Retour sur

La Fiac, une foire de connaisseurs

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2013 - 970 mots

Les œuvres, de belle tenue, présentées dans cette 40e édition, ont su retenir l’attention d’un public français très averti mais pas nécessairement acheteur.

PARIS - La grande majorité d’exposants, français autant qu’étrangers, le relate à l’envi, et le sujet constitue indéniablement un marqueur dans leur appréciation de la Fiac, dont la quarantième édition s’est tenue du 24 au 27 octobre : les visiteurs français et étrangers – collectionneurs, amateurs, institutionnels –, au nombre de 73 541 cette année, en hausse de 4,1 % par rapport à l’an dernier, y sont curieux, cultivés et attentifs. En d’autres termes, il s’agit d’un public de connaisseurs.

« Mes artistes suscitent beaucoup de questions et j’ai vendu des pièces de plusieurs d’entre eux et pas seulement d’une ou deux stars », s’enthousiasmait quelques jours après le vernissage Bärbel Grässlin (Francfort-sur-le-Main), qui, aux côtés d’Andreas Slominski et Imi Knoebel, exposait trois grands tableaux de Günther Förg face à un tapis roulé en chutes de tissu de Michael Beutler. « Ma clientèle est cette année très internationale, avec des acheteurs venus de Suisse, Italie, Allemagne, Belgique et Tel-Aviv. Je suis en revanche un peu déçue d’avoir très peu vendu à des Français. Peut-être est-ce parce que la situation est ici un peu anxiogène en ce moment ? »
Montrant de belles pièces de céramique de Betty Woodman qui habillaient le fond de son stand tels des fragments de papier peint aux accents matissiens, et une étonnante volière d’Andrea Branzi, Isabella Bortolozzi (Berlin) relevait quant à elle : « La Fiac est une foire spéciale, et pas seulement pour son architecture et sa lumière – j’en retire toujours quelque chose. La clientèle y est toujours plus intéressée. Beaucoup ici connaissent bien Branzi par exemple, ce qui n’est pas le cas dans d’autres endroits. » Chez Esther Schipper (Berlin) – qui présentait notamment un tapis de lecture de Dominique Gonzalez-Foerster et de belles photographies de Matti Braun –, Stefanie Lockwood relevait que « l’atmosphère y est bien meilleure qu’à Londres, beaucoup moins agitée ». Et Chantal Crousel enfonçait le clou : « J’aurais pu vendre trois fois une sphère couverte de pavés de Lisbonne de Jean-Luc Moulène alors qu’elle a été exposée à la galerie et à la Dia Art Foundation [New York] sans que rien ne se passe. Les choses restent dans la tête et resurgissent. Les gens regardent très attentivement et font la différence entre ce qui est important ou pas, entre l’aspect superficiel de Frieze [à Londres] et le sérieux de la Fiac. »

Des œuvres de belle tenue

Cette clientèle est apparue en phase avec la qualité de l’offre des galeries participantes. Car si la plupart des exposants n’ont pas fait preuve d’une originalité débordante dans leurs accrochages, beaucoup ont dégainé des œuvres de belle tenue et pas des fonds de tiroirs. Ainsi de la Galerie 1900-2000 (Paris) avec un tableau d’Óscar Domínguez, de Vedovi (Bruxelles) et la variation d’un motif en 30 aquarelles sur papier par Christopher Wool, ou de Waddington Custot (Londres) et son délicieux Teatrino en céramique de Fausto Melotti. De son côté, Xippas (Paris) frappait fort avec un tableau de Peter Halley accroché sur un papier peint, géométrique lui aussi, d’Alessandro Mendini, et Yvon Lambert (Paris) faisait fureur avec une Ferrari accidentée de Bertrand Lavier qui a marqué les esprits.
En revanche, Van de Weghe (New York) a eu beau aligner sur son stand un Picasso de 1968, un Basquiat de 1985 et un Richter de la série des « Abstrakt Bild » de 1986, toutes étaient des pièces décevantes, rappelant en cela que le nom ne fait pas tout !

Dans le Salon d’honneur, où régnait une belle atmosphère, particulièrement réussis et courageux étaient les projets de Simon Fujiwara chez Neue Alte Brücke (Francfort) et du Japonais Koki Tanaka pour Vitamin Creative Space (Guangzhou) : des installations requérant une certaine attention, mais aussi de rares propositions incluant de la vidéo, un médium quasiment absent de la foire.

Du côté des plus jeunes galeries, de belles découvertes étaient à faire également, avec notamment un « Secteur Lafayette » en belle forme où fut récompensé le travail de Shahryar Nashat présenté par Rodeo (Istanbul). S’y détachait l’installation de Julien Tiberi et Aurélien Mole chez Semiose (Paris) et leur formidable cimaise rotative porteuse d’œuvres, bouleversant la vision, ou celle de l’Argentin Eduardo T. Basualdo qui, pour PSM (Berlin), a divisé le stand à l’aide d’une vitre sur laquelle l’empreinte d’un oiseau, fortement éclairée, créait un curieux effet théâtral.

Un parcours Hors les murs trop riche
Ailleurs aurait pu être évitée la peinture horrifique de Thomas Sauter exhibée par Karma International (Zurich). De même que n’était pas des plus palpitants le travail de Dashiell Manley, qui établit un parallèle entre peinture et cinéma en une série de 24 tableaux, présents en masse sur les stands à la fois de Redling Fine Art (Los Angeles) et de Jessica Silverman (San Francisco)… distants de quelques mètres. L’un des deux espaces aurait sans doute pu être attribué à une autre galerie au lieu de ce doublon incongru.

Un autre enseignement de cette dernière édition tient à l’inflation des projets extérieurs. S’il est évidemment pertinent d’assurer une connexion avec la ville, l’addition jardin des Tuileries, Jardin des plantes et Museum d’histoire naturelle, place Vendôme, Petit Palais et enfin berges de Seine fait frôler l’indigestion et l’on se demande qui trouve le temps et/ou l’énergie pour tout voir. Surtout lorsque, a contrario du Grand Palais, beaucoup de propositions, à l’exception notable de Julia Rometti & Victor Costales, Sam Falls ou Héctor Zamora, faisaient cette année assez pâle figure ou apparaissaient comme des redites. Si des rumeurs d’expansion de la Fiac à l’étranger bruissent toujours, Jean-Daniel Compain, directeur général du pôle culture, luxe et loisirs de Reed Expositions France, semble toujours en être au stade de la réflexion sur le sujet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°401 du 15 novembre 2013, avec le titre suivant : La Fiac, une foire de connaisseurs

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