Où voir des tapisseries ? : expositions et musées

Parcours à travers des musées parfois trop discrets et les expositions du moment

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 24 octobre 1997 - 1676 mots

Tout amateur d’art sait que le Louvre ou le Musée des arts décoratifs sont des hauts lieux de la tapisserie. Mais peut-être ignore-t-il que la province regorge d’institutions conservant jalousement de splendides tentures anciennes, trésors de cathédrales ou précieux butins des seigneurs d’antan. Et aussi quelques ateliers d’artistes, dans des endroits sauvages et insolites propres au recueillement du peintre-cartonnier... Les expositions en cours illustrent, elles, les tendances les plus récentes de la création actuelle.

EXPOSITIONS

- TAPISSERIES CONTEMPORAINES D’AUBUSSON. ARTISTES ET ARTISANS, jusqu’au 30 novembre, chapelle de la Sorbonne, 75005 Paris, tlj sauf dimanche 11h-17h45.
Aubusson, capitale de la tapisserie, seul endroit où s’active encore toute la chaîne des métiers : producteurs et filateurs de laine, teinturiers, peintres-cartonniers, liciers, mais aussi restaurateurs. L’exposition de la chapelle de la Sorbonne témoigne de cette vitalité. Quinze artistes y sont représentés, des plus établis comme Olivier Debré aux jeunes créateurs. Particulièrement originaux, les travaux des designers Élisabeth Garouste et Mattia Bonetti qui tentent d’intégrer la tapisserie dans les objets du quotidien. À noter aussi la tapisserie de Roy Lichtenstein, commande publique destinée à la Bibliothèque nationale de France. Une exposition qui convaincra ceux qui doutaient encore de l’avenir d’Aubusson et de Felletin...

- FRÉDÉRIC OLLEREAU, LA MAISON DE LAINE, Centre d’art contemporain de Vassivière, île de Vassivière, 87120 Beaumont-du-Lac, tél. 05 55 69 27 27. Film vidéo relatant la réalisation de l’œuvre et son installation sur l’île, jusqu’au 31 décembre.
La tapisserie, une voie négligée par les artistes contemporains ? Frédéric Ollereau prouve en tout cas le contraire avec sa Maison de Laine. Cette tapisserie en laine et soie aux motifs de squelette recouvre un bloc de granit représentant schématiquemenet une maison. Dépôt du Fnac, elle sera exposée temporairement sur le rivage de l’île de Vassivière où elle subira les intempéries et les attaques inéluctables du temps. Un témoignage de "l’éphémérité", une "réalité incontournable, au-delà de toute résistance sociale, de toute intervention protectrice", rappelle Frédéric Ollereau.

- AU FIL D’UN REGARD, L’ART DE LA TAPISSERIE ET DE SA RESTAURATION, 30 octobre-1er décembre, Aéroports de Paris, Orly-Ouest, 2e étage, Espace Les cimaises, tél. 01 49 75 69 51, tous les jours.
Le regard d’un photographe sur l’art des lices... François Poche ne se limite pas à une approche instructive qui se contenterait d’illustrer la technique du licier et son travail de restauration. Avec des cadrages extrêmement serrés, de forts grossissements, le choix de grands formats, il nous fait pénétrer dans un monde presque irréel – le licier, étrange personnage, évolue dans un univers magnifiquement coloré. Une exposition qui se veut aussi une réflexion sur le temps : temps court de l’enchaînement rapide des gestes ; temps long de la patience du licier pour tisser une pièce, mais surtout du passé plusieurs fois centenaire de certaines tentures marquées par l’épreuve des âges...

MUSÉES

- Musée des tapisseries, place des Martyrs de la Résistance, 13100 Aix-en-Provence
Les archevêques d’Aix avaient rassemblé aux XVIIe et XVIIIe siècles une série de tapisseries destinées à décorer leur palais... pour le plus grand plaisir des amateurs contemporains de l’art des lices. Ceux-ci peuvent aujourd’hui admirer cette riche collection qui illustre bien le goût pour l’ornementation et la fantaisie, si caractéristique du XVIIIe siècle. Tous les “classiques” sont représentés, dans un décor Louis XVI d’époque, depuis la suite de “Grotesques” – dite “de Berain” – à L’histoire de Don Quichotte, en passant par les “russeries”.

