XXe

L’art moderne et l’art contemporain répètent leurs gammes

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 28 février 2017 - 1077 mots

Malgré la présence de quelques rares œuvres récentes, les cinquante galeries d’art moderne et contemporain se cantonnent à présenter des pièces dans un registre classique.

Voilà plus de vingt-cinq ans que Tefaf s’est ouverte à l’art moderne et contemporain, lui permettant d’afficher un profil généraliste. C’est d’ailleurs l’un des atouts de l’événement qui s’appuie toujours sur la grande qualité des œuvres exposées. « Les collectionneurs apprécient la taille de l’événement, le mélange des époques et des styles et la quantité de belles pièces présentées », indique Anthony Brown, directeur de la galerie Connaught Brown, ajoutant « nous travaillons très dur pour cette foire, pendant plusieurs mois ». Les collectionneurs, venus du monde entier, affichent de plus en plus un profil transversal, dont bénéficient les galeries d’art moderne et contemporain. « Le public de Maastricht a des intérêts variés et est à la recherche de la pièce exceptionnelle, bien souvent sans époque prédéterminée », confirme Francesca Piccolboni, à la galerie Tornabuoni Art. Cinquante galeries sont réunies, dont quelques nouvelles : Andrea Caratsch (Zürich, St Moritz) ou Sprovieri Gallery (London). Comme de coutume, l’ensemble est plutôt tourné vers les grands noms de l’art moderne, plutôt que l’art le plus contemporain.

Une section moderne bien pourvue
Les débuts de l’ère moderne sont bien représentés dans les allées. La galerie canadienne Landau Fine Art expose ainsi une Danse de l’ours (1914) du futuriste Gino Severini, ainsi qu’une huile d’Yves Tanguy de 1927. Henze & Ketterer (Bern) présente un « hommage au modernisme classique » – selon les mots de la galerie – et met en avant Ernst Ludwig Kirchner avec Sängerin am Piano (1930), belle composition de formes et couleurs, ainsi qu’une gravure sur bois de 1918 aux côtés d’un nu de Georges Grosz. Sur le stand de Bailly Gallery (Genève), les collectionneurs peuvent acquérir une belle Indonésienne au bain de Karl Hofer ou l’une de ses sculptures sur bois. Connaught Brown (Londres) vient encore avec La fenêtre (1923) de Raoul Dufy, un thème cher à cette période, ici, une vue normande avec en fond une mer quasi abstraite.

L’art des décennies d’après-guerre est également au programme. Son versant italien trouve de beaux représentants chez Tornabuoni Art : Zone riflesse (1965), une acrylique sur des toiles superposées de Paolo Scheggi, ou une huile de Giorgio De Chirico, Piazza d’Italia con piedistallo vuoto (1955). Plus loin, Applicat-Prazan met en vente L’atelier de Jean Hélion, une vue de son lieu de travail avenue de l’Observatoire, peinte une dizaine d’années (1953) après son passage à la figuration. À voir encore, un Rythme coloré (1957) de Sonia Delaunay chez Brame et Lorenceau (Paris) ou une huile de Dubuffet de 1952 à la galerie Hopkins (Paris). David Lévy (Paris) a de son côté pris le soin de réunir un ensemble de dix-huit œuvres de Maurice Estève, avec des œuvres emblématiques des techniques utilisées par l’artiste : l’huile avec les Trois Tables (1939) ou l’aquarelle avec plusieurs compositions. Quelques pièces d’art moderne émaillent d’autres secteurs, à l’instar de David Tunick qui propose une Femme assise (1926) de Picasso, ou encore de Robilant Voena qui montre une nature morte au coquillage de Giorgio Morandi (1943), l’un des thèmes chers à l’artiste.

L’art contemporain toujours à la traîne
En revanche, la présence de la création la plus contemporaine reste timide. « L’art contemporain est encore sous-représenté à Tefaf. Nous adoptons une approche plus classique pour sélectionner les pièces de notre stand », confirme Jemma Beeley chez Ben Brown (Londres). La galerie vient avec une photographie de l’abbaye bénédictine d’Altenburg (2014) de Candida Höfer, une pièce de 2016 de l’artiste brésilien Vik Muniz, châssis qui aurait pu être le verso de la célèbre Vue de Delft de Vermeer. Sprovieri Gallery amène quant à elle une huile d’Ilya Kabakov de 2012 ou une œuvre récente (2010) du maître de l’Arte povera Jannis Kounellis. Karsten Greve (St Moritz) présente un bronze de Louise Bourgeois, Pregnant Woman II, quand Pearl Lam galleries a choisi plusieurs peintures du Chinois Zhu Jinshi, dans un environnement où l’art occidental est omniprésent.

Pour sa troisième édition, Tefaf Curated, espace d’exposition dont les œuvres sont cependant à vendre, change de formule : cet événement jusque-là consacré à l’art contemporain brasse désormais toute l’histoire de l’art. Penelope Curtis, ex-directrice de la Tate Britain, assure cette année le commissariat de l’événement autour du thème Reclining Figure (littéralement « la figure allongée »), associé depuis le XXe à l’œuvre d’Henry Moore. Sont réunis des artistes aussi divers que Ernst Wilhelm Nay, Thomas Schütte, Sadie Murdoch ou Ettore Spalletti. En off de Tefaf se déploie pour la première fois le YIA (pour Young International Artists), une foire française consacrée à l’art émergent, née en marge de la Fiac en 2010. Preuve que l’art contemporain reste un enjeu à Tefaf.
Éléonore Théry

Le design européen en majesté

Tefaf accueille le design depuis 2009, dans un secteur dont le nombre de galeries va croissant : cette année douze exposants sont réunis, contre dix l’an dernier. Les débuts du XXe et les décennies de l’immédiat après-guerre sont omniprésents, avec des créateurs majoritairement européens. La galerie Éric Philippe (Paris) met à l’honneur Swedish Grace, mouvement néoclassique né en Suède dans les années 1920, présentant entre autres un cabinet en marqueterie de bois dessiné par Uno Ahrén pour le Pavillon Suédois de l’Exposition des Arts décoratifs de Paris en 1925. Le design scandinave est également présent chez Dansk Møbelkunst qui consacre son stand au moderniste danois Finn Juhl avec notamment une grande table de travail de 1952. Arc en Seine (Paris), spécialisée dans la période Art déco, associe sur son stand des pièces de Jean Michel Frank ou Jean Royère avec une paire de fauteuils « aux pommeaux de canne » (1934) de Diego Giacometti. Le stand de la galerie DownTown (Paris) met en avant Charlotte Perriand, dont sont exposées des commandes spéciales, ainsi d’un ensemble créé pour la Maison Borot à Montmartre. La Galerie kréo, consacrée au design contemporain, vient faire souffler un vent nouveau dans ce secteur en faisant cohabiter un luminaire minimaliste de Gino Sarfatti de 1954 avec un rideau fait de nœuds et de perles démesurés de la Néerlandaise Hella Jongerius, dessiné pour le siège des Nations unies. Les collectionneurs pourront encore acquérir chez Jason Jacques (New York) un encrier ou un set à tabac art nouveau signé par Paul Legrand pour Boucheron, chez Didier Ltd (Londres) un bijou de Max Ernst ou chez Ulrich Fiedler (Berlin) un bureau constructiviste de George Vantongerloo.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : L’art moderne et l’art contemporain répètent leurs gammes

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