Art contemporain

Opération séduction

Après l’annulation d’Art Paris Abou Dhabi, l’émirat lance sa propre foire sur place

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2009 - 709 mots

ABOU DHABI - Qu’un État entreprenne de grands chantiers muséaux est dans la logique des choses. Il est en revanche rare qu’un gouvernement se pique d’organiser une foire commerciale.

Après le projet pharaonique de l’île de Saadiyat, l’émirat d’Abou Dhabi lance un événement baptisé « Abu Dhabi Art ». Confusion des genres ? « Il s’agit du prolongement de la stratégie culturelle mise en œuvre par l’émirat », affirme Rita Aoun-Abdo, conseillère art et culture auprès du Tourism Development & Investment Company (TDIC). Et d’ajouter : « Nous proposons un moment de débat. »
Annoncé l’été dernier tout de suite après l’annulation d’Art Paris Abou Dhabi (lire le JdA n° 306, 26 juin 2009), ce nouveau salon fait maison a, contre toute attente, rallié quelques poids lourds comme Gagosian (New York, Los Angeles, Londres), Hauser & Wirth (Zurich, Londres, New York) et Eva Presenhuber (Zurich). Fort de ses relations privilégiées avec le TDIC, notamment dans le cadre de commandes passées à Anselm Kiefer pour le Guggenheim d’Abou Dhabi, Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) est aussi du voyage. L’arrivée des pointures internationales a fini de convaincre certaines galeries françaises. « Dans quel autre petit salon pourrais-je côtoyer Gagosian et White Cube ? », s’interroge Georges-Philippe Vallois (Paris), qui prévoit de montrer Gilles Barbier, Keith Tyson et Richard Jackson. Jérôme de Noirmont (Paris) tient le même raisonnement : « Il y a un côté rêve ou mirage, mais il existe aussi un court et un moyen terme. J’y vois plus d’avenir qu’en Chine, uniquement intéressée par ses artistes. » Le galeriste, qui possède déjà des clients au Qatar et à Dubaï, viendra avec des pièces de Shirin Neshat – un atout de taille –, de Fabrice Hyber et Valérie Belin, ainsi qu’avec un gigantesque gorille de David Mach.

Garanties d’achat ?
Le salon a aussi pioché auprès d’anciens exposants d’Art Paris Abou Dhabi en invitant Patrice Trigano (Paris), Gmurzynska (Zurich), Caprice Horn (Berlin) qui participe simultanément à Paris Photo (lire p. 18), ou encore The Third Line (Dubaï). « Nous n’aurions pas refait Art Paris Abou Dhabi si la foire avait continué, précise Claudia Cellini, codirectrice de The Third Line. Le programme autour du salon était pauvre. Cela prenait un tour étrange, l’organisation était maladroite. » Tout ce beau monde aurait-il reçu des garanties d’achat de la part de l’émirat au profit des musées en construction ? « Il n’y a aucune garantie, assure Rita Aoun-Abdo. Les galeries ont été approchées comme pour n’importe quelle foire et ont répondu avec les procédures habituelles. » Sauf qu’il est rare qu’une foire se tienne dans une ville où il n’y a qu’un seul acheteur, la famille royale. Et l’on sait bien que, si les têtes d’affiche ne vendent pas cette année, elles risquent de ne pas revenir. Art Dubaï en a fait les frais en perdant la galerie White Cube (Londres), absente en mars dernier faute d’avoir tiré son épingle du jeu la fois précédente.
Débordant du cadre purement commercial, la manifestation foisonne en expositions comme « Disorientation II » par Jack Persekian, directeur de la Biennale de Sharjah aux Émirats arabes unis, ou « Signature » sous le commissariat d’Anne Baldassari, directrice du Musée Picasso à Paris. Étrangement, l’accent est aussi mis sur le design avec des ateliers de création en direct et des forums sur le sujet. On n’imagine toutefois pas le public local prêt à foncer sur les pièces de Jean Prouvé ou Marc Newson. Il suffirait de voir les intérieurs photographiés par l’artiste de Dubaï, Lamya Gargash, pour s’en convaincre. « L’idée est de mieux étudier l’audience et le marché, et voir si, dans quatre ou cinq ans, nous pourrions avoir une foire d’art moderne, contemporain et de design », indique Sami Al Masri, directeur adjoint de l’Abu Dhabi Authority for Culture & Heritage (ADACH). Seule galerie de design participant au salon, Patrick Seguin (Paris) déroge d’ailleurs à sa présentation habituelle de meubles. « Le challenge n’est pas de montrer du mobilier, mais, dans cette ville dédiée à l’architecture, de vrais projets architecturaux », déclare-t-il. Il déploiera ainsi des photos, maquettes et films documentant trois maisons de Jean Prouvé, dans l’espoir avoué d’en céder une, ou plusieurs, à l’émirat.

ABU DHABI ART, 19-22 novembre, Emirates Palace, Abou Dhabi, www.abudhabiartfair.ae, tlj 16h-22h

ABU DHABI ART
Organisation : Tourism Development & Investment Company (TDIC) et Abu Dhabi Authority for Culture & Heritage (ADACH)
Nombre d’exposants : 50
Tarif du stand : 650 dollars (434 euros) le mètre carré

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°313 du 13 novembre 2009, avec le titre suivant : Opération séduction

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