- Musée départemental de la tapisserie, 10 avenue des Lissiers, 23200 Aubusson
Depuis son ouverture, en 1981, ce musée est le point de passage obligé de tous les amateurs de tapisseries : il offre un panorama complet de l’évolution de la production marchoise, depuis le XVIIe siècle jusqu’à l’époque contemporaine. Les œuvres de Jean Lurçat (Les saisons, Le conscrit des cent villages...) constituent l’ensemble le plus important, encore enrichi en 1994 par une donation généreuse de Simone Lurçat. Les fidèles compagnons de l’artiste – Saint-Saëns, Wogensky, Dom Robert, Gromaire... – ne sont pas oubliés. Parallèlement aux espaces d’exposition, une galerie est consacrée aux aspects techniques de la tapisserie, avec des démonstrations du travail de basse lice (en visite guidée) et l’évocation de la chaîne de métiers (filateurs, teinturiers, cartonniers...). C’est un musée très vivant, ouvert sur la vie actuelle d’Aubusson-Felletin, et son calendrier est ponctué d’événements variés. Le 24 septembre dernier, Simone Lurçat et Denise Majorel y ont reçu respectivement les insignes de chevalier et d’officier des Arts et des Lettres.

- Atelier-musée Jean Lurçat, 46400 Saint-Laurent-les-Tours
Qui veut comprendre l’univers intérieur de Jean Lurçat se doit de faire un pélerinage à Saint-Laurent-les-Tours. Un lieu étrange et austère, propice au recueillement. Pendant vingt ans, l’artiste a habité les deux tours médiévales dominant les vallées alentour et la ville de Saint-Céré. Toute la maison porte son empreinte : le décor des plafonds, des portes et des murs. Particulièrement intéressante, la confrontation entre cartons et tapisseries, qui permet d’en saisir toute la spécificité. Mais Simone Lurçat, qui a fait don de l’ensemble au département du Lot, a surtout souhaité illustrer les aspects moins connus de l’œuvre de son mari. Ainsi, céramiques, peintures et pièces de mobilier viendront efficacement compléter notre connaissance de l’artisan de la “renaissance” de la tapisserie.

- Galerie de l’Apocalypse, château, promenade du Bout du Monde, 49100 Angers
Incontestable chef-d’œuvre de l’art de la laine, mais aussi la plus ancienne tapisserie de France, L’Apocalypse  n’a cessé d’émerveiller tous les amoureux de l’art des lices. Deux ailes en retour d’équerre, bâties en contrebas du “petit château” d’Angers, accueillent les 100 mètres de cette prestigieuse tenture, tandis que le château renferme le trésor de tapisseries de la cathédrale, et notamment les Millefleurs des Ardilliers  (Saumur, fin XVe siècle), un fragment de la tenture des Neuf Preuses (début XVIe siècle) et La vie de saint Martin (XVe siècle).

- Musée Jean Lurçat de la tapisserie contemporaine, 4 bd Arago, 49100 Angers
Le Chant du Monde  de Jean Lurçat a investi depuis 1968 la grande salle des malades de l’ancien hôpital Saint-Jean (fin du XIIe siècle), impressionnant vaisseau de 60 m de long sur 22,50 m de large. Cette œuvre maîtresse de l’artiste, fruit de neuf années de travail, comporte dix tapisseries sur ses thèmes de prédilection : la création du monde, la bombe atomique, l’eau et le feu, la conquête de l’espace... De nouvelles salles récemment ouvertes accueillent une importante donation de Mme Lurçat comprenant des tapisseries, des céramiques, des peintures et des livres illustrés, sans oublier les œuvres des compagnons de l’artiste : Tourlière, Saint-Saëns, Gilioli, Calder et bien d’autres.

