Livres et manuscrits surréalistes

Par Armelle Malvoisin · L'ŒIL

Le 25 mars 2008 - 1087 mots

Mouvement avant tout littéraire, le surréalisme se démarque par ses écrits qui, dopés par leurs illustrations, comptent parmi les plus recherchés en bibliophilie.

Mouvement majeur de l’histoire de l’art, le surréalisme a bouleversé tous les domaines de création au XXe siècle, que ce soit dans les productions littéraires avec l’écriture automatique et les cadavres exquis (procédé d’écriture mêlant plusieurs auteurs) ou dans les arts plastiques, de la peinture à la photographie en passant par le collage. Et parce que les plus talentueux artistes de leur temps (Picasso, Miró, Dalí, Man Ray…) ont illustré les plus grands poètes de l’époque (Breton, Éluard, Tzara, Perret…), il reste un des domaines les plus prisés en bibliophilie. Le surréalisme réunit une constellation de noms. Il y en a pour tous les goûts : du surréalisme le plus courtois au plus subversif, jusqu’à la pornographie.
Les grands collectionneurs de surréalisme, Paul Destribats et Daniel Filipacchi, possèdent à eux deux un véritable trésor de bibliothèque. Outre les grandes œuvres littéraires et poétiques du surréalisme en édition originale, la bibliothèque surréaliste idéale inclut aussi les pères du mouvement Dada qui les ont précédés. Citons Champs magnétiques d’André Breton et Philippe Soupault (1920), ou encore le recueil mythique de Vingt-cinq poèmes de Tristan Tzara illustrés par Hans Arp (1918).

Privilégier les tirages de luxe et les envois autographes
« On s’inscrit dans un marché où les images coûtent plus cher que les textes », note Thomas Bombard, spécialiste de Sotheby’s. Aussi, les ouvrages illustrés par Magritte, Delvaux, Tanguy ou Giacometti, plus rares que ceux enrichis par le coup de crayon de Picasso, atteignent des sommes importantes.
Les amateurs privilégient des exemplaires à petit tirage de luxe, sur de grands papiers (japon, chine ou hollande), et les livres brochés tels qu’ils étaient à l’origine et en très bon état. À moins de découvrir une incroyable reliure d’inspiration surréaliste, de préférence d’époque. Par exemple, les reliures de Paul Bonnet ou Gonon qui ont travaillé avec les surréalistes. La cerise sur le gâteau étant une belle provenance doublée d’un envoi autographe. Unique et donc précieux.

Un « monument » surréaliste
Le manuscrit autographe, la pièce unique, tel est le rêve de possession de tout grand bibliophile. À l’exemple du seul manuscrit connu du Manifeste du surréalisme, écrit en 1924, qui définit « une fois pour toutes » l’inspiration et la philosophie du groupe surréaliste. André Breton l’a offert à Simone Collinet, sa première femme. Ce texte fondateur qui devait à l’origine servir de préface à la publication des textes automatiques de Breton sous le titre Poisson soluble, avait été présenté au public en 2002 par le Centre Pompidou lors de l’exposition « La Révolution surréaliste ». Il est aujourd’hui offert aux enchères, au plus offrant. À moins qu’il ne soit préempté par l’État.

Manifeste du surréalisme, André Breton, 1924, manuscrit, 21 pages. Provenance : collection Simone Collinet.
Estimé 300 000 à 500 000 euros, le 21 mai 2008, Paris, Sotheby’s.

La Poupée de Bellmer
Les photographies de La Poupée, créée en 1934 par Hans Bellmer, séduisent les surréalistes à Paris qui les publient dans Minotaure. Dès lors, l’artiste allemand devient membre du surréalisme.
Cette maquette confectionnée par Bellmer en vue de la réalisation de la suite de La Poupée (1934-1936) verra le jour sous le nom Les Jeux de la poupée en 1949. Elle fut adressée au relieur
Georges Hugnet pour en faire des « livres-objets ». Il existe une autre maquette de Bellmer pour l’édition de Cahiers d’Art, achevée en 1938-1939 et conservée dans les collections du Musée national d’art moderne de Paris ; il s’agit d’un exemplaire daté de 1935, adressé à Paul Éluard, ne comportant que des tirages en noir et blanc et non relié par Hugnet ainsi qu’une autre maquette en main privée, reliée par Hugnet mais avec une reliure très différente.

La Poupée 2, Hans Bellmer, maquette originale (1936), in-16° (120 x 81 mm). Comprend 8 photographies originales en couleurs et 6 photographies originales en noir et blanc. Reliure signée de Georges Hugnet et réalisée par Louis Christy (vers 1936-1937) en maroquin noir encadrant une « vitrine reliquaire » sur chaque plat. Provenance : bibliothèque Daniel Filipacchi.
Adjugé 120 000 euros, le 21 octobre 2005, Paris, Christie’s.

La recette d’un beau livre
Ce livre comporte tous les ingrédients qui peuvent le rendre désirable aux yeux des bibliophiles. Cela tient en premier lieu à l’association magique de la poésie de Benjamin Péret et des dessins d’Yves Tanguy, artiste d’une grande force onirique qui a peu illustré. Il s’agit d’un ouvrage rare, soit un des dix exemplaires sur grand papier (japon impérial) signés de l’auteur et de l’illustrateur. Plusieurs dessins sont rehaussés à la gouache blanche et de couleurs par Tanguy. De plus, cet exemplaire est dans un état de conservation impeccable, une qualité chère aux collectionneurs. Il est habillé d’une belle reliure de Georges Leroux : veau brun marbré et flammé, plats parcourus de failles verticales irrégulières sur fond de veau bronze, îlots de veau caramel mouchetés de brun, dos mosaïqué de veau bronze.

Dormir dans les pierres,
Benjamin Péret, dessins d’Yves Tanguy, Paris, éditions Surréalistes, 1927, in-8°, reliure de Georges Leroux (1993).
Adjugé 37 300 euros, le 31 mai 2007, Paris, maison de ventes Renaud-Giquello.

Le roman-collage
À partir de 1919, Max Ernst expérimente le collage d’éléments hétéroclites assemblés pour former une seule image. Il réalise en 1922 un premier livre, Les Malheurs des immortelles, sur un texte de Paul Éluard. En 1929 paraît La Femme 100 têtes, un recueil de 150 collages accompagnés d’un texte écrit par Ernst. Mais la plus célèbre de ses publications reste Une semaine de bonté ou les Sept Éléments capitaux, un livre créé en trois semaines. Composé de sept parties représentant les sept jours de la semaine, ce roman est illustré d’environ 200 collages reproduits en pleine page.

Une semaine de bonté ou les Sept Éléments capitaux,
Max Ernst, Paris, Jeanne Bucher, 1934, cinq fascicules in-4° brochés.
Exemplaire numéroté sur papier Navarre, avec le même numéro pour les cinq parties.
Prix : 3 200 euros, galerie-librairie Saphir, Paris.
 

Salon du livre ancien et moderne

Le SLAM, Grand Palais, avenue Winston-Churchill, Paris VIIIe, tél. 01 43 29 46 38, www.salondulivreancienparis.fr Le Grand Palais accueille la 20e édition du Salon international du livre ancien et moderne du 17 avril au 20 avril 2008. Cet événement est l’occasion pour le grand public de découvrir des trésors de bibliophilie d’une extrême diversité, du manuscrit enluminé au manifeste d’avant-garde. Un cycle de conférences faisant intervenir divers personnalités du monde du livre : restaurateurs, collectionneurs et universitaires ainsi que de petites expositions satellites viennent enrichir encore un peu plus l’événement.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°601 du 1 avril 2008, avec le titre suivant : Livres et manuscrits surréalistes

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