Machine à remonter le temps

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2010 - 558 mots

Organisée du 5 au 7 novembre, la foire Artissima rafraîchit les mémoires en accueillant à bras ouverts des pointures du passé.

TURIN - Ça bouge à Artissima, la foire d’art contemporain de Turin. Changement de tête tout d’abord, avec le départ d’Andrea Bellini, remplacé par  le curateur Francesco Manacorda. Changement d’ambiance aussi dans une Italie touchée par la rigueur. « Les subventions s’effritent, reconnaît le nouveau directeur. J’ai eu 20 % de baisse budgétaire. » Une réduction a priori sans incidence sur la qualité de la foire. Crise ou non, les affaires ont toujours été ardues sur le salon. « C’est la difficulté d’arriver [en termes de dates] après toutes les autres foires d’octobre, et juste avant Art Basel Miami Beach, poursuit Francesco Manacorda. Mais les exposants ont intégré la difficulté commerciale du salon, en considérant plutôt sa spécificité curatoriale. Vous pouvez ne pas vendre votre stand, tout en ayant des curateurs de renom qui regardent le travail de vos artistes. »

De fait, malgré la diminution depuis l’an dernier du contingent américain, l’événement accueille de nouveaux participants parisiens. La galerie In : Situ (Paris) fait son entrée avec des œuvres notamment de Patrick Tosani, Damien Deroubaix et Gary Hill, artiste dont elle a vendu récemment une pièce importante à une grande collection transalpine. Ce sont bien les collectionneurs très pointus de la Botte que Nelson-Freeman (Paris) espère toucher avec des pièces de David Adamo, Éric Poitevin et Robert Filliou. D’autres défendent leurs plus jeunes artistes ou leurs nouvelles recrues via le secteur « New Entries ». Kamel Mennour (Paris) y présentera Lili Reynaud-Dewar, tandis que Chantal Crousel (Paris) concrétise sa nouvelle collaboration avec l’artiste Clément Rodzielski. Denis Gaudel (Gaudel de Stampa, Paris) prévoit pour sa part un accrochage de groupe mêlant notamment Matthieu Laurette et Ida Ekblad.

Malgré la prime à la jeunesse, Artissima n’est pas oublieux du passé. Dans le sillage des « Hidden Treasures » lancés par la foire Art Cologne en 2006, le salon italien exhume des artistes essentiels mais oubliés, via une section baptisée « Back to the future ». Un libellé aux relents archéologiques, proche du postulat de l’exposition « Les promesses du passé » [d’ avril à juillet 2010] au Centre Pompidou. « La machine du temps relie des productions qui auraient pu parfaitement être simultanées, observe Francesco Manacorda. Il existe une correspondance entre ce qui est produit aujourd’hui et ce qui le fut dans les années 1960-1970. » Dans la foulée du one-man show orchestré sur la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), Dominique Fiat (Paris) remet en selle l’œuvre de Noël Dolla. « Noël a commencé sa carrière avec des galeries importantes en Italie dans les années 1970, et il a alors intégré de grandes collections. C’est une belle occasion d’y montrer à nouveau les œuvres de cette époque », précise-t-elle. De son côté, Patricia Dorfmann (Paris) remet à l’honneur un pionnier de l’art corporel, Michel Journiac. gb agency (Paris) a en revanche préféré orchestrer une monographie du jeune Mark Geffriaud dans le secteur général. Car le revival peut aussi devenir un système, voire un tic…

ARTISSIMA

5-7 novembre, Lingotto Fiere, Via Nizza 294, Turin, tél. 39 011 6644111, www.artissima.it, tlj 12h-20h.

- Direction : Francesco Manacorda
- Nombre d’exposants : 153
- Tarif des stands : 220 euros le mètre carré
- Nombre de visiteurs en 2009 : 45 000

Le retour en grâce de Gil J. Wolman

En écho à l’exposition organisée jusqu’au 9 janvier 2011 au Musée d’art contemporain de Barcelone (Macba), et dans la foulée de celle visible jusqu’au 13 novembre dans leur galerie à Paris, Liliane et Youri Vinci proposent un solo show de Gil Joseph Wolman dans la section « Back to the future » d’Artissima. « Tout reste à faire en Italie, estime Youri Vinci. Si Raymond Hains ou Ben y sont connus, ce n’est pas le cas de Wolman. » Maniant aussi bien la poésie, la peinture que le cinéma, cet artiste d’avant-garde réalisera en 1951 un film révolutionnaire, l’Anticoncept, avant de fonder en 1952 avec Guy Debord l’Internationale lettriste. Exclu de ce mouvement en 1957, Wolman fera rapidement cavalier seul. Avec l’« Art Scotch », commencé en 1964, il arrache des bandes d’imprimés à l’aide de rubans adhésifs avant de les reporter sur différents supports. Cette œuvre subtile teintée d’humour n’a pas toujours été prise au sérieux. « Il n’était pas incompris, mais d’après la presse de l’époque, il passait pour un original peu convaincant mais avec de bonnes idées. Il aura fallu deux générations pour que son travail commence à être considéré », souligne l’agent français Lionel Spiess (Seconde modernité), ardent promoteur de l’œuvre de Wolman.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°333 du 22 octobre 2010, avec le titre suivant : Machine à remonter le temps

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