- Château-Musée, 49400 Saumur
Outre un musée du cheval, le château des ducs d’Anjou abrite un musée consacré aux arts décoratifs du XIVe au XVIIIe siècle, avec un superbe ensemble de tapisseries qui valent à elles seules le détour. Les plus remarquables sont sans doute celles provenant de l’église Notre-Dame de Nantilly : la fameuse Prise de Jérusalem (vers 1500) et le Bal des sauvages (dernier quart du XVe siècle). Également une belle suite des Gobelins : Les enfants jardiniers (vers 1718).

- Musée de l’Œuvre, Palais du Tau, 2 place du Cardinal Luçon, 51100 Reims
Le Palais archiépiscopal de Reims, plus communément appelé Palais du Tau en raison de son plan en forme de “T”, accueille le trésor de la cathédrale de la ville, riche d’une centaine de tapisseries. Parmi celles-ci, des pièces d’exception : deux tentures de L’histoire du Fort Roy Clovis, les seules qui subsistent d’une suite comprenant six pièces à l’origine. Elles ont probablement été réalisées dans des ateliers tournaisiens dans la seconde moitié du XVe siècle. Longues chacune d’environ 10 mètres, elles sont particulièrement représentatives de l’”horreur du vide” caractéristique du style de cette époque. Remarquable aussi, l’ensemble consacré à La Vie de la Vierge, dix-sept pièces flamandes ou rémoises du XVIe siècle qui ornaient le chœur de la cathédrale lors des grandes cérémonies et du sacre du roi.

- Musée national du château de Pau, 64000 Pau
C’est à Louis-Philippe que le château de Pau doit d’être le plus grand musée de tapisseries hors de Paris... Le souverain avait souhaité faire du vieil édifice pyrénéen, riche des souvenirs d’Henri IV, une demeure royale digne des Bourbons. Une ambition à laquelle a largement contribué l’esthétique et le décorum de la tapisserie. Une série de treize tentures, correspondant à environ soixante-dix pièces, ont été sorties du Garde-meuble royal pour orner, de façon presque obsédante, les moindres recoins du château. À noter, une très belle copie des Chasses de Maximilien  de Bernard Van Orley, ainsi qu’une tenture bruxelloise du début XVIe siècle, L’Histoire de saint Jean-Baptiste, la plus ancienne du musée. Le château de Pau est le rare endroit où l’amateur pourra admirer des tapisseries dans leur contexte, complètement intégrées à un décor intérieur qui n’a, le plus souvent, pas bougé depuis 1840.

- Musée national du Moyen Âge, Thermes de Cluny, 6 place Paul-Painlevé, 75005 Paris
La réputation de La Dame à la licorne n’est plus à faire. Paradoxalement, on omet souvent d’aller voir cette d’œuvre, tellement présente dans l’imaginaire collectif. Une salle de l’ancienne abbaye de Cluny lui est entièrement consacrée, sa scénographie mettant en valeur les 81 m2 de ce somptueux ensemble. Cette visite est aussi l’occasion de voir ou de revoir La tenture de saint Étienne (vers 1500), 45 mètres d’”histoires tissées” qui ornaient à l’origine le chœur de la cathédrale d’Auxerre.

- Musée national de la Renaissance, château d’Écouen, 95440 Écouen
La tenture de David et Bethsabée est au Musée de la Renaissance ce que La Dame à la licorne est au Musée du Moyen Âge. Exécutée à Bruxelles vers 1515, elle témoigne de l’excellence de ce centre de production qui s’était fait une habitude de mêler la laine aux précieux effets de la soie et aux éclats de l’or et de l’argent. Les amours du roi David et de Bethsabée et le siège de Rabba ornent, sur 75 m de long et 4 m de haut, la Grande galerie du château d’Anne de Montmorency. Un ensemble exceptionnel qui ne doit pas éclipser d’autres tentures bruxelloises tout aussi prestigieuses, telles que Fructus Belli (1546) et L’histoire de Phaëton (milieu du XVIe siècle).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°46 du 24 octobre 1997, avec le titre suivant : Où voir des tapisseries ? : expositions et musées

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