Marché français

L’art contemporain, levier de croissance

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 9 novembre 2016 - 736 mots

Au cours d’une table ronde organisée à Drouot, les intervenants ont estimé que l’une des clés pour assurer la pérennité du marché serait de miser sur l’art contemporain et sa diffusion.

PARIS - La mission d’information sur le marché de l’art à l’Assemblée nationale mène depuis le début de l’année un travail d’observation et de prospection (dont les résultats sont attendus pour le 16 novembre), dans l’esprit du rapport du sénateur Yann Gaillard, « Marché de l’art : les chances de la France », publié en 1999.

Le marché français occupe aujourd’hui la 4e place mondiale, derrière les États-Unis, la Chine et la Grande-Bretagne alors qu’il était numéro un dans les années 1950. Des changements profonds ont marqué ces deux dernières décennies : un goût pour l’art contemporain qui s’est renforcé, une internationalisation croissante, un développement des ventes de spécialité, l’arrivée d’Internet, une rétention des offreurs, la crise du mobilier ancien… Pendant ce temps, la puissance publique se mobilise – mais pas encore suffisament – pour tenter d’agir sur ce marché avec notamment la loi du 10 juillet 2000, qui a mis fin au monopole des commissaires-priseurs, ou la loi du 20 juillet 2011 qui a permis la vente de gré à gré.

Or, le marché français est paradoxal. D’un côté, il y a de nombreux musées, une politique pour l’art contemporain, et la France reste un vivier d’œuvres et un grenier d’artistes. Mais d’un autre, il faut compter avec les lourdeurs administratives et fiscales tandis que les nouveaux outils ne sont pas utilisés de façon optimale. Par ailleurs, une impression de statu quo perdure depuis le rapport Gaillard « alors que l’on s’attendait à une concentration des opérateurs », a rappelé Catherine Chadelat, présidente du Conseil des ventes volontaires (CVV), lors de la table ronde organisée à la mi-octobre à Drouot.

Et si la France se défend bien dans les secteurs de l’art tribal ou de l’art asiatique, ce sont des marchés qui sont à l’écart des grandes mutations internationales puisque « le marché de l’art mondial est catalysé par l’art impressionniste, moderne et contemporain qui représente 80 % », rappelle Arnaud Dubois, de l’Institut du patrimoine. Selon le rapport Tefaf, les Etats-Unis représentent 47 % du marché mondial de l’art contemporain, quand la France n’y accède qu’à hauteur de 4 % ! « Comment fait-on pour éviter de passer de 4 à 2 % demain ? », se demande Édouard Boccon-Gibod, directeur général de Christie’s France.

« Construire du collectionneur »
En premier lieu, si la France veut un marché de l’art solide, l’art contemporain et sa diffusion doivent être mieux pris en compte. « Or, si l’État veut avoir une politique d’art contemporain digne de ce nom, il faut promouvoir nos artistes sur le marché mondial et donner les moyens à nos concitoyens d’investir durablement et de commencer modestement une collection », a avancé Stéphane Travert, député (PS) et rapporteur de la mission. « Pour lutter contre l’assèchement du vivier, il faut construire du collectionneur », a renchéri Guillaume Kientz, conservateur au Musée du Louvre. Mais il faut également « un financement pour la création », a indiqué Stéphane Corréard, expert. Enfin, il faut veiller à « la capacité de l’ensemble des opérateurs à bien vendre les artistes étrangers en France », tout en continuant à travailler sur l’attractivité « en misant sur les grands événements culturels de Paris pour y caler des ventes », a expliqué Édouard Boccon-Gibod, avec, par exemple, des ventes d’art contemporain programmées pendant la Fiac [Foire internationale d’art contemporain].

Il serait nécessaire aussi, dans un marché international, de pouvoir disposer de règles communes. « Pourquoi ne pas réfléchir à une harmonisation et à une défense plus européenne de la notion de “trésor national” ? », a proposé Guillaume Kientz. Il faudrait encore régler les problématiques du droit de suite, des taxes à l’import/export et de la responsabilité entre commissaires-priseurs et experts.

Enfin, « il faut poursuivre le développement de la clientèle captive », a expliqué Catherine Chadelat. Des ventes de BD et de voitures sont déjà organisées ; « il y a peut-être aussi les ventes dématérialisées ou le [style] Napoléon III ! Christopher Forbes a vendu sa collection en France, cela peut être un créneau ».  L’ensemble de ces propositions devront être abordées rapidement « car lorsqu’il y a des réformes à faire, il faut les faire en début de quinquennat », a conclu la présidente du CVV.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°467 du 11 novembre 2016, avec le titre suivant : L’art contemporain, levier de croissance

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