Marchand de tableaux anciens

L'antiquaire Jean-François Heim déménage à Bâle

« Je ne quitte pas la France mais je m’installe à Bâle »

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 12 février 2014 - 768 mots

Après une formation de juriste et des études à l’École du Louvre, Jean-François Heim se consacre à sa profession de marchand de tableaux depuis bientôt trente ans. Il vient de donner un nouveau souffle à sa carrière en quittant Paris pour Bâle.

Vous vous installez à Bâle. Qu’est-ce qui a guidé votre choix ?
Je ne quitte pas la France mais je m’installe à Bâle, ce qui est complètement différent. Depuis des années, le principal de mon activité est à Maastricht (Pays-Bas), et depuis longtemps, j’achète des tableaux à l’étranger. Nos enfants ont été élevés en forêt noire à 50 km au nord en Allemagne. C’est une région que l’on connaît bien et que l’on aime beaucoup par tradition familiale. Bâle est un creuset culturel, avec la présence de 40 musées, et la ville accueille la plus grande foire au monde d’art contemporain (Art Basel). Nous avons préféré Bâle à une ville comme Londres, trop grande pour nous. La galerie parisienne est fermée depuis le 31 décembre, celle de Bâle est ouverte depuis le 1er janvier. J’ai trouvé une maison datant de 1585 qui est parfaite : la galerie est située aux rez-de-chaussée et premier étage et nous habitons au-dessus. Nous avons doublé notre surface, ce qui va nous permettre de présenter plus de tableaux.

Est-ce le contexte politique et les hausses de la fiscalité en France qui vous ont poussé à prendre une telle décision ?
On ne peut pas dire que ce choix soit motivé par une raison unique. Le départ à l’étranger depuis des années de certains clients fait que les clients de la galerie ne sont plus nécessairement français. C’est la raison du succès de [la foire Tefaf à] Maastricht tout simplement. Beaucoup de clients français sont installés à Bruxelles, Londres ou Genève, mais rares sont ceux établis à Bâle. En tout cas, beaucoup ne sont plus en France ! Mais la motivation première est que nous aimons l’endroit et la région.

Comment envisagez-vous l’exercice de votre métier désormais ?
Il n’y a pas de changement particulier. Nous « refaisons » Maastricht, nous « ferons » Paris Tableau avec bonheur. On participera probablement en plus à un salon à Monaco.
Nous sommes des passeurs d’objets. Nous sommes là pour passer des émotions. Je n’ai aucune limite de dates. Ça dépend des pièces qui me donnent une émotion, quel qu’en soit le budget. On peut avoir de l’émotion avec un objet à prix vraiment très réduit. Cependant, notre métier rencontre certaines difficultés : nous devons obtenir de la part de l’administration l’extension à l’art ancien des avantages financiers et fiscaux accordés à l’acquisition d’art contemporain.

Quelle est votre actualité ?
C’est la participation à Tefaf. On présentera deux très grands tableaux d’Henri Gervex, une très belle toile de Géricault, des œuvres de Girodet, de Gros, une paire de natures mortes de Meiffren Conte qui est un des plus beaux artistes du XVIIe siècle qui soit sur le plan de la nature morte, un dessin de Degas…

Comment se porte le marché de la peinture ancienne ?
Ce marché est à deux vitesses actuellement. Les tableaux bien choisis et avec des qualités fonctionnent très bien. Le marché de la peinture XVIIe et XVIIIe de faible qualité est plus difficile. Ces clients français et italiens que l’on voyait auparavant ont disparu. Dès que nous avons des tableaux un peu exceptionnels, là, le marché est épatant. Il est très fort pour tout ce qui est rare. C’est ce qu’ont dit les ventes de Londres en décembre, avec des prix extrêmement élevés. On verra ce que diront les ventes de New York ; le Guardi, estimé 600 000 dollars, va certainement faire 2 millions de dollars. Aujourd’hui, c’est un vrai marché d’opportunités pour les nouveaux collectionneurs.

Êtes-vous collectionneur ?
Oui, je collectionne des masques africains, des statues égyptiennes. J’aime également l’art français XIXe (1850-1880), qui confine presque au mauvais goût, l’art figuratif. J’aime tous les peintres qui ont refusé l’art abstrait et l’art fauve, comme Maurice Denis. J’ai également trois tableaux anciens. Je suis très éclectique.

Qui sont vos clients ?
Nous avons vendu à 220 musées sur la planète, parmi lesquels le Louvre, le Metropolitan Museum et le Fogg Art Museum [Cambridge, Massachusetts]. Nous avons également des clients privés, que je visite et que je visiterai tout aussi facilement depuis Bâle que depuis Paris, même si nos clients parisiens sont tristes de notre départ. Le métier a été complètement bouleversé par l’Internet et on peut échanger assez facilement.

Galerie Jean-François Heim

Utengasse 52, Bâle, Suisse, tél. 41 61 681 35 35, mob. 41 789 55 77 77, www.galerieheim.ch

Légende photo

Jean-François Heim - © photo courtesy Galerie Jean-François Heim

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°407 du 14 février 2014, avec le titre suivant : L'antiquaire Jean-François Heim déménage à Bâle

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