Sénégal

Le monde d’Omar Ba

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 15 février 2012 - 817 mots

L’artiste africain expose près d’une trentaine de toiles chatoyantes à la galerie Anne de Villepoix.

PARIS - À 35 ans, Omar Ba est encore ce qu’il est convenu d’appeler un jeune artiste, tout particulièrement aux yeux du public français, puisque la galerie Anne de Villepoix, à Paris, lui consacre sa première exposition en France. Né au Sénégal, formé d’abord à l’École nationale des beaux-arts de Dakar, Omar Ba a suivi des cours de dessin et de peinture qui, dans le monde occidental, pourraient passer pour terriblement désuets. Faut-il le regretter ? Quand l’école des beaux-arts qui vous forme ne dispose pas d’ordinateurs, il vaut mieux s’investir pleinement dans l’acquisition du dessin et de la peinture, pour peu, évidemment, que l’on possède du talent, comme c’est le cas d’Omar Ba. C’est sans doute aussi ce premier environnement africain qui continue de marquer l’artiste, lequel peint non sur toile mais sur des feuilles de carton, ondulé pour les plus grands formats : Omar Ba n’hésite ainsi pas à puiser dans son environnement immédiat, fût-ce le plus modeste, pour trouver les ressources de sa création, d’autant que ce support lui permet de se dépasser sans cesse dans l’expérimentation. Nul regret de sacrifier une plaque de carton lorsque celle-ci, travaillée à bras-le-corps, ne donne au final pas satisfaction. Ce qui est vrai du support l’est également des éléments qui inspirent Ba et qui sont, là encore, frénétiquement puisés dans son environnement d’origine.

Virtuosité et énergie
Omar Ba a dans un deuxième temps gagné la Suisse où il a obtenu, en 2005, un master de l’École supérieure des beaux-arts de Genève. La formation dispensée était beaucoup moins ouverte à la peinture (certains ne prétendaient-ils pas, au début de cette décennie, que ce mode d’expression plastique était révolu ?), mais Omar Ba a choisi de poursuivre dans la voie qu’il s’était fixée. Après avoir tenté l’abstraction en Afrique, il a alors ajouté de nombreux éléments figuratifs à ses compositions. C’est en Suisse, où il est installé depuis 2003 et où il est représenté par la sérieuse galerie Guy Bärtschi, qu’Omar Ba a commencé à se faire reconnaître et s’est vu attribuer le prestigieux Swiss Award, en 2011.

Difficile d’évoquer la peinture d’Omar Ba sans mentionner la virtuosité et l’énergie qui se dégagent de ses œuvres. Artiste frénétique, Ba ne s’interdit rien dans la multiplication des motifs qui peuplent ses créations ni dans celle des techniques. Quelle est son inspiration ? Loin de résider dans les peintres du passé, elle se trouve dans son environnement le plus immédiat, tout particulièrement celui qui fut le sien en Afrique. Les poissons, oursins, anémones, crabes ou tortues marines qui habitent et animent ses compositions sont autant de souvenirs de ses années passées près des côtes sénégalaises. L’animal est partout, qu’il soit marin mais aussi terrestre, associé, bien souvent, à la figure humaine. Entre les éléments, les végétaux – somptueux et comme animés d’une vie propre –, les animaux et les hommes, il n’est guère de limites. C’est ainsi que les portraits évoquant des militaires ou des dignitaires voient surgir fréquemment des figures animales. L’animal – et le poisson en particulier – apparaît comme une figure centrale des toiles, métaphore du grouillement de la vie, de son cycle permanent.

Richesse visuelle
Sur ses fonds de carton, Omar Ba appose des lavis d’huile noirâtre et grisâtre, puis des acryliques, privilégiées pour leur capacité à sécher rapidement, tant ce travail contient d’urgence, tant y est projetée d’énergie. Les compositions peuvent alors s’achever à l’huile, utilisée pour ses empâtements, au crayon aussi, les couleurs éclatent. Les fonds noirs sont souvent contredits par les couleurs libérées, qui dégagent une formidable énergie vitale. Des couches d’un blanc nacré épais peuvent être déposées sur certaines compositions, en un effet de plumetis (l’animal encore), avant que n’apparaisse à chaque fois la couleur, étincelante. L’emportent les tons froids, notamment des bleus glaçants, parmi lesquels surgissent des éclats orangés qui n’en sont que plus vibrants. La juxtaposition audacieuse des couleurs poursuit celle des motifs et de la composition, produisant un résultat d’une richesse visuelle époustouflante. Bien souvent, les tableaux les plus grands en contiennent en réalité plusieurs qui, séparés par les différents sujets qu’ils traitent, « tiendraient » tout autant.

En près d’une trentaine de peintures (et une sculpture), 19 petits formats et 10 grands (les prix s’échelonnant entre 2 500 euros pour les petits formats et 7 500 euros pour les œuvres les plus grandes, la moitié des pièces étant déjà réservées, la plupart par des collectionneurs habitués de la galerie), cette exposition d’Omar Ba est un tour de force. Morte la peinture ? Non, celle d’Omar Ba est bien en vie !

OMAR BA, LE MONDE DES APPARENCES

Nombre d’œuvres : 29 peintures 1 sculpture
Prix : de 2 500 € pour les petits formats à 7 500 € pour les grands formats

Jusqu’au 1er mars, galerie Anne de Villepoix, 43, rue de Montmorency, 75003 Paris, www.annedevillepoix.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Le monde d’Omar Ba

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