Ventes aux enchères

Sotheby’s

Le coup d’éclat Nahon

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 10 septembre 2004 - 634 mots

PARIS

Annoncée comme la première house sale dédiée à l’art du XXe siècle, la vente des marchands Pierre et Marianne Nahon a été menée tambour battant par Sotheby’s le 18 juillet à Vence (Alpes-Maritimes).

Résultat des courses : un produit de 8,7 millions d’euros et moins de 17 % d’invendus. Pourtant, le catalogue en deux volumes, narcissique aux entournures, et les estimations parfois bien « tapées » avaient laissé beaucoup d’observateurs sur leur réserve. Et la mini-exposition organisée à la Galerie Charpentier, à Paris, donnait à l’ensemble un pourtour sec et tiède. Mais, comme le souligne un ancien collaborateur du couple, les Nahon ont la baraka ! Plus sérieusement, Sotheby’s a réussi à mettre en œuvre une véritable machine de guerre plus performante encore que lors de la vente Pierre Lescure, elle non plus pas acquise d’avance. Le concept de la house sale a fait le reste.

Suivant la vente sur un moniteur installé dans leur chambre, Pierre et Marianne Nahon étaient aux anges. « On a fait le bon choix avec Sotheby’s, qui s’est montrée très professionnel dans tous les domaines. Ils avaient réussi à “prévendre” toutes les grosses pièces », nous a confié Pierre Nahon. Parmi les étrangers en nombre au téléphone, on pouvait relever quelques grandes pointures américaines comme les New-Yorkais Larry Gagosian ou C&M Arts. Pierre Nahon a même remarqué la présence en salle de cinq collectionneurs américains qui avaient pourtant déserté la Riviera depuis le 11 Septembre.

Contre toute attente, les barbotines, les Bugatti, Royère et Prouvé anecdotiques, et même la statuaire africaine moyenne, ont trouvé preneurs à bon prix. L’effet glamour de l’arrière-pays et un certain sentimentalisme ont joué leur rôle.

Records picabiesques
Comment expliquer autrement l’enchère délirante de 12 600 euros pour une lampe Pipistrello de Gae Aulenti disponible autour de 1 500 euros dans le commerce ! Point d’orgue de la vacation, les grandes sculptures du jardin, surtout celles des Nouveaux Réalistes, se sont remarquablement bien défendues. Réalisé en binôme par Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely en 1989, le Monde est parti au téléphone pour 433 600 euros en faveur d’un marchand italien. Mascotte de la vente, la Danseuse rose de Niki de Saint Phalle a décroché 411 200 euros sur une estimation de 200 000-300 000 euros, instituant un nouveau record pour l’artiste. À noter dans les deux cas la présence de sous-enchérisseurs américains. L’Odalisque de Jean Tinguely s’est approchée de son estimation corsée avec 209 600 euros déboursés par un marchand suisse. Le fer soudé de César, Femme, s’est vendu à son estimation basse de 288 000 euros à un privé français. Un acheteur portugais a emporté quant à lui pour le prix record de 131 200 euros le grand néon rouge de Joseph Kosuth. Les records n’étaient pas l’apanage des grands noms puisque quatre artistes « franco-français » (Philippe Berry, Louis Cane, Bernard Pagès et Philippe Perrin) peuvent aussi s’en targuer. Les tableaux de Francis Picabia ont également surpris par leurs résultats élevés. Ils dataient pour une bonne part des années 1940-1943, à l’époque où Picabia s’amusait à défier le bon goût avec une peinture volontairement « laide ». On relève l’enchère de 131 200 euros pour Nu de dos devant la mer sur une estimation de 50 000 euros, ou encore les 237 600 euros déboursés par un marchand britannique pour L’Élégante. Signe que, depuis la vente Cavalero en 2002, ces peintures autrefois décriées sont en odeur de sainteté ! Reste maintenant pour Sotheby’s à vendre le château dont le prix, initialement porté à 16 millions d’euros, a été baissé à 13 millions.
Il est aujourd’hui avéré qu’en mobilisant leur réseau de compétences internationales les Anglo-Saxons peuvent vendre en France toutes les spécialités, de la barbotine à l’art contemporain. Face à leur force de frappe, les commissaires-priseurs français semblent bien démunis.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°198 du 10 septembre 2004, avec le titre suivant : Le coup d’éclat Nahon

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