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La collection Riahi part à New York

L'ŒIL

Le 1 novembre 2000 - 813 mots

La collection Djahanguir Riahi ne sera pas vendue à Paris mais à New York, c’est dommage ! En effet, si la loi mettant fin au monopole des commissaires-priseurs est votée depuis plusieurs mois, le décret d’application n’est toujours pas paru. Voilà pourquoi ce merveilleux ensemble d’art français des XVIIe et XVIIIe conservé, pour l’essentiel, dans un appartement de la Rive Gauche dominant la Seine, s’envole pour l’Amérique. Pourquoi New York et pas Monaco qui est tout de même un peu la France ? Par la volonté du collectionneur ? Non, mais parce que Christie’s en a décidé ainsi. En effet, c’est aujourd’hui un secret de polichinelle, Djahanguir Riahi, homme d’affaires iranien, a vendu ses trésors à la maison franco-britannique il y a un an et demi environ. Montant de la transaction ? Top secret. Toujours est-il que l’ensemble, vendu le 2 novembre, est évalué à plus de 25 M$. Ce type de négociation va devenir légal en France, transformant nos officiers ministériels en commerçants. Or de telles opérations nécessitent de très grosses disponibilités financières et leur rentabilité n’est pas assurée, la conjoncture pouvant se renverser du jour au lendemain. La concurrence va donc jouer pleinement. Avec quelles conséquences pour Drouot ? L’avenir le dira. Cette collection de 60 meubles et objets d’art est un éblouissement dont Daniel Alcouffe, le conservateur du Louvre dit « qu’elle rend compte au plus haut niveau de ce qu’a été l’art décoratif français du XVIIIe siècle ». De fait s’y trouvent plusieurs commandes royales et une incomparable réunion de meubles d’André-Charles Boulle et une autre de Bernard Vanrisamburgh. Ce mobilier spectaculaire reflète le goût de son propriétaire qui à l’évidence ne faisait pas dans la sobriété. Nous sommes ici à la cour du Roi Soleil ou à celle du Bien-aimé. Un peu too much peut-être mais de la très grande marchandise sûrement. Cet ensemble est le résultat d’une traque incessante de 30 ans qui a conduit l’amateur dans les salles de ventes de Paris à New York, de Monaco à Londres, les achats chez les grands marchands restant négligeables. « Un choix personnel, insiste l’expert Patrick Leperlier. Djahanguir Riahi n’a pris conseil de personne, il a un œil extraordinaire. Je l’ai vu dans une vente à Londres se pencher sur une console Boulle qui ne payait pas de mine, pauvrement estimée, c’est lui qui avait raison. » Le lot phare est une commode marquetée de fleurs, vers 1757 par Latz et Oeben, commandée par Marie-Josèphe de Saxe, Dauphine de France pour le château de Choisy. Acquise chez Ader-Picard-Tajan, le 19 mars 1981 pour 1 455 000 F, elle était alors « considérée comme d’intérêt national ». Aujourd’hui, elle a, comme toutes les autres pièces, obtenu l’autorisation de sortie. On en attend plus de 3 M$. Autre commode royale, celle qui fut livrée en 1771 pour les appartements de la comtesse de Provence à Fontainebleau. Signée R.V.L.C., elle est passée deux fois en vente chez Sotheby’s New York. En 1984, elle avait atteint 154 000 $, cinq ans plus tard, elle s’envolait à 687 500 $. Elle devrait dépasser le million de dollars. Un tapis de la Savonnerie, qui porte les armes de France, est passé chez Christie’s le 9 juin 1994, adjugé 1 321 500 £, soit près de 2 M$, il n’aurait jamais été payé. Il est annoncé au-delà de 2 M$ de même qu’une table d’André-Charles Boulle vers 1680 ornée d’un spectaculaire jeu de marqueterie de métaux et de bois polychromes, acquise pour 4 300 000 F à Monaco en 1984 chez Ader-Picard-Tajan. Parmi les meubles de B.V.R.B., une table chiffonnière à plateau en porcelaine de Sèvres vers 1770 qui fit partie des collections du Comte Potocki au château de Lancut. Elle est restée sur place jusqu’à l’arrivée des troupes russes en 1945. Là encore on dépassera le million de dollars. Un coup de marteau comparable devrait saluer un secrétaire en laque du Japon et vernis Martin du même ébéniste payé 496 500 £ à Londres chez Sotheby’s en 1993, petit frère de celui qui appartient à la Reine d’Angleterre et se trouve à Buckhingham Palace.On sait le prix payé pour chacune de ces pièces, cette vente va donc permettre une analyse très fine de l’évolution du marché ces dernières années en tenant compte, cela va de soi, de l’érosion monétaire et des fluctuations de change. Peut-on s’attendre à des records ? Patrick Leperlier le pense. « Certes, dit-il, à ce niveau de prix, les acheteurs ne sont pas nombreux mais les musées seront sur les rangs. » Reste que toute cette marchandise est archi-connue, répertoriée, analysée et publiée. La magie du chef-d’œuvre oublié durant des siècles dans quelque demeure perdue loin du bruit et de la fureur des enchères, ne jouera pas cette fois.

À lire : Quelques chefs-d’œuvre de la collection Djahanguir Riahi, ameublement français du XVIIIe siècle, éd. FMR, 287 p., 1500 F.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°521 du 1 novembre 2000, avec le titre suivant : La collection Riahi part à New York

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