Les ventes d’art ancien à Londres dopées par Rubens

Même s’ils boudent les pièces moyennes, les amateurs sont toujours prêts à mettre le prix pour les œuvres exceptionnelles

Le Journal des Arts

Le 13 septembre 2002 - 870 mots

Les ventes estivales de peintures anciennes à Londres ont été marquées par le prix vertigineux atteint par le Massacre des Innocents de Rubens, 49,5 millions de livres sterling, soit 77,6 millions d’euros. Mais à côté de ce résultat spectaculaire, un grand nombre d’œuvres n’ont pas trouvé preneur.

LONDRES - Le Massacre des Innocents de Peter Paul Rubens a marqué l’histoire des ventes aux enchères d’une pierre blanche en étant vendu le 10 juillet par Sotheby’s, à Londres,  au Lord Thomson of Fleet pour la somme impressionnante de 49,5 millions de livres sterling (77,6 millions d’euros). L’air était étouffant dans une salle comble où toute la communauté internationale de l’art s’était donné rendez-vous pour assister à l’événement. La mise a bondi de 3,8 à 6 millions de livres sterling (6 à 9,5 millions d’euros) en une fois pour s’élever par la suite d’un million à chaque enchère. Huit personnes au moins étaient intéressées, quatre présentes dans la salle et quatre autres par téléphone. Certaines d’entre elles n’ont manifestement même pas pu émettre d’offre. La barre des 25 millions de livres sterling (39,7 millions d’euros) franchie, cinq offrants étaient toujours en lice. Au coup de marteau final, l’œuvre a été adjugée au marchand londonien Sam Fogg pour le compte du magnat de la presse canadien Lord Thomson. Une salve d’applaudissements a retenti et une foule de journalistes affolés s’est pressée à l’entrée tandis qu’Henry Wyndham, heureux, essayait de calmer la salle. Réalisée entre 1609 et 1611, peu de temps après le retour de Rubens de son voyage en Italie, la peinture sur panneau est splendide malgré un sujet difficile, et son état, excellent et authentique. Quelques mois auparavant, la peinture qui a été la propriété de la famille Liechtenstein de 1702 à 1920, était encore attribuée à un disciple de Rubens, Jan Van den Hoecke. Elle avait été prêtée à un monastère en Autriche pendant ces vingt dernières années et accrochée sans qu’on ne la remarque dans un couloir, les propriétaires trouvant le sujet particulièrement peu attrayant. Elle n’est sortie de l’ombre que lorsqu’un parent du propriétaire a photographié la peinture pour la montrer chez Sotheby’s à Amsterdam. Le prix reflète combien le marché est prêt à payer pour un chef-d’œuvre absolument authentique et unique. Les nouveaux propriétaires, Lord Thomson of Fleet et son fils David Thomson, président du groupe de presse Thomson, sont d’importants collectionneurs depuis vingt-cinq ans. La richesse de Lord Thomson est estimée à environ 15 milliards d’euros, ce qui le classe au 14e rang des plus grosses fortunes du monde (lire p. 33).

Les ventes de juillet de Christie’s n’avaient rien de comparable à opposer à cette œuvre de Rubens. Leur lot principal était un minuscule panneau de 18 cm de diamètre récemment attribué à Pierre Bruegel l’Ancien. Les peintures du père de la dynastie sont incroyablement rares. Un peu plus d’une cinquantaine d’œuvres sont recensées et deux seulement sont entre les mains de collectionneurs privés, dont l’une n’obtiendra jamais une licence d’exportation de la République tchèque. Le sujet était difficile, L’Ivrogne poussé dans la bauge aux pourceaux et, bien que Pierre Bruegel se distingue du reste de sa famille, cette peinture n’était pas très impressionnante. Elle a été adjugée à son estimation la plus basse, 3 306 650 de livres sterling (5,2 millions d’euros).

Hormis le Rubens, seules quelques œuvres ont dépassé ou égalé leurs plus hautes estimations lors des ventes londoniennes. Le marché des valeurs connaît son plus bas niveau depuis 1997, et l’heure est indéniablement à la prudence, même si le marché des œuvres les plus recherchées, lorsqu’elles sont raisonnablement estimées, se tient jusqu’à présent plutôt bien. Sotheby’s n’a pas réussi à vendre trois Canaletto dont l’estimation était élevée. Deux des œuvres, découvertes dans une ferme anglaise, étaient des vues de Venise réalisées pendant les jeunes années du peintre. Elles étaient dans un état médiocre, car mal rentoilées et dépourvues de l’attrait des œuvres plus tardives de Canaletto. Les enchères n’ont pas atteint leur estimation à 1,2-1,8 million de livres sterling (1,89-2,84 millions d’euros) pour la paire. La troisième, une peinture du Capitole à Rome, était plus tardive, mais il s’agissait d’une composition très architecturale sans intérêt dérivant d’une gravure, surestimée à 2,5/3,35 millions de livres sterling (3,94-5,28 millions d’euros).

Van Goyen n’a eu de succès ni aux ventes de Sotheby’s ni à celles de Christie’s. Les plus recherchées sont ses petites peintures sur panneau. Les tableaux de Sotheby’s et Christie’s étaient de grande taille, très animés et peints sur toile. Le Van Goyen de Christie’s, une Vue de Nimègue par l’ouest, était très surestimé puisqu’il atteignait 700 000-1 million de livres sterling (1,1-1,58 million d’euros), tandis que la Vue de Leyde par le nord de Sotheby’s, estimée plus raisonnablement à 300 000-500 000 de livres sterling (473 000-788 500 euros), n’a pas non plus trouvé preneur.

Résultats

- Peintures de maîtres anciens chez Sotheby’s, Partie I, 10 juillet 2002 Pourcentage de lots vendus 66,27 % Pourcentage en valeur 79,95 % Résultat de la vente 67,58 millions de livres sterling (106,57 ME) - Peintures de maîtres anciens chez Christie’s, Partie I, 10 juillet 2002 Pourcentage de lots vendus 62 % Pourcentage en valeur 74 % Résultat de la vente 14,25 millions de livres sterling (22,47 ME)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°154 du 13 septembre 2002, avec le titre suivant : Les ventes d’art ancien à Londres dopées par Rubens

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