Jennifer Flay - « La Fiac doit s’adresser au plus grand nombre »

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 11 octobre 2011 - 1441 mots

Sur près de 650 galeries candidates, la Fiac en a cette année sélectionné 168.
Un choix resserré donc autour de 168 exposants réunis dans le seul Grand Palais qui voit pour l’occasion de nouveaux espaces ouverts dans ses galeries supérieures. Mais, d’abord marchande, la foire n’en oublie pas pour autant sa dimension grand public.

L’œil : La Fiac perd cette année la cour Carrée du Louvre, entraînant ainsi une diminution des exposants. Combien de galeries accueillez-vous en 2011 ?

Jennifer Flay :
En 2010, il y avait 194 exposants. Cette année, nous en avons 168. Avec l’indisponibilité de la cour Carrée, actuellement en travaux, nous perdons 1 020 m2 de surface commercialisable, ce qui représente une perte de 11,6 %. Mais, à l’intérieur du Grand Palais, nous réussissons à passer dans le même temps de 110 à 168 galeries, grâce à l’ouverture des galeries d’exposition supérieures, auxquelles on accède par l’escalier d’honneur près de l’entrée et par chaque rotonde désormais équipée d’un ascenseur. C’est considérable !

L’œil : Ces nouveaux espaces libérés dans le Grand Palais vous ont-ils contraint à penser la Fiac autrement ?

J. F.
: Mon souci a été que le public comprenne intuitivement par où accéder à ces galeries supérieures, sans avoir recours à de la signalétique. Un projet d’aménagement spécifique a donc été pensé par Jean-François Bodin pour guider instinctivement le visiteur vers ces nouveaux lieux.

L’œil : Ces espaces sont-ils l’équivalent précédemment de la cour Carrée ?

J. F.
: Ils ne doivent pas être considérés comme une cour Carrée bis. Les jeunes enseignes sont certes placées en haut, mais il y a avec elles des galeries importantes, comme Michele Maccarone, Andrew Kreps, ou des galeries qui exposaient l’année dernière dans la nef, comme Gregor Podnar et Jocelyn Wolff. Il est important pour moi que la Fiac prenne la mesure de ce bâtiment aux capacités multipliées, et que ces espaces soient considérés pour ce qu’ils sont, à savoir des espaces d’exposition.

L’œil : Quel est le pourcentage de galeries étrangères cette année ?

J. F.
: Il y a 67 % de galeries étrangères pour 33 % de galeries françaises. Si les États-Unis sont très présents, l’Amérique du Sud émerge depuis deux ans. La scène artistique y est absolument passionnante. Autrement, les pays les plus représentés sont, dans l’ordre : la France, les États-Unis et l’Allemagne. La Fiac est à 70 % européenne. C’est une foire internationale, mais qui a une bonne représentation nationale et une identité européenne.

L’œil : Quel positionnement la Fiac défend-elle par rapport aux foires concurrentes ?

J. F.
: La Fiac est une foire généraliste, extrêmement sélective, avec un nombre restreint de participants, et qui encourage la présentation de l’art moderne, en raison de la place de Paris et de son histoire. Je suis très heureuse, cette année, d’accueillir par exemple Kicken Berlin, l’une des galeries les plus importantes pour la photographie historique, ou encore la Galerie Gmurzynska, qui montre des œuvres essentielles. Maintenant, la spécificité de la Fiac vient aussi de la beauté de ses sites : le Grand Palais, mais aussi le jardin des Tuileries ou le Jardin des plantes du Museum d’Histoire naturelle avec lequel nous sommes cette année partenaires. Ce sont des sites emblématiques, prestigieux, empreints d’histoire.

L’œil
: Les foires dissidentes se multiplient. Encouragez-vous les projets off ?

J. F.
: Bien sûr ! La Fiac est fière de générer des initiatives. Cela montre la force de proposition de notre scène culturelle et son dynamisme. Ces initiatives permettent en outre d’élargir l’offre, car la Fiac n’aura jamais la possibilité d’accueillir toutes les galeries méritantes, à la différence d’Art Basel. Une autre spécificité de la Fiac est de travailler en relation avec les institutions parisiennes : comme le Jeu de paume avec l’exposition « Diane Arbus », ou le Centre Pompidou qui accueille Yayoi Kusama, qui a exposé une œuvre l’année précédente dans le jardin des Tuileries. Il y a cette volonté collective de montrer ses plus belles couleurs au moment de la foire…

L’œil : Intervenez-vous dans la programmation des galeries ?

