Environnement - Foire & Salon

Commissaire général d'Art Paris Art Fair

Guillaume Piens se confie

« Le thème de l’art et de l’environnement enthousiasme Art Paris »

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 6 avril 2022 - 1390 mots

PARIS

Première foire à avoir inauguré le Grand Palais éphémère en 2021, Art Paris a bénéficié d’une conjonction de planètes favorable durant la période de Covid-19 qui lui permet d’engager positivement sa 24e édition.

Guillaume Piens, commissaire général d'Art Paris art fair
Guillaume Piens, commissaire général d'Art Paris art fair
© Art Paris art fair
Quel est l’état d’esprit d’Art Paris à la veille de l’ouverture de sa 24e édition le 7 avril 2022 ?

Guillaume Piens : Nous sommes dans une dynamique positive. L’édition de septembre 2021, qui a été un énorme succès avec plus de 72 000 visiteurs, nous a propulsés en avant. Les portes de la foire étaient à peine fermées, le 13 septembre, que le premier comité de sélection se réunissait quatre semaines plus tard. Or, nous avons réussi à boucler la commercialisation des stands en moins de trois mois ! Cette année, nous comptons 130 galeries. C’est 10 de moins qu’en 2021, mais c’est lié aux demandes des galeries qui souhaitent des espaces plus importants, ce qui nous permet de fluidifier davantage le parcours au sein de la foire. Par ailleurs, le thème de l’art et de l’environnement, choisi pour cette année, nous enthousiasme vraiment. Ce thème se retrouve à la fois dans le contenu artistique et dans la démarche d’écoconception engagée par Art Paris. Côté artistique, deux thèmes irriguent la foire cette année : « la nature » avec un parcours de vingt artistes de la scène française proposé par Alfred Pacquement et « l’art et l’environnement », développé par Alice Audouin, qui a sélectionné dix-sept artistes qui mettent les questions environnementales (la crise climatique, la destruction de la biodiversité, etc.) au cœur de leur travail et de leur vie personnelle. Parmi eux, on retrouve Elsa Guillaume chez Backslash, Capucine Vever chez Éric Mouchet ou Vincent Laval à la Galerie Sono, qui reverse un pourcentage du produit de ses ventes pour la défense de la forêt.

En quoi consiste le parcours « Un regard sur la scène française : histoires naturelles » confié à Alfred Pacquement, l’ancien directeur du Musée national d’art moderne ?

G.P. : Art Paris demande chaque année à un commissaire d’expositions de livrer sa propre vision de la scène française. Alfred Pacquement nous a donc proposé de voir comment les artistes regardent le monde du vivant, animal et végétal. Il a pour cela sélectionné vingt artistes ayant une approche très variée dans différentes galeries au sein de la foire. Il a retenu des artistes historiques (Jacqueline Lamba, la muse d’André Breton, Gilles Aillaud et Etel Adnan, disparue récemment), des artistes confirmés (Johan Creten, Eva Jospin, Jean-Michel Othoniel, Marinette Cueco…) et d’autres plus jeunes, à l’instar d’Hugo Deverchère, de Justin Weiler et d’Armelle de Sainte Marie… Alfred Pacquement a écrit un texte très inspiré sur ce thème et une notice de présentation pour chacun des artistes sélectionnés. Nous en avons fait un cahier que nous avons envoyé à tous les collectionneurs avant l’ouverture d’Art Paris. Nous voulons apporter du contenu sur les artistes de la scène française. C’est important car il y a, de manière générale, beaucoup de communication autour des artistes mais, finalement, très peu d’information.

L’« écoconception » de la foire, que vous mettez en avant, n’est-il pas une forme d’opportunisme commercial ?

G.P. : Pas du tout : nous sommes allés au fond de la démarche en commençant par bien nous entourer. Nous avons, par exemple, travaillé avec Fanny Legros, ancienne directrice de la Galerie Jérôme Poggi qui a fondé Karbone Prod, une structure qui accompagne les acteurs culturels dans leur transition écologique et dans la mise en place de l’écoconception. Nous collaborons aussi avec Alice Audouin, curatrice qui a fondé l’association Art of Change 21. Nous bénéficions d’ailleurs du soutien et de subventions de l’Ademe, l’agence française de la transition écologique. L’écoconception, c’est une démarche qui vise à réduire l’impact écologique d’un produit ou d’un service. Pour cela, nous avons décidé d’analyser les impacts directs de la foire en nous engageant dans une « analyse de cycle de vie » (ACV). L’ACV est un outil multicritère qui va au-delà du simple bilan carbone. Il prend en compte plusieurs impacts importants, environnementaux, mais aussi sociaux, comme la diminution des ressources, la toxicité pour l’homme, l’acidification de l’eau, etc. Et cela concerne toute la chaîne de la foire : de la production à l’installation-désinstallation, en passant par la gestion des déchets. Avec le cabinet Solinnen, Karbone Prod a ainsi calculé toutes les données du cycle de vie d’Art Paris, ce qui nous a permis de déterminer des axes prioritaires pour réduire notre impact environnemental.

