Galerie

Arte povera

Giovanni Anselmo dans les étoiles

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 26 novembre 2014 - 800 mots

Fidèle à l’arte povera et à l’expression de son lien avec l’univers, l’artiste italien invite le visiteur à appréhender son langage esthétique en découvrant son installation comme un paysage.

PARIS - Les artistes de l’arte povera sont des poètes. La tête dans les étoiles. Giovanni Anselmo (né en 1934) – qui a toujours été l’un des piliers aux côtés de Jannis Kounellis, Mario Merz, Giuseppe Penone – de ce mouvement lancé en 1967 par Germano Celant, en donne une nouvelle fois la preuve, avec cette magistrale installation. Rien que son titre, déjà, en dit long : Il panorama verso oltremare intorno dove le stelle si avvicinano di una spanna in più (Le panorama vers l’outre-mer autour duquel les étoiles se rapprochent d’un empan de plus). Ouf. Ici les étoiles valent leur pesant de diorite : vingt-deux blocs parallélépipédiques de cette roche volcanique sont disposés au sol, chacun de 78 cm de long, 58 cm de large et 25 cm de hauteur ; ces derniers correspondant au fameux « empan » du titre, à peu près la mesure de l’écartement d’une main, entre le pouce et le petit doigt. Ils ressemblent à des parpaings de granit, tous légèrement différents sur l’un de leurs côtés sculptés.

À première vue, le côté céleste en prend un coup sur la voûte. À les regarder de plus près on comprend qu’Anselmo ne les a pas installés au hasard : l’artiste qui a toujours fait de la prise en compte d’un espace son étoile du berger, réinterprète en effet ici son œuvre initialement créée en 2001 et la conjugue à la configuration du lieu. Comme à son habitude, il a au préalable utilisé une boussole pour ne pas se perdre dans la galerie et situer son installation. Une fois le nord magnétique trouvé, il a peint directement sur le mur, en fonction de cette orientation, trois bandes verticales de ce bleu outremer (l’« oltremare » du titre) dont il a fait sa marque depuis la fin des années 1970 et qui, là, ouvrent réellement trois fenêtres astrales. D’un seul coup, les pavés se prennent effectivement pour des étoiles, l’échelle de l’œuvre change et notre rapport à l’espace aussi qui nous fait regarder l’ensemble, avec un peu d’imagination, comme un paysage cosmique. On peut en outre multiplier les points de vue puisqu’il est, pour une fois, recommandé de monter sur les parpaings pour prendre 25 cm de hauteur, ce qui évidemment change tout. Rien n’incite, en revanche, à sauter de bloc en bloc comme pour un jeu de marelle, qui comme on le sait, permet pourtant d’atteindre le ciel.

Une connexion avec les forces naturelles
Anselmo est poète et philosophe : il fait en effet remonter l’origine de son œuvre au 16 août 1965, à l’aube, lorsque perché au sommet du Stromboli, il a une illumination en voyant son ombre se projeter à l’infini. L’homme et l’univers en somme. Comme un vaste programme. Dans une salle à côté, un dessin témoigne de cette révélation : il est lui aussi titré de façon assez longue, comme souvent chez Anselmo, La Mia Ombra verso l’infinito della cima dello Stromboli durante l’alba del 16 Agosto 1965. Il est daté 1965-2000 car il montre une petite photo de l’artiste sur place à l’époque, rehaussée au graphite par des projections en perspective réalisées trente-cinq ans plus tard. Ce grand papier est d’ailleurs accompagné d’une autre installation, composée de deux projecteurs, placés au sol dans deux directions différentes qui envoient en bas de leur mur respectif le mot Particulare. Un « détail », selon la traduction du mot pour rappeler les rapports, notamment d’échelle, de la partie au grand tout cosmique. Il panorama… n’est pas sans rappeler Physiognomiae Coelestis (Physionomie Céleste), une œuvre de Claudio Parmiggiani, un artiste qui n’a jamais appartenu au mouvement de l’arte povera mais qui s’est toujours inscrit dans sa lignée. En 1975, il prend deux photos qu’il juxtapose : dans celle de gauche, il montre le dos d’une femme constellé de grains de beauté et dans celle de droite la voie lactée. L’œuvre d’Anselmo est moins sensuelle : toute la différence entre le grain de la peau et le grain de la pierre, mais elle n’en est pas moins efficace dans le registre baudelairien du « Je suis belle, ô mortels comme un rêve de pierre ».

Le prix des œuvres, qui va de 45 000 euros pour le dessin à entre 100 000 et 200 000 euros selon la configuration pour la grande installation, est lui aussi assez cosmique. Mais Anselmo fait aujourd’hui partie de ces artistes d’un mouvement important qui a le vent de l’histoire en poupe. Un vent qui a fait se transformer l’art pauvre en art cher.

Anselmo

Nombre d’œuvres : 3
Prix : entre 45 000 et 100 000 ou 200 000 €

Giovanni Anselmo

Jusqu’au 20 décembre, Galerie Marian Goodman, 79 rue du Temple, 75003 Paris, 01 48 04 70 52, www.mariangoodman.com, du mardi-samedi de 11h-19h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°424 du 28 novembre 2014, avec le titre suivant : Giovanni Anselmo dans les étoiles

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