J. F.
: Le comité de sélection de la Fiac intervient dans le cas où les projets sont similaires. Il peut exprimer alors ses désirs ou ses souhaits. Mais nous finissons par connaître le travail de chaque enseigne. Et la Fiac est devenue l’une des foires pour lesquelles les galeries réservent leurs plus belles pièces. Nous accueillons ainsi cette année des installations de qualité, comme celle de Pablo Bronstein sur le stand de Franco Noero, un pavillon de Dan Graham sur le stand Massimo Minini, une œuvre de Parreno et Cattelan chez Air de Paris qui montre aussi Liam Gillick. Fabienne Leclerc présente une œuvre importante de Mark Dion. Applicat-Prazan présente la deuxième école de Paris, la galerie Natalie Seroussi fait une exposition autour de la figure avec Wesselmann, Évelyne Axell, Martial Raysse et des artistes pop.

L’œil : Vous êtes l’une des foires les plus chères au monde. Quel est le prix, pour les galeries, du mètre carré ?

J. F.
: Nous sommes en effet parmi les plus chères. Mais nous sommes installés dans des espaces patrimoniaux qui nécessitent des coûts de location élevés ainsi que des coûts d’équipements importants. Le Grand Palais est un monument historique qui n’est pas conçu pour accueillir une foire comme la Fiac, même si ses équipements s’améliorent. Le public va ainsi découvrir cette année l’efficacité de notre système de chauffage, qui fut un des grands chantiers du Grand Palais. Tout cela a un coût : 465 euros le mètre carré dans la nef et 385 euros le mètre carré pour les nouveaux espaces supérieurs. Nous conservons un écart de prix en raison de la nouveauté des espaces. Nous tenions par ailleurs à proposer un tarif accessible pour les jeunes galeries qui peuvent ainsi montrer des œuvres de jeunes artistes et s’y retrouver financièrement. Le but est d’aider les galeries à rencontrer leur marché et à développer un réseau, et qu’elles aient envie de revenir l’année prochaine…

L’œil
: Vous mettez l’accent cette année sur votre programme hors les murs…

J. F.
: C’est la sixième édition cette année de notre programme d’expositions au jardin des Tuileries. Un livre est d’ailleurs publié à cette occasion pour rendre compte des précédentes éditions lancées avec Martin Béthenod. À l’origine, le parcours des Tuileries faisait le lien entre le Grand Palais et la cour Carrée. Mais il est devenu partie intégrante de la foire. Nous y présentons cette année une très belle pièce de Melik Ohanian [El Agua de Niebla, 2008, Galerie Chantal Crousel], la maison « Métropole » de Jean Prouvé de 1949 [Galerie Patrick Seguin]… Au jardin des Tuileries, nous avons également mis en place une programmation de films d’artistes que nous poursuivons cette année, avec des films de Kader Attia, Robert Morris, Dora Garcia, Robert Breer, Mircea Cantor, Ryan Gander… Nous proposons également, et c’est nouveau, une sélection d’œuvres au Jardin des plantes, dont une sculpture d’Alain Séchas dans la Grande Serre [Galerie Chantal Crousel] et une œuvre de Mark Dion dans la Grande Galerie de l’Évolution qui reprend un chantier de fouilles sous une tente [Galerie In Situ-Fabienne Leclerc]. Nous avons aussi organisé un passionnant programme de performances dans Paris. Ainsi Dan Graham va-t-il présenter une œuvre historique de 1969 à l’auditorium du Louvre, samedi 22 octobre à 16 h. D’autres performances seront jouées au Centre Pompidou, au Jeu de paume, etc. La Fiac est une foire marchande, certes, et le marché de l’art est essentiel pour le travail des artistes. Mais ce n’est pas sa seule dimension. La Fiac doit s’adresser au plus grand nombre.

L’œil
: Le marché de l’art est-il rendu fragile par la crise économique ?

J. F.
: Il y a eu bien sûr des effets, mais pas de retrait des acheteurs qui, s’ils se sont repliés un temps sur eux-mêmes, sont de nouveau présents. Aujourd’hui, plusieurs scenarii sont possibles, comme celui des valeurs refuges. Tout le monde est attentif.

Autour de la Fiac

Informations pratiques. Fiac 2011, du 20 au 23 octobre au Grand Palais. Ouvert de 12 h à 20 h. Tarifs : 32 et 16 €. www.fiac.com

La Fiac hors-les-murs. L’édition 2011 de la Fiac propose une programmation hors-les-murs élargie face au succès des années précédentes. Le jardin des Tuileries accueille à nouveau une vingtaine d’œuvres extérieures. Le parcours se prolonge cette année au Jardin des plantes autour du thème de l’environnement et de la biodiversité. Des films sont aussi au programme des auditoriums du Louvre et du Grand Palais, et le Musée mobile pour enfants fera une halte parisienne à cette occasion. L’ensemble de ces événements est en accès libre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°640 du 1 novembre 2011, avec le titre suivant : Jennifer Flay - « La Fiac doit s’adresser au plus grand nombre »

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