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Le Carré Rive Gauche tient bon

L'ŒIL

Le 1 mai 2000 - 619 mots

Le Carré Rive Gauche tient bon contre vents et marées depuis presque un quart de siècle, un record de longévité ! Il a bien fait quelques émules Rive Droite. Peine perdue, les nocturnes du Faubourg sont restées bien calmes alors que, les soirs d’inauguration, une foule nombreuse (40 000 personnes, au total, pour les cinq jours), venue de Paris et d’ailleurs arpente, en rangs serrés, le quai Voltaire et les rues avoisinantes. Côté exposants, partis 40, ils sont environ 120 arrivés à bon port.
Ce succès n’est pas fortuit, il résulte d’une délicate alchimie entre la topographie du lieu, quadrilatère très ramassé, la concentration exceptionnelle de marchands d’art et la volonté de quelques-uns de sortir de la routine. Au fil des ans, le concept a évolué. « Les Cinq Jours de l’Objet Extraordinaire » se sont mués en une opération « Portes Ouvertes ». Et si l’on tente de garder pour l’occasion de la bonne marchandise, le Carré prend depuis quelque temps une toute autre allure : voilà trois ans que l’on y organise des expositions qui restent en place au-delà de la durée officielle. Ils sont ainsi cette année, une dizaine à jouer les prolongations. Parmi eux, la galerie Chevalier présente des tissus coptes du IIIe au XIIe siècle ap. J.-C., Blondeel-Deroyan offre une vingtaine de tapisseries Mille fleurs des XVe et XVIe siècles, Delvaille, sous le vocable « La campagne française au XIXe », expose des tableaux de Trouillebert à Lebourg, de Dupré à Montézin...
Autre tendance novatrice, l’ouverture à l’art du XXe siècle avec l’arrivée de jeunes galeristes dont certains viennent tout droit des Puces. Ils ont choisi de s’arrimer au noyau dur des grands antiquaires classiques. Leur port d’attache est plutôt rue de Lille. Parmi eux, Édouard de la Marque, Éric Allart, Jacques Lacoste, Gladys Mougin et Anne Lacombe qui expose une vingtaine d’œuvres de Scottie Wilson, surréaliste de l’école anglaise que Dubuffet avait fait entrer dans ses collections personnelles. Si l’on ajoute les spécialistes de tous bords, de l’Extrême-Orient à l’orfèvrerie, de la céramique aux tableaux anciens et modernes, des lampes aux objets de chasse et jusqu’aux accessoires de... cheminée, on peut dire que l’éclectisme est de rigueur. Enfin, les amateurs tendance cyberculture peuvent consulter le site du Carré mais attention, ils n’y trouveront pas l’objet extraordinaire on line. Il faut garder l’effet de surprise ! Après une période difficile, les affaires vont bon train. Si le public parisien est fidèle, le négoce se fait hélas en majeure partie avec l’extérieur, 80% contre 20% seulement restant dans l’Hexagone car, c’est un fait, beaucoup d’étrangers se déplacent pour l’événement, Américains du nord en tête suivis, phénomène récent, par les Américains du sud. Pour l’Europe, on compte beaucoup d’Italiens et quelques Allemands. Ce type de manifestation a sur les salons d’antiquaires un grand avantage : comme on ne bouge pas, le fonds de maison reste en place. Rien à voir avec un stand construit sur mesure pour une marchandise sélectionnée, dans un environnement décoré tout exprès, donc forcément artificiel. Au Carré, les objets sont dans leur jus, dans des demeures anciennes, quelquefois historiques, mis en situation selon l’humeur et la personnalité du maître des lieux. Il s’en dégage souvent un charme extraordinaire. Pousser la porte, ouvrir les yeux, poser des questions... rien de plus facile. Les grands marchands sont des passionnés. Il font partager volontiers leur savoir. « À l’heure où tout est bousculé par le “high tech”, dit Dominique Chevalier, nous restons plus que jamais conscients de l’importance de notre rôle. » En clair : naviguer sur les autoroutes de l’information n’aura jamais l’attrait d’une flânerie au sein du Carré Rive Gauche !

PARIS, Carré Rive Gauche, tél. 01 42 61 31 45, 24-28 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°516 du 1 mai 2000, avec le titre suivant : Le Carré Rive Gauche tient bon

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