Singapour - Foire & Salon

ART SG

Magnus Renfrew : « Singapour, hub naturel de l'indopacifique »

Cofondateur de la foire « ART SG »

SINGAPOUR

À la veille du lancement d’« Art SG » (du 12 au 15 janvier 2023), l’entrepreneur britannique revient sur les récentes évolutions du marché de l’art en Asie.

Magnus Renfrew. © ART SG
Magnus Renfrew.
© ART SG

Pays. Cofondateur de la nouvelle foire « Art SG », Magnus Renfrew est un acteur incontournable du développement du marché de l’art asiatique au cours des quinze dernières années. À la tête de The Art Assembly, groupe gérant six foires implantées sur toute la région indopacifique, de New Delhi à Sydney, il s’est d’abord formé chez Bonhams de 1999 à 2006, avant de partir à Shanghaï pour collaborer avec la galerie Pearl Lam. C’est à Hongkong qu’il fonde ensuite Art HK, foire inaugurée en 2008 qui deviendra l’actuelle Art Basel Hongkong après le rachat par le groupe MCH, en 2012. Il dirige la foire jusqu’en 2014 avant de revenir chez Bonhams, à Hongkong, pour deux ans. Depuis, Magnus Renfrew a créé Taipei Dangdai, foire d’art contemporain lancée en 2019 sur l’île de Taïwan. À quelques jours du vernissage d’« Art SG » prévu le 11 janvier et rassemblant plus de cent cinquante galeries venues d’une trentaine de pays, il partage avec Le Journal des Arts sa vision du marché.

En 2017, vous avez publié Uncharted Territory: Culture and Commerce in Hongkong’s Art World, ouvrage revenant sur l’ascension de Hongkong dans le marché de l’art. Qu’en est-il cinq ans après ?

Il est difficile de statuer sur Hongkong dans le contexte actuel, encore très marqué par la pandémie et les changements politiques. Toutefois, Hongkong a toujours su se réinventer. Même si la ville traverse indéniablement une période de transition, il ne faut pas sous-estimer son potentiel pour autant. Alors que certains Hongkongais ont choisi de quitter la région, d’autres anticipent de nouvelles opportunités. En outre, les maisons de ventes y poursuivent leur croissance tout en intensifiant leurs investissements immobiliers sur place.

Cette phase de transition de Hongkong ne laisse-t-elle pas plus d’espace à d’autres pays en Asie ?

À cet égard, je mets Taïwan et la Corée du Sud sur un pied d’égalité. Ces deux marchés comptent parmi les plus anciens et les plus actifs concernant l’engagement avec l’art contemporain au-delà de l’Asie. Les collectionneurs taïwanais et sud-coréens continuent d’acheter au plus haut niveau. Les trois autres plateformes naturelles du marché asiatique sont Hongkong, Shanghaï et Singapour. Compte tenu des défis auxquels Hongkong et Shanghaï doivent faire face actuellement, Singapour a un rôle à jouer en tant que plaque tournante pour l’Asie du Sud-Est. Les foires d’art ont tendance à mieux se développer dans des hubs naturels en fonction de leur zone de chalandise propre.

Quels sont les atouts de Singapour pour assurer le succès d’« Art SG » ?

J’ai observé un basculement de l’Asie Pacifique vers l’Indopacifique au cours des cinq dernières années. Or Singapour est de fait le hub naturel de la région indopacifique. Il y a là une réelle opportunité pour Singapour d’être le point de rencontre de toute la région, de l’Inde à l’Australie, tout en reliant l’Asie du Nord à l’Asie du Sud. Singapour est également le seul endroit en Asie qui peut être considéré comme un territoire à la fois neutre et multiculturel. Tout le monde s’y sent à l’aise. Le chinois y est couramment parlé, tout comme l’anglais. Malgré le vieil adage présentant Hongkong comme le point de rencontre entre l’Est et l’Ouest, je pense que Singapour offre un point de vue élargi à 360 degrés en termes de « connectivité ». En outre, Singapour attire d’importants flux de capitaux en provenance des grandes fortunes asiatiques, chinoises et indonésiennes notamment. Ainsi, le nombre de family offices [bureau de gestion de patrimoine] a plus que doublé au cours des dix-huit derniers mois. Or le niveau stratégique d’actifs pour de telles structures financières se situe autour de 100 millions de dollars…

Comment analysez-vous rétrospectivement l’échec d’Art Stage Singapore, dont l’édition de 2019 fut annulée à la dernière minute ?

Il y avait un problème de timing. Lancée en 2011, la concurrence s’était fortement intensifiée au cours des années 2010, en particulier du fait de l’ascension de Hongkong. Ce fut d’ailleurs mon rôle à la tête d’Art HK : assurer la montée en puissance de la foire hongkongaise en passant de cent cinquante à plus de deux cent cinquante galeries entre 2010 et 2011. En outre, Singapour apparaissait encore trop au sud à l’époque. Par la suite, Art Stage Singapore s’est en quelque sorte autodétruite, laissant une image dégradée du marché de l’art à Singapour que nous avons dû reconstruire pour aboutir au consensus actuel.

Quels sont les facteurs de succès d’une foire d’art ?

Pour l’ensemble de nos foires, les trois valeurs clés sont la qualité, la diversité géographique et l’accessibilité. Nous avons ainsi misé sur la représentativité afin de nous différencier à l’échelle internationale avec 50 % des galeries d’Art SG venant d’Asie. Notre ambition est d’élargir le public des œuvres non occidentales. L’Occident n’est qu’une partie du monde et les autres voix méritent d’être entendues et prises au sérieux. À cet égard, j’ai été assez surpris de voir aussi peu de galeries asiatiques à la foire Frieze Seoul (du 2 au 5 septembre 2022). Ce n’est pas ma vision des choses. C’est le plus grand lancement de foire d’art en Asie depuis une décennie et l’un des plus grands lancements de tous les temps avec Frieze New York en 2012.

Outre l’origine géographique des galeries, prenez-vous en compte la diversité des artistes que vous exposez ?

Nous n’avons pas de quotas d’artistes, mais nous prenons en compte la pondération en termes de mètres carrés, car les galeries asiatiques ont généralement des stands plus petits que les galeries occidentales. En complément, les différents secteurs de la foire obéissent à des critères différents pour une meilleure représentativité. La section « Futures », consacrée aux galeries de moins de six ans, rassemble une dizaine de galeries essentiellement asiatiques. Et nous subventionnons le coût de ces stands avec un rabais de l’ordre de 25 %.

Bénéficiez-vous du soutien financier du gouvernement de Singapour comme Art Stage auparavant ?

Le Singapore Tourism Board et le Singapore Economic Development Board ont apporté leur soutien à plusieurs niveaux. Outre leur soutien financier, ils ont été de précieux partenaires dans le développement marketing et promotionnel d’« Art SG ». La gestation de la foire a été plutôt longue [son lancement a été plusieurs fois retardé], mais nous avons bénéficié d’un soutien sans faille de leur part tout au long du processus.

Sommes-nous désormais à l’abri d’une nouvelle « fair fatigue » ?

Ceux qui pensent qu’il y a trop de foires d’art sont souvent occidentaux. L’Asie du Sud-Est est composée de 675 millions d’habitants et rassemble plusieurs économies dont la croissance est la plus forte au monde. Avec un territoire équivalent à celui de l’Europe, la région a véritablement besoin d’une foire d’art à la hauteur.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : Magnus Renfrew, cofondateur de la foire « ART SG » : « Singapour est de fait le hub naturel de la région indopacifique »

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