Galerie

Hommage

Jean-François Jaeger célébré

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2013 - 690 mots

PARIS

À l’occasion de ses 90 ans, les galeries Jeanne Bucher et Jaeger Bucher lui dédient deux expositions racontant son histoire et ses centres d’intérêt.

PARIS - Jean-François Jaeger, de la galerie Jeanne Bucher, fête ses 90 ans et ses soixante-six années de galerie. Ils ne sont pas nombreux dans cette catégorie. Mais quel était le lien entre elle et lui ? « Je suis le petit-neveu. Je n’y peux rien, ce sont les lois de la descendance. Je n’ai pas dit “décadence” », indique cet amateur de bons mots. Autrement dit, il est le petit-fils de Pierre Bucher, qui était le frère de Jeanne. Cette dernière avait ouvert son premier espace en 1925 rue du Cherche-Midi, puis, quelques années plus tard, en 1936, la fameuse galerie du 9ter boulevard du Montparnasse, dans un petit pavillon où elle montrera Kandinsky, Braque, Picasso, Miró… et fera même les premières expositions de Giacometti, Vieira da Silva et Arpad Szenes, Nicolas de Staël.…

À sa mort en 1946 « comme j’avais la réputation d’être un peu culturel, on m’a proposé de prendre la suite », rappelle le très alerte nonagénaire. Et lorsqu’on demande à Jean-François pourquoi il a gardé le nom de Jeanne, la réponse fuse : « La galerie était connue, Jaeger non. J’ai tenu à rester modeste ainsi qu’à faire mes preuves. Je m’étais donné dix ans pour apprendre ce métier, dont je ne connaissais rien, ce qui est toujours le cas puisque j’apprends encore tous les jours. De toute façon, ce n’est pas un métier, c’est une profession de foi. Et je ne suis pas une vedette, je suis au service des artistes. » Le vrai discret, qui aujourd’hui encore tient à « ouvrir la porte le matin et à la fermer le soir », va quand même comprendre les clefs assez vite, notamment grâce à Roger Bissière, le grand compagnon de route. En 1960, il s’installe au 53, rue de Seine, l’adresse actuelle, où sa fille présente la première partie de l’hommage rendu à son père. Car dans la famille Jaeger, il y a aussi Véronique. Après avoir travaillé dans des galeries étrangères (ainsi chez Leslie Waddington à Londres), elle va prendre la direction artistique de la Fiac (de 1992 à 2003), avant de rejoindre la galerie de son père en 2003. Elle y restera jusqu’en 2008, année où elle inaugure sa propre galerie (Jaeger-Bucher) dans le Marais ; elle y montre la seconde partie de « Matière et mémoire : la demeure du patriarche ».

Véronique Jaeger a donc scindé en deux son exposition : rue de Seine, elle a regroupé les œuvres en trois thèmes, ceux pour lesquels son père a été précurseur dès les années 1960 : « L’attrait de l’Orient » où l’on découvre, à côté d’œuvres de Mark Tobey ou de Chen Yung-Shen, une « pierre de rêve » ; les « arts premiers » avec un bel ensemble Dogon et cette sculpture figurant une tête en fougère arborescente des Nouvelles-Hébrides qui n’a quasiment jamais quitté le bureau de J.-F. Jaeger, et devant laquelle Giacometti dira : « C’est cela ce que je veux faire, mais je n’y arrive pas » ; enfin un espace consacré aux femmes dans la création, en rappel d’une exposition présentée à la fin des années 1960. On y voit une importante œuvre de Louise Nevelson, en provenance du Musée de Grenoble.

Des prêts de musées, on en retrouve dans l’espace du Marais, avec un tableau de Nicolas de Staël, Portrait d’Anne de Staël (sorti pour la première fois du Musée Unterlinden à Colmar) ou une toile de Maria Elena Vieira da Silva du Musée national d’art moderne. En ses murs, Véronique Jaeger a choisi de présenter de petites monographies des artistes historiques de la galerie, Bissière, Staël, Tobey, Dubuffet…, ainsi que d’autres qui ont collaboré occasionellement. L’occasion de revoir un très beau Gérard Fromanger, Florence, rue d’Orchampt (1975), Paul Rebeyrolle, Asger Jorn ; ou encore le fameux bateau de Jean Amado, une installation de Jean-Paul Philippe ou des maquettes de Dani Karavan, pièces regroupées sous le titre « L’art public » – un autre centre d’intérêt de Jean-François Jaeger.

Matière et Mémoire : la Demeure du Patriarche,

jusqu’au 25 janvier, Galerie Jeanne Bucher, 53, rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 44 41 69 65, www.jeanne-bucher.com, du mardi au vendredi 9h30-13h et de 14h à 18h30, sam. 10h-12h30, 14h30-18h ; et galerie Jaeger Bucher, 5 & 7, rue de Saintonge, 75003 Paris, www.galeriejaegerbucher.com, du mardi au samedi 11h-19h.

Nombre d’œuvres : une cinquantaine
Prix : entre 5 000 € et plus de 2 M€

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°403 du 13 décembre 2013, avec le titre suivant : Jean-François Jaeger célébré

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