encore celle des daguerréotypes de Girault de Prangey
en mai chez Christie’s. Pour sa septième édition, Paris Photo tire aussi un bilan globalement satisfaisant.

Contrairement aux années précédentes, les ventes de Paris Photo ne furent pas circonscrites
au vernissage, mais plus réparties sur la durée. Comme dans tous les domaines, les collectionneurs s’accordent un temps de réflexion de plus en plus long. Si le salon a échappé à la floraison des ventes parisiennes de qualité inégale concentrées en octobre, il fut toutefois concurrencé par deux vacations organisées par Sotheby’s (17 octobre) et Phillips (16 et 17 octobre). Chez Sotheby’s, une photo d’Edward Weston baptisée Two Shells s’est vendue au prix record de 467 200 dollars. Du côté de Phillips, c’était un tricycle Memphis de William Eggleston qui décrochait 207 500 dollars. Avec près d’un millier de lots, les deux maisons de ventes totalisaient 6,4 millions de dollars. De fait, à l’ouverture de Paris Photo, beaucoup d’amateurs avaient déjà fait leur marché en vente publique.
Paris Photo est un salon pour les fouineurs. Les non-avertis risquent de le trouver décevant. On y sort avec un air de redite et une rapide saturation. Ceux dont les stands sont des copies quasi conformes de l’an dernier n’ont pas toujours tiré leur épingle du jeu. Il en va ainsi de l’Américain Michael Senft qui proposait pourtant une multitude de pépites de Man Ray entre 35 000 et 250 000 dollars. Même si les ventes furent « comme ci comme ça », le marchand américain s’estime très satisfait du salon qui lui amène régulièrement de nouveaux contacts. Renos Xippas a tenté de reconduire cette année la formule payante de l’édition précédente avec une juxtaposition de Valérie Belin, Vik Muniz et Philippe Ramette. Toutefois, après avoir vendu l’an dernier une quinzaine de pièces de Philippe Ramette, cette année fut naturellement plus laborieuse.
Chez l’Allemand Daniel Blau, on retrouvait vingt-deux négatifs papiers de Louis de Clercq provenant d’une vente organisée à Chartres en janvier dernier. Présentée dans une fourchette de 3 500 à 12 000 euros, une dizaine avait trouvé preneur. Certains marchands classiques reconnaissaient qu’il leur avait été difficile d’apporter des pièces inédites ou exceptionnelles, raréfaction oblige. Ainsi la galerie 1900-2000 a vendu vingt-huit pièces entre 500 et 2 000 euros, tout en avouant que sa manne habituelle n’était pas au rendez-vous.
Malgré la sensation de déjà-vu, plusieurs découvertes étaient à faire. Dès l’après-midi professionnel, les fureteurs se sont pressés sur le stand de Csaba Morocz pour découvrir sa dernière trouvaille hongroise, en l’occurrence les photos de Geza Vandor proposées entre 1 250 et 3 500 euros. Au terme du salon, les points rouges s’alignaient sous la quasi-totalité des photos. À la galerie Priska Pasquer de Cologne, l’œil s’attardait sur plusieurs photos d’architecture d’August Sander, plus souvent connu du grand public pour ses portraits. Les amateurs ne s’y sont pas trompés en achetant dix pièces entre 8 000 et 12 000 euros. De même, à la galerie 14/16 Verneuil, au détour d’une photographie historique de Walker Evans de la série des Subway proposée pour 25 000 dollars,
la révélation se faisait autour des collages de Georges Hugnet proposés entre 5 000 et 30 000 euros. Sam Stourdzé reconnaissait avoir vendu pour 250 000 euros de ces travaux qu’une épaisse monographie publiée aux éditions Léo Scheer a récemment éclairés.
Cette année a aussi fait la part belle aux librairies. Un des plus grands collectionneurs de photos, Manfred Heiting, s’est mu en amateur effréné de livres de photos. À la galerie Baudoin Lebon, on reconnaît volontiers que le livre constitue un des pans d’avenir du marché de la photographie. La galerie avait d’ailleurs cédé le soir du vernissage un livre de Hans Bellmer à un très grand collectionneur européen. Plus que de pan, il convient sans doute de parler de niche car là non plus la manne n’est pas extensible.
La photo plasticienne a récemment été malmenée en vente publique après une hausse inconsidérée.
En témoignent les méventes dans les dernières dispersions d’art contemporain de New York. Andreas Gursky ne fait plus florès dès qu’on essaie d’aligner les estimations sur son prix record de 559 724 dollars en 2002. Cette situation plutôt saine n’exclut pas quelques surprises. Pour preuve,
un Panthéon de Thomas Struth adjugé au prix de 252 000 livres (362 200 euros) chez Sotheby’s en octobre. Comme d’habitude, le contemporain peine à trouver sa place à Paris Photo. La section « Statements » mettant à l’honneur le Mexique s’est révélée affligeante, faisant l’impasse sur la galerie Kurimanzutto, représentante de l’artiste Gabriel Orozco. Preuve s’il en est du malaise de la photographie plasticienne dans ce salon, la galerie Baudoin Lebon avait relégué un Ecce homo et un Black Jesus, deux séries mythiques d’Andres Serrano, dans un couloir où elles passaient inaperçues. C’est que cet artiste sur lequel on a beaucoup spéculé observe récemment une chute de ses prix. Certaines enseignes contemporaines ont toutefois bien vendu comme la sympathique Rabouan-Moussion. La galerie Le Réverbère, qui se détache de la plupart de ses confères par son exigence affûtée, a négocié vingt-cinq photos entre 1 000 et 2 000 euros tout en nouant des contacts fructueux. Idem pour la galerie Polaris qui jouait sur une séduction moins frontale mais plus douce et ténue, avec Éric Aupol.
Il semble aujourd’hui évident que le public est toujours avide de photographie, mais cherche un nouveau souffle, des images moins galvaudées, de nouvelles icônes sans doute. L’écrémage est en cours aussi bien pour le contemporain que pour l’ancien. En témoignent les taux d’invendus lors des ventes parisiennes des 10 et 11 octobre derniers : 30 % d’invendus chez Beaussant-Lefèvre lors de la dispersion du fond Varin, 53 % chez Tajan pour celle de Paul Benarroche et 40 % pour la vente organisée par Bergé et Associés. Le public sanctionne immanquablement les estimations gonflées et les tirages en mauvais état, se laissant volontiers aller à la découverte. Ce fut le cas avec un daguerréotype de Dodero adjugé 33 693 euros au triple de son estimation chez Tajan. Responsable du nouveau département photographie d’Artcurial, Grégory Leroy a choisi de concentrer ses prochaines ventes sur l’après-guerre. Cette période est peu représentée dans les vacations parisiennes si ce n’est dans sa version humaniste du type Robert Doisneau. Dans la foulée de la maison de ventes allemande Lempertz, qui s’attache à montrer d’autres facettes de la photographie, Grégory Leroy souhaite mettre l’accent sur la photographie européenne en couleurs des années 1970-1980, qui exception faite de l’école allemande, reste méconnue. Comme en bibliophilie, la photographie regorge encore de merveilles inexploitées. De plus en plus sélectif, le public n’est pas pour autant blasé.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Paris Photo, globalement satisfaisant

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