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Les multiples contemporains

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 18 novembre 2015 - 928 mots

Porté par les artistes, le multiple séduit de plus en plus le marché et les collectionneurs. par Marie Zawisza.

Si octobre est à Paris le mois de la Fiac et novembre celui de la photo, décembre pourrait bien devenir celui des multiples. Du 11 au 13 décembre, se tient en effet la deuxième édition du Salon de l’œuvre originale numérotée, alias Soon, tandis que Piasa organise le 2 décembre sa deuxième vente consacrée exclusivement aux éditions limitées, sous l’égide de l’artiste Mathieu Mercier, lui-même collectionneur et fondateur de la Galerie des multiples. Car les foires dédiées et les maisons de ventes accompagnent, – voire suscitent, – un engouement nouveau des collectionneurs pour les éditions signées. Christie’s a ainsi créé à Londres une foire, Multiplied, consacrée aux multiples et Artcurial a ouvert un département spécialisé en 2014. « La production de multiples fait partie intégrante des démarches artistiques modernes et contemporaines, de Marcel Duchamp à Jeff Koons, en passant par Picasso, qui a produit des centaines de céramiques, ou Andy Warhol pour qui l’édition faisait partie du processus même de création… Pourtant, ce n’est que depuis trois ans environ que les éditions signées éveillent réellement l’intérêt des collectionneurs », observe l’experte Isabelle Milsztein, qui assiste Mathieu Mercier dans l’organisation de la prochaine vente consacrée à ce segment de marché chez Piasa.

Plus accessible qu’une œuvre originale unique tout en bénéficiant de l’aura – et de la cote – de l’artiste qui la signe, le multiple séduit désormais les collectionneurs d’art contemporain aguerris, mais aussi les plus jeunes, qui commencent une collection ou entendent décorer leur intérieur. La porosité des univers décloisonnant de plus en plus les domaines de l’art et des arts décoratifs favorise l’essor de ce marché. « Nous voulons rendre les pratiques contemporaines accessibles au plus grand nombre. Pour cela, nous proposons à des artistes de réaliser des objets fonctionnels, mais qui sortent du design, et réduisons au maximum les prix, fonction du coût de fabrication et du nombre d’exemplaires édités plus que de la cote de l’artiste. Et nous avons été stupéfaits de la réponse des collectionneurs depuis l’ouverture de notre galerie en mai 2015 : début octobre, nous avions déjà vendu la moitié des objets produits », confie Anna Klossowski, cofondatrice de We Do Not Work Alone, qui présente à Soon des œuvres originales, numérotées ou non, entre 30 et 360 euros.

Et pourquoi pas une installation de Filliou ?
Si le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci est inaccessible, cette installation dont la pancarte indique que « La Joconde est dans les escaliers » l’est beaucoup moins ! L’œuvre a été conçue en 1965 par Robert Filliou, proche du mouvement Fluxus, dans le cadre de l’exposition
« La fête à la Joconde » à la galerie Mathias Fels. Son but : tourner en dérision le mythe de la Joconde. Éditée à 200 exemplaires en 1969, signée par l’artiste et estimée entre 2 500 et 3 500 €, la pancarte a suscité une bataille d’enchères chez Piasa.
Robert Filliou, La Joconde est dans les escaliers / Bin in zehn Minuten Zurück. Mona Lisa, 1969, pancarte, pastel gras au recto et verso, ficelle. Destinée à être installée avec un balai-brosse, un seau et une serpillière. Signée et numérotée 14/200 en bas. Édition Tangente, Heidelberg.
Vendue 14 306 €, 29 avril 2015, Piasa, Paris.



Spéculer avec Koons
Cette assiette Blue Balloon Dog éditée à 2 300 exemplaires, estimée entre 5 000 et 7 000 € par Artcurial, s’est vendue en mai 2014… 23 400 €. En 2007, la même pièce – la première édition avait été réalisée pour la boutique du Museum of Contemporary Art (Moca) de Los Angeles ! – était vendue, toujours chez Artcurial, 2 600 €. « Paradoxalement, plus elle prend de la valeur, plus elle intéresse les collectionneurs, qui lui trouvaient moins d’intérêt quand elle était estimée 1 500 € », observe l’expert Arnaud Oliveux.
Jeff Koons, Blue Balloon Dog, 2002, porcelaine métallisée. Vendue 23 400 €, le 20 mai 2007, Artcurial, Paris.

Faire le buzz avec Mercier
Des gants en coton blanc sérigraphiés « LOVE » et « HATE », en allusion aux tatouages portés par Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur : c’est l’idée de Mathieu Mercier et de la toute jeune galerie We Do Not Work Alone pour faire le buzz à la Fiac et à Officielle. Ces gants de manutention, édités dans un premier temps à 600 exemplaires, ont en effet été offerts aux exposants et vendus au cours du montage. Une façon amusante de s’imposer sur la scène artistique avant Soon !
Mathieu Mercier, Gants (Love & Hate), 2015, gants en coton, impression transfert. Édition We Do Not Work Alone. Photo : Claire Israel.Prix : Environ 8 €, We Do Not Work Alone, Paris.

Une édition d’Othoniel…
Une petite étoile de verre, épinglée dans un écrin, avec une petite cordelette, écho d’un objet du poète Raymond Roussel qui lui avait été offert par l’astronome Camille Flammarion… Signée par Jean-Michel Othoniel, elle accompagne le livre-objet Locus Solus, dans lequel l’artiste a revisité le texte de son poète fétiche. « Nous tenons à ce que nos prix restent abordables… Ainsi, cette édition est moins onéreuse qu’une lithographie d’Othoniel, qui se négocie généralement à plus de 2 500 € », explique Grégoire Robinne, directeur des éditions Dilecta, créées en 2005 pour publier des livres rares, puis éditer des livres d’artistes, parfois accompagnés d’éditions de multiples qui les prolongent.
750 € pour un des 90 exemplaires de Locus Solus signés par Othoniel. Et 1 300 € pour un des 45 exemplaires accompagnés de l’étoile de verre. Éditions Dilecta, Paris. 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : Les multiples contemporains

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