New York

Les ventes d’art contemporain se déchaînent

Emmenées par Christie’s qui surclasse largement Sotheby’s, les seules ventes du soir ont pulvérisé tous les records avec plus d’1,2 milliard de dollars d’adjudications

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 21 mai 2014 - 811 mots

Les ventes d’art impressionniste, moderne et contemporain ont dépassé la barre des deux milliards de dollars en mai à New York. Christie’s devance largement Sotheby’s, notamment pour les œuvres d’après-guerre. Barnett Newman a établi un record personnel avec un tableau adjugé 84 millions de dollars. Bulle spéculative ou mécanisme normal du marché ?

NEW YORK - À elles deux, Christie’s et Sotheby’s réalisent le plus gros score de tous les temps pour une vacation d’art contemporain avec des montants étourdissants. La stratégie agressive de Christie’s et la présence massive d’acheteurs asiatiques à haut pouvoir d’achat et désireux de posséder des œuvres facilement reconnaissables, expliquent une telle performance. La maison de François Pinault obtient un produit global jamais atteint de 745 millions de dollars pour sa vente du soir du 13 mai (879 millions si l’on totalise la vente du soir de la veille), un montant jamais atteint jusqu’alors en ventes aux enchères, deux fois plus haut que Sotheby’s. À quand une vacation à 1 milliard de dollars ? Au train où vont les choses, cela ne saurait tarder. « Les œuvres d’art contemporain de haut niveau sont encore disponibles, alors les collectionneurs veulent en profiter avant qu’elles ne soient toutes dans les musées. Ils sont prêts à y mettre le prix », indique Stefano Moreni, à la tête du département d’art contemporain de Sotheby’s France, qui tente d’expliquer l’envolée des prix.

Sur les 72 lots proposés, 68 ont trouvé preneurs, soit 94 % des lots vendus, contre 85 % chez Sotheby’s. Le lot qui domine la soirée, est un tableau de Barnett Newman, Black Fire I (1961), adjugé 84 millions de dollars (1) pour une estimation autour de 50 millions de dollars. C’est un record mondial pour l’artiste. Et alors que de nombreux vendeurs exigent maintenant une garantie pour les lots importants, celui-ci ne l’était pas. Three studies for a portrait of John Edwards, de Francis Bacon, annoncé autour de 80 millions de dollars n’a cependant pas dépassé son estimation et a été emporté par un collectionneur asiatique pour 80,8 millions de dollars. Une adjudication qui ne concurrence pas le précédent record obtenu avec Three studies of Lucian Freud, 142,4 millions de dollars établi par Christie’s en novembre 2013 à New York. Lucian Freud est manifestement un personnage plus accrocheur que John Edwards, compagnon et confident du peintre. Quant à Andy Warhol, il reste loin derrière son record de 105 millions de dollars établi chez Sotheby’s en novembre dernier à New York avec Silver car crash (Double disaster) puisque Race Riot, de 1964, acheté par Larry Gagosian (estimé autour de 50 millions de dollars) et White Marilyn, peint en 1962 (est. 12 à 18 millions de dollars), qui double quand même son estimation haute, se sont vendus respectivement à 62,8 et 41 millions de dollars.

Sotheby’s loin derrière
Sotheby’s, trop gourmande, est à la peine. Avec 364,3 millions de dollars récoltés, elle ne réussit pas à dépasser son estimation haute fixée à 474 millions. Si les premiers lots issus de la collection Adam Sender se sont bien vendus, plusieurs œuvres sont restées sur le carreau, comme Untitled de Willem de Kooning (est. 18 à 25 millions de dollars). Pour le reste, les prix n’ont pas dépassé les limites qui leur avaient été fixées. Six self portraits d’Andy Warhol a été adjugé 30,1 millions de dollars (est. 25 à 35 millions de dollars), à des années-lumière des 57 000 dollars déboursés en 1986 par le vendeur à la galerie Anthony d’Offay à Londres. Gerhard Richter arrive en seconde position avec Blau (1988), emporté à 28,7 millions de dollars sur une estimation de 25 à 35 millions. Koons vend son Popeye, estimé plus de 20 millions de dollars, pour 28,1 millions de dollars. C’est Steve Wynn, l’entrepreneur américain de casinos, qui en est son nouveau propriétaire. Fabriquée en trois exemplaires, cette figure du célèbre héros de dessin animé était présentée pour la première fois sur le marché. Elle reste cependant loin derrière le record de l’artiste pop – également le meilleur score aux enchères pour un artiste vivant – établi à 58 millions de dollars avec Balloon dog (orange) chez Christie’s New York en novembre 2013. Un polyptique de Jean-Michel Basquiat, Undiscovered genius of the Mississippi Delta (1983), estimé à plus de 20 millions de dollars, a été acquis 23,6 millions de dollars par un collectionneur européen.

L’histoire dira ce qu’il adviendra de ces prix en dehors de toutes considérations artistiques.

Note

(1) Toutes les estimations sont hors frais et les adjudications avec frais.

Sotheby’s, le 14 mai
Estimation : 366 à 474 millions de dollars
Résultat : 364,3 millions de dollars (266 millions d’euros)
Nombre de lots vendus : 67/79
Lots vendus : 87 %


Christie’s, le 13 mai
Estimation : 500 millions de dollars
Résultat : 744,9 millions de dollars (543 millions d’euros)
Nombre de lots vendus : 68/72
Lots vendus : 94 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°414 du 23 mai 2014, avec le titre suivant : Les ventes d’art contemporain se déchaînent

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