Quels sont ces axes ?

G.P. : Nous avons d’ores et déjà mené une quarantaine d’actions, qui vont des cloisons à la consommation énergétique. Par exemple, l’ensemble des cimaises est recouvert de coton gratté. Cela correspond à plus de deux tonnes de déchets. Or, ce coton est très compliqué à recycler, car il est traité avec des matières ignifugées, donc toxiques. Nous avons donc trouvé le moyen de le valoriser en le faisant transformer en matériau isolant pour l’industrie du bâtiment. La moquette sera elle aussi valorisée à l’issue du salon, en étant transformée en matériau combustible. Tous nos éclairages halogènes ont également été changés en spots LED COB. D’après nos calculs, cela réduira notre consommation en kilowattheures de 65,12 %. Même notre site Internet, qui était très énergivore, a été repensé. Résultat, nous passons de 19,31 grammes de CO2 pour notre seule page d’accueil en 2021 à 6,5 grammes en 2022 ! Et ceci concerne tous les services d’Art Paris : le transport pour réduire le nombre de camions, la restauration avec la suppression des bouteilles plastique et de la viande, la flotte de véhicules 100 % électriques pour nos collectionneurs VIP, etc. C’est un travail considérable mais très inspirant.

Vous parlez d’une sélection de galeries de haute volée, pourquoi ?

G.P. : Depuis le succès de l’édition 2020, de nouvelles galeries ont fait leur entrée à la foire, à l’instar de la Galerie Perrotin. Cette diversité de galeries – des exposants très connus à côté d’enseignes à découvrir – fait pour moi le charme d’Art Paris. Et nous sommes heureux d’accueillir cette année les galeries gb agency (Paris), Pietro Sparta (Chagny), Max Hetzler (Berlin, Paris et Londres), Bernier Eliades (Athènes, Bruxelles), etc. Les grandes galeries comme les galeries Lelong, Massimo De Carlo et Kamel Mennour, reviennent également en 2022 après avoir très bien travaillé en 2021. Sans doute ont-elles retrouvé des collectionneurs qui ne sont peut-être pas multimillionnaires mais qui sont extrêmement fidèles, intéressants, et qui achètent !

Art Paris est traditionnellement tournée vers les galeries situées en régions. L’arrivée de ces galeries ne risque-t-elle pas de modifier le positionnement, l’équilibre de la foire ?

G.P. : Je pense que l’équilibre est respecté. Dans le secteur « promesse », dédié aux jeunes galeries, il y a cette année Fabienne Levy (Lausanne), Felix Frachon (Bruxelles) et la Galerie Sono (Paris), que peu de personnes connaissent – elle montre le travail de Vincent Laval. Art Paris reste une foire de découvertes. Même les galeries qui participent à Art Basel proposent des programmes d’artistes (et des prix) différents de ceux de Bâle. Art Paris est une proposition complémentaire à Art Basel.

L’arrivée d’Art Basel en octobre à Paris est-elle une opportunité ou une menace pour Art Paris ?

G.P. : Je ne me réjouis pas de la fin de la Fiac, mais cela ne change pas grand-chose pour Art Paris. Nos relations avec la RMN – Grand Palais, qui apprécie que nous venions avec de nouvelles idées et un positionnement qui leur correspondent tout à fait, sont excellentes. Personnellement, je le vis même comme une opportunité : l’arrivée d’Art Basel contribue à faire monter en gamme Paris. Cela fait vingt ans que je travaille dans le milieu des foires, pour la Fiac, Paris Photo et Art Paris, et cela n’a pas toujours été facile de défendre Paris comme une destination importante du marché international de l’art. L’arrivée d’Art Basel à Paris fait aujourd’hui converger tous les regards vers la capitale, qui devient de plus en plus la destination où il faut aller. Au milieu de cela, il est important qu’Art Paris maintienne sa ligne : une foire régionale et de découvertes venant en appui à la scène française et une foire originale proposant des thématiques différentes des autres foires. Résultat : beaucoup de galeries nous sollicitent pour l’édition 2023 d’Art Paris et sont déjà sur liste d’attente.

Art Paris 2022 - Chiffres clés 

130 exposants de 23 pays
Plus de 900 artistes
63 % de galeries françaises
30 % de nouveaux exposants

Art Paris,
du 7 au 10 avril 2022. Grand Palais éphémère, Champ-de-Mars, Paris-7e. De midi à 20 h, et jusqu’à 21 h le vendredi 8 avril. Vernissage sur invitation le 6 avril, de 11 h à 21 h. Tarifs : de 30 à 15 €. www.artparis.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°753 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Guillaume Piens : « Le thème de l’art et de l’environnement enthousiasme Art Paris »

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