Analyse

Les bonheurs du marché de l’art contemporain

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 5 novembre 2004 - 556 mots

Après Frieze à Londres et la FIAC à Paris, les ventes d’art contemporain de New York dévoilent leurs lots d’œuvres signées par les chouchous du marché.

En matière de marché, tout est question de consensus ou d’hallucination collective. Frieze Art Fair est trendy et la FIAC provinciale. Voici un lieu commun que personne n’est prêt à désavouer. Pas plus qu’on n’ose dire que la Foire de Bâle n’était pas belle en juin dernier, ou pas assez belle si l’on songe à ses standards élevés de qualité. Pour l’instant, la doxa impose ses règles, ses œillères et ses prix, surtout dans l’art contemporain. Grâce à cette folie généralisée, la dispersion du restaurant Pharmacy a défrayé la chronique en totalisant 11,1 millions de livres sterling (16,1 millions d’euros) chez Sotheby’s à Londres le 18 octobre. Pourtant, certaines œuvres avaient été refaites de toutes pièces par Damien Hirst pour la vente. Les amateurs de reliques sont habituellement plus chatouilleux sur la provenance...
Le consensus siège en maître dans les ventes nocturnes d’art contemporain de New York qui affichent des prévisions de 79,6 à 106 millions de dollars (62,9 à 83,4 millions d’euros) pour Sotheby’s le 9 novembre et 68 à 94 millions de dollars pour Christie’s le lendemain. On retrouve le bréviaire des noms consacrés à grand potentiel spéculatif, de Jeff Koons à Maurizio Cattelan, les revivals comme Keith Haring et Lee Bontecou, les stars en devenir à l’image de Marlene Dumas, le tout sur fond de grosse artillerie postwar, du pop art à l’art minimal. Dans un contexte d’euphorie générale où le marché contemporain vit dans une bulle d’amphétamine ou d’adrénaline, au choix, les maisons de ventes s’en donnent à cœur joie avec des estimations très musclées et des garanties de l’ordre de dizaines de millions de dollars pour le duopole. Christie’s a ainsi garanti la collection Richard Lane qui comporte huit œuvres dont un Mustard Race Riot de Warhol, ainsi que la collection Sternberg constituée de Calder et Cy Twombly.
Maurizio Cattelan tient la vedette avec cinq pièces sur l’ensemble de la semaine. Chez Christie’s, on découvre, à hauteur de 700 000-900 000 dollars, une installation acquise pour 350 000 dollars en 2002 par le collectionneur Michael Salke sur le stand d’Emmanuel Perrotin lors de Art Basel Miami Beach. Pour la même estimation, la maison de François Pinault propose aussi Not Afraid of Love, éléphant fantôme que l’ex-égérie de Warhol, Jane Holzer, avait acheté 100 000 dollars chez Marian Goodman en 2000. Phillips affiche enfin le 11 novembre l’une des deux versions de la Nona Ora, vendue pour 886 000 dollars en 2001 chez Christie’s à Marc Blondeau pour un collectionneur suisse. Elle est remise en vente,  auréolée cette fois de l’estimation de 1,5-2 millions de dollars.
Jeff Koons n’est pas en reste en termes de présence ou de prix avec deux œuvres moyennes cédées par le collectionneur marchand Jose Mugrabi chez Sotheby’s et un Bear and Policeman estimé 2,5-3,5 millions de dollars chez Phillips. Dans un registre plus historique, le producteur David Geffen propose chez Sotheby’s trois pièces de Jasper Johns, notamment un pastel et fusain de 1961 estimé 7-9 millions de dollars. Dans un contexte où le marché de l’art contemporain nage en plein bonheur, défiant le ralentissement général, les ventes de novembre font office de test. Jusqu’où peut-on mettre la barre trop haut ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°202 du 5 novembre 2004, avec le titre suivant : Les bonheurs du marché de l’art contemporain

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