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Grcic et son homme-machine

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 12 mars 2014 - 534 mots

PARIS

À la galerie Kreo, le designer allemand propose un ensemble déstabilisant de mobilier en verre animé d’une dynamique visible.

PARIS - On a pris l’habitude, avec le designer allemand Konstantin Grcic, d’être étonné. Cette nouvelle exposition intitulée « Man Machine » ne déroge pas à la règle. La surprise y est de mise à la fois par le matériau utilisé et par les pièces elles-mêmes, qu’il a fallu pas moins de deux ans et demi pour mettre au point dans un atelier spécialisé établi depuis 1829 à Francfort-sur-le-Main. Elles sont au nombre de huit : une vitrine, une table ronde, une bibliothèque, une chaise longue, une table d’appoint, deux coffres et une table haute. La fourchette des prix s’étale de 18 000 euros pour la table d’appoint à 90 000 euros pour la table haute .
Pour la première fois donc, Konstantin Grcic use du verre, un verre de couleur verte utilisé habituellement dans le bâtiment, et il en fait du mobilier. Sa « ménagerie » de verre intègre un système de boutons et de câbles, de charnières et autres pistons à air qui permettent de faire se mouvoir les pièces du meuble. La transparence du matériau laisse toute cette mécanique visible. Pour peu, lorsqu’il actionne ce mobilier « dynamique », l’utilisateur devient une sorte de Monsieur Hulot, prompt à écouter la petite musique de l’air se comprimant dans les pistons. Une manière, pour Grcic, d’aborder avec un humour subtil la mécanique ainsi mise à nue.

Allongé dans le vide
Les meubles se révèlent proprement stupéfiants, dénués du moindre artifice. Comme en apesanteur, ils sont dessinés au cordeau. Les différents pans de verre sont joints entre eux par une colle silicone de couleur noire formant un discret liseré sombre. La colle permet une certaine élasticité entre les différents éléments tout en assurant la solidité de l’ensemble. Bref, on ne sait plus où finit la fragilité et où commence la robustesse, et c’est déstabilisant. Ainsi en est-il de la chaise longue sur laquelle un corps semble presque comme allongé dans le vide. Le peintre et cinéaste américain Julian Schnabel y a déployé son imposante carrure. Ladite chaise longue n’a, paraît-il, pas bougé d’un iota. Preuve de la réelle solidité de ce limpide matériau.
Dans la bibliothèque, grâce à l’air comprimé, deux serre-livres en bois jouent leur rôle avec zèle. Mais l’objet qui fait le plus appel à la force mécanique de l’homme est la table haute, laquelle est dotée d’une manivelle permettant de régler le plateau à la hauteur de son choix. Le grand coffre, lui aussi, impressionne, car ce qui est traditionnellement dissimulé est ici livré à la vue de tous. Deux longs pistons permettent d’actionner le couvercle. Sans avoir les idées noires, l’objet, sans doute en raison de ses dimensions, fait étrangement penser à un… cercueil. Les références sont alors légion. On pense notamment à Blanche-Neige étendue dans son cercueil de verre, ou à Maria, la femme-robot couchée sur la table de travail du scientifique Rotwang, dans le Metropolis de Fritz Lang. Woman Machine peut-être ?

Konstantin Grcic, MAN MACHINE

Jusqu’au 17 mai, à la galerie Kreo, 31, rue Dauphine, 75006 Paris, tél. 01 53 10 23 00
du mardi au samedi 11h-19h.

Légende photo

Vue de l'exposition de Konstantin Grcic, « Man Machine », à la galerie Kreo, Paris. © Photo : Fabrice Gousset, couertesy galerie Kreo, Paris

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°409 du 14 mars 2014, avec le titre suivant : Grcic et son homme-